Les commerces britanniques subissent 55 000 vols quotidiens, un chiffre en forte hausse. Ces délits, souvent accompagnés de violences, sont notamment pratiqués par des gangs qui dérobent les biens pour les revendre.

Un message affiché sur un rayon de viande (« nous signalons les voleurs à l’étalage à la police »), dans un supermarché de Manchester (Royaume-Uni), le 30 janvier 2025
Les deux hommes en pull à capuche noir s’acharnent à coups de pied contre un présentoir garni de smartphones. Ils finissent par l’arracher et l’emportent, franchissant nonchalamment la porte à tambour d’un magasin. Ils ne portent pas de masque pour dissimuler leur visage. L’opération a pris moins de cinq minutes.
Cette vidéo, captée en décembre 2024 par les caméras de surveillance d’une boutique de téléphonie mobile sur Oxford Street, la principale artère marchande de Londres, illustre l’ampleur prise par le vol à l’étalage au Royaume-Uni. Le pays a enregistré 20,4 millions d’incidents de ce type entre septembre 2023 et septembre 2024, en hausse de 22 % par rapport à la même période précédente, selon un sondage réalisé par l’association faîtière British Retail Consortium (BRC) auprès de ses membres. Cela leur a coûté 2,2 milliards de livres (2,65 milliards d’euros).
Ces vols s’accompagnent fréquemment de violences. « Le personnel se fait cracher dessus, arroser d’insultes racistes et menacer avec des machettes », indique Helen Dickinson, la directrice de BRC. Durant la période étudiée, les magasins sondés ont fait état de 2 000 actes d’agression quotidiens, contre 1 300 dans les douze mois précédents.
« Liste de courses »
« Les vols peuvent être le fait de personnes souffrant de la hausse du coût de la vie liée à l’inflation ou qui ont besoin de financer leur consommation de drogue », relève Rachel Armitage, chercheuse en criminologie à l’université Beckett de Leeds, qui a effectué un travail ethnographique auprès des auteurs de vol à l’étalage. Mais, selon BRC, la hausse du nombre de vols accompagnés de violences est surtout due à l’activité de gangs qui ciblent les supermarchés au cours d’opérations « kamikazes » durant lesquelles ils vident méticuleusement les étalages.
« Ils arrivent dans les magasins avec une benne à ordures ou un sac à gravats et raflent l’ensemble du rayon confiserie, boucherie ou spiritueux », a détaillé le directeur des affaires publiques de la chaîne Co-op, Paul Gerrard, devant une commission parlementaire. Les membres de ces organisations criminelles « sont souvent munis d’une liste de courses comprenant des biens commandés à l’avance, notamment de la lessive en poudre, des cosmétiques, des rasoirs, de la viande et de l’alcool », relève Rachel Armitage. Ces biens sont ensuite revendus sur eBay ou Facebook ou bien livrés en personne à leur commanditaire.
Le phénomène a été accentué par un changement introduit dans la loi en 2014, faisant des vols d’une valeur de moins de 200 livres (242 euros) un délit mineur. « Ils donnent rarement lieu à plus de trois semaines de prison, contre plusieurs années pour les cambriolages ou les vols de voitures », souligne la juriste. Quant à la police, elle n’intervient presque jamais lorsqu’un commerçant lui annonce un vol à l’étalage, faute d’officiers à disposition.
Mardi 25 février, le Parlement britannique a toutefois commencé à se pencher sur une nouvelle loi, qui rétablirait des pénalités sévères pour les vols de moins de 200 livres. Elle ferait également des agressions contre le personnel une infraction à part entière, pouvant donner lieu à six mois de prison.
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