Blatten, entre choc et triomphe de l'intelligence collective
Les forêts, alliées naturelles contre les dangers
Cette progression de la végétation en altitude n'est pas qu'un phénomène esthétique. Elle joue un rôle crucial dans la prévention des dangers naturels. Les forêts constituent en effet des barrières naturelles contre les avalanches et les glissements de terrain. Leurs racines stabilisent les sols, leurs troncs freinent les coulées, leur couvert protège de l'érosion.
L'expansion forestière en altitude créera donc, paradoxalement, de nouvelles zones de protection naturelle là où le recul glaciaire laissait auparavant des terrains instables à nu. Cette cicatrisation végétale de la montagne pourrait, à terme, compenser partiellement l'augmentation des risques liés à la fonte des glaciers et au dégel du permafrost.
En 2025, la forêt suisse couvre environ 32 % du territoire national, soit 1,3 million d'hectares. Depuis plus de 150 ans, la surface forestière augmente dans notre pays. Entre 1983 et 2022, elle s’est accrue de 11,6 %. (fig. 2). Durant la dernière décennie (2015-2025), l'augmentation a été de 23'000 hectares, soit 23 km2 par an. Cette expansion s'est principalement produite dans les régions alpines, avec une croissance de 0,4 % par an dans les Alpes et de 0,3 % dans le sud des Alpes.
Environ 75 % de cette extension forestière s'est faite à des altitudes supérieures à 1 400 mètres, principalement sur des terrains agricoles abandonnés. Cette tendance est en partie due à la déprise agricole dans les zones de montagne, où les terres ne sont plus exploitées, permettant ainsi à la forêt de se régénérer naturellement.
Faire confiance aux lois d’auto-régulation
La planète n’est pas une victime passive du changement : elle est un système vivant, doté d’une profonde capacité d’auto-régulation. Lorsqu’un glacier s’effondre dans un coin du Valais, ailleurs, une forêt progresse, les prairies s’étendent, et les sols se stabilisent. Là où un équilibre est rompu, un autre se reforme, parfois avec plus de diversité, plus de résilience. La nature n’est pas figée : elle s’adapte, elle compense, elle transforme les crises en dynamiques nouvelles.
Prétendre que chaque bouleversement annonce l’aggravation inexorable des catastrophes, c’est oublier cette intelligence intrinsèque du vivant, cette danse subtile des éléments qui, depuis des millénaires, voire des centaines de millions d’années, refonde l’équilibre chaque fois qu’il vacille. Mais cette observation demande beaucoup d’humilité, une qualité elle-même en voie de disparition parmi les décideurs de ce monde.
— Permalien