Protection de lâenfance : l'indiffĂ©rence de la RĂ©publique ?
Enfants placés, des vies brisées par un systÚme à la dérive
Vies ravagĂ©es d'enfants placĂ©s, violences institutionnelles, pĂ©nurie dramatique de personnel : la protection de lâenfance est en crise. MalgrĂ© des lois censĂ©es amĂ©liorer la situation, les dĂ©faillances du systĂšme continuent dâexposer des milliers de jeunes Ă de nouvelles violences. EnquĂȘtes sur un naufrage silencieux que ni les rapports, ni les rĂ©formes, nâont enrayĂ©.

En janvier 2024, Lily, pas encore 15 ans, sâest pendue dans une chambre dâhĂŽtel Ă AubiĂšre prĂšs de Clermont-Ferrand (Puy-de-DĂŽme). Elle Ă©tait sous la protection de lâaide sociale Ă lâenfance (ASE), qui lâavait dĂ©posĂ©e lĂ . Le cas de Lily nâest pas isolĂ©. Kimberley, 15 ans, Ă Marseille en 2021, Avril Mabchour, 17 ans, Ă Lille en 2020 : tous ont mis fin Ă leurs jours alors quâils Ă©taient censĂ©s ĂȘtre protĂ©gĂ©s. Ces suicides signent un systĂšme en dĂ©route, comme le souligne Isabelle Santiago (dĂ©putĂ©e socialiste), rapporteure de la commission dâenquĂȘte parlementaire sur les "manquements des politiques publiques de protection de lâenfance". « L'enfance est un impensĂ© des politiques publiques », dĂ©plore-t-elle.
En 2023, 345.000 mineurs et jeunes majeurs Ă©taient suivis par lâASE, soit une augmentation de 18 % en une douzaine dâannĂ©es. Les dĂ©lais d'application des mesures de protection dĂ©passent six mois, signe dâun engorgement massif du systĂšme. Ă cette situation alarmante sâajoute une pĂ©nurie de personnel sans prĂ©cĂ©dent : 30 000 postes sont vacants dans le secteur mĂ©dico-social et Ă©ducatif. Depuis trois ans, lâaccueil en foyer est devenu la solution majoritaire (41 %), au dĂ©triment de lâaccueil familial (36 %), en net recul depuis quatorze ans, en contradiction avec les recommandations de lâONU qui privilĂ©gient la famille dâaccueil comme mode de placement protecteur. Et en moins de trente ans, le nombre de mesures dâaide sociale Ă lâenfance a augmentĂ© de...