Le RGPD, parti pour changer jusqu’à la définition des données personnelles
Dans la réglementation européenne, les « données à caractère personnel » seront peut-être bientôt une notion moins absolue.
L’omnibus numérique, que Bruxelles doit présenter la semaine prochaine, va en tout cas dans ce sens. Tout du moins si on en croit le brouillon qui a filtré.
À l’heure actuelle, le RGPD définit les données personnelles comme toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable.
L’omnibus numérique impose d’apprécier la notion du point de vue de chaque entité : des informations n’ont pas de caractère personnel pour qui ne peut pas identifier la personne concernée à l’aide de moyens raisonnables. De même, elles ne le deviendraient pas du point de vue de cette même entité simplement parce qu’un destinataire ultérieure aurait raisonnablement les moyens de réaliser cette identification.
Traitement de catégories particulières de données : une exception à la faveur des systèmes d’IA
L’omnibus numérique modifierait une autre définition inscrite dans le RGPD : celle des « données concernant la santé ». Il ne s’agirait plus que de celles qui révèlent « directement » des informations sur l’état de santé d’une personne.
La même approche serait adoptée pour amender l’article 9 (traitement de catégories particulières de données personnelles). Ne serait plus interdit que le traitement de données personnelles révélant « directement » l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, etc.
En l’état, cette interdiction ne s’applique pas si certaines conditions sont remplies. Par exemple, l’obtention d’un consentement explicite ou une nécessité pour la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée.
L’omnibus y ajoute deux possibilités, dont une touchant au développement et à l’exploitation de systèmes d’IA. Ce à condition d’avoir mis en place les mesures techniques et organisationnelles appropriées pour éviter autant que possible la collecte de catégories particulières de données personnelles. Et, le cas échéant, de supprimer ces données ou d’éviter qu’elles alimentent des outputs, soient divulguées ou soient rendues accessibles à des tiers.
Un allégement des exigences d'information des personnes concernées
L'omnibus numérique amenderait aussi l'article 13 (informations à fournir lorsque des données personnelles sont collectées auprès de la personne concernée).
Actuellement, les dispositions ne s'appliquent pas lorsque la personne concernée dispose déjà de ces informations.
À l'avenir, elles ne s'appliqueraient pas dès lors que les collectes seraient effectuées dans le cadre d'une relation "claire et délimitée" par un responsable de traitement exerçant une activité "non intensive en données". Et qu'il existe des motifs raisonnables de supposer que la personne connaît déjà les finalités et la base juridique du traitement, ainsi que l'identité et les coordonnées du responsable.
Tout cela ne vaudrait pas si les données étaient transmises à d'autres destinataires ou catégories de destinataires, transférées vers des pays tiers, exploitées pour de la décision automatisée, ou si le traitement pose un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées.
De "interdit sauf si" à "autorisé sauf si" : une tournure plus favorable aux décisions individuelles automatisées
La décision individuelle automatisée (article 22) évoluerait aussi en conséquence de l'omnibus numérique.
Actuellement, il est établi que la personne concernée a le droit de ne pas faire l'objet d'une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé produisant des effets juridiques la concernant ou l'affectant de manière significative de façon similaire. Ce droit ne s'applique pas lorsque la décision est :
- Nécessaire à la conclusion ou à l'exécution d'une contrat
- Autorisée par le droit de l'UE ou de l'État membre auquel le responsable de traitement est soumis
- Fondée sur le consentement explicite de la personne concernée
Le fond ne changerait pas. Mais la forme, si, au profit d'une rédaction de type "traitement automatisé autorisé sauf si...".
Violations de données personnelles : notifications restreintes et délai allongé
Un autre assouplissement est prévu sur l'article 33.
Celui-ci impose actuellement aux responsables de traitement de notifier les violations de données personnelles à l'autorité de contrôle référente sous 72 heures.
L'omnibus numérique cette obligation aux violations engendrant un risque élevé pour les droits et libertés de personnes physiques. Il porterait par ailleurs le délai à 96 heures.
Les autorités de contrôle n'établiraient plus leur liste d'AIPD
La conception de listes des types d'opérations de traitement exigeant une AIPD (analyse d'impact préalable) est actuellement à la charge des autorités de contrôle, qui les communiquent aux Comité européen de la protection des données.
L'omnibus numérique supprimerait cet échelon : la liste serait directement élaborée par ledit comité, qui la transmettrait à la Commission européenne.
Traitements de données au travail : un cadre précisé pour les données des terminaux
L'article 88, relatif au traitement des données dans le cadre des relations de travail, n'évoluerait pas en lui-même. Mais trois articles 88a, 88b et 88c viendraient le compléter.
L'article 88a encadrerait le traitement de données personnelles stockées sur ou provenant de terminaux. Il l'autoriserait s'il est nécessaire pour :
- Acheminer une communication électronique
- Fournir un service explicitement demandé par la personne concernée
- Agréger des infos sur l'usage d'une service en ligne afin de mesurer son audience
- Maintenir ou restaurer la sécurité d'un service demandé par la personne concernée ou du terminal utilisé pour fournir ce service
Pour toutes autres finalités, les traitements auraient à respecter les bases légales énoncées à l'article 6 du RGPD et éventuellement l'article 9 (catégories particulières de données personnelles). Un éventuel consentement devrait pouvoir être manifesté par un clic sur un bouton "ou par des moyens équivalents". Le responsable de traitement aurait à respecter ce choix pour au moins 6 mois.
Une (énième) perspective d'expression automatisée du consentement
L'article 88b ouvre la voie à une expression du consentement de manière automatisée et lisible par la machine. Une solution que l'UE explore depuis bien longtemps : un amendement de 2009 à la directive ePrivacy avait déjà encouragé un tel mécanisme, notamment par l'intermédiaire des paramètres de navigateur web.
Une fois les normes harmonisées établies, les responsables de traitement auraient 6 mois pour faire en sorte que leurs services gèrent ces signaux. Les médias - tels que définis dans l'European Media Freedom Act de 2024 - n'y seraient pas tenus, "vu l'importance que les revenus publicitaires représentent pour eux".
En cas d'adoption insuffisante par les fournisseurs de navigateurs web et de systèmes d'exploitation, la Commission européenne aurait le pouvoir de les contraindre par actes délégués.
L'article 88c concernerait les traitements dans le contexte du développement et de l'exploitation de systèmes d'IA. Ils les autoriserait s'ils sont nécessaires au sens de l'article 6(1)(f). C'est-à-dire au nom des intérêts légitimes du responsable de traitement ou d'un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée.
Illustration générée par IA
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