Edito de la newsletter le pavé numérique :
> Tout part de la conviction des États-Unis que leur principal adversaire, économique et militaire, est désormais la Chine. Notons que cette conviction dépasse le mouvement MAGA, elle est partagée par le camp démocrate. On peut la discuter, mais elle obéit à des arguments rationnels.
> À partir de là, si l’on se place dans l’hypothèse qu’un conflit aigu, potentiellement même armé, avec la Chine est possible, il est également rationnel de vouloir reconstruire une industrie nationale, particulièrement pour la Tech et les semi-conducteurs : les États-Unis ne fabriquant que 11 % de leurs besoins en puces électroniques, la dépendance dans ce domaine vis-à-vis de la Chine et de l’Asie de l’Est serait en effet une vulnérabilité stratégique majeure.
> Là où l’on quitte le rationnel, c’est quand on prétend convaincre les acteurs industriels d’investir des milliards sur au moins cinq ans pour reconstruire des usines complexes, alors qu’on change les règles douanières chaque semaine. Et si l’on est logique, pour faire revenir la fabrication des processeurs et des smartphones sur son sol, on ne les exempte pas soudain (et provisoirement ?) de taxes, alors qu’elles sont maintenues sur les t-shirts ou le ciment.
> Voyons maintenant les choses du point de vue européen, puisque nous présentons la même dépendance industrielle et la même vulnérabilité. Si l’hypothèse d’un conflit entre les États-Unis et la Chine est jugée réaliste (et vu la trajectoire des deux pays, elle le semble malheureusement), l’Europe espère-t-elle échapper aux mêmes réflexions stratégiques que les Américains ? En cas de conflit, imagine-t-on réellement que l’export des produits électroniques de la région (Corée, Taïwan, Japon, Vietnam…) pourrait continuer tranquillement ? que la Chine se priverait de ce moyen de pression ? ou même que la simple interruption des exportations de la Chine et de Taïwan ne suffirait pas à provoquer une pénurie mondiale ?
> Puisque le monde accélère et que le temps semble se réduire, que fait l’Europe hormis constater qu’elle n’a pas les moyens de remplir ses propres objectifs en matière de puces électroniques ? Il conviendrait de muscler ou mettre à jour l’European Chips Act, entré en vigueur en 2023, mais cela ne semble étrangement pas à l’ordre du jour.
> Nous moquons, à juste titre, les initiatives erratiques de Trump mais est-on certain que, face à une hypothèse plausible de désordre mondial majeur, notre propre attentisme ne soit pas plus risible encore ?
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