{ Tribune Expert } – Cloud computing : un choix technologique devenu un choix d’avenir
Pour une entreprise, les données représentent la base de son activité, la confiance de ses clients, ainsi que la souveraineté numérique de son pays. Or, ces mêmes données peuvent échapper à son contrôle, non pas à cause d’une violation ou d’une erreur humaine, mais simplement parce que l’entreprise a accepté les conditions générales d’un fournisseur de cloud plusieurs années auparavant. Bien qu’elle puisse accéder à ses données et les utiliser, elle n’a désormais plus aucun contrôle sur l’écosystème qui les entoure, ni sur leur évolution et leurs changements.
Loin d’être une simple hypothèse, ce cas de figure est une réalité quotidienne pour des milliers d’entreprises partout en Europe et dans d’autres pays. Cette situation soulève alors une question cruciale : comment garantir aux entreprises la maîtrise de leurs données et la liberté de choix dans un tel contexte ?
La promesse du multicloud : entre attentes et réalité
Face à ce constat, les entreprises, notamment les PME, se sont tournées vers le multicloud. En effet, travailler avec plusieurs fournisseurs permet de gagner en flexibilité, sécurité et portabilité des workloads. L’idée consiste donc à migrer les applications existantes puis à les optimiser pour le cloud.
Or, dans la pratique, cette promesse n’est pas souvent tenue. Les entreprises sont confrontées à la nécessité de « transférer » leurs applications monolithes sur site vers le cloud, tout en composant avec de nouvelles applications cloud-first créées par une toute nouvelle génération d’ingénieurs et des silos de données fédérés et distribués.
Au cœur du problème se trouve également quelque chose de plus fondamental qu’une simple part de marché : il s’agit de l’érosion de la liberté de choix et, par conséquent, de l’érosion de la souveraineté. Cette dépendance croissante vis-à-vis des plateformes externes nuit à l’innovation.
En parallèle, les DSI sont chargés de vérifier le respect de la conformité pour les écosystèmes tiers, ce qui enferme les autorités chargées de la réglementation dans des interfaces propriétaires. L’avenir du numérique se confond alors étrangement avec le passé et se retrouve monopolisé par une poignée de personnes à la logique interne obscure et aux motivations incompatibles avec celles de la société.
Sécurité nationale, innovation et éthique : des enjeux globaux
Cette dépendance vis-à-vis de quelques fournisseurs soulève alors trois grand enjeux.
C’est d’abord une question de sécurité nationale. Les pays européens prennent conscience que dépendre d’hyperscalers étrangers pour entraîner et déployer leurs modèles d’IA représente un risque pour leur souveraineté. Plusieurs questions se posent alors : que se passerait-il en cas de changements géopolitiques ? Que se passerait-il si l’accès d’un gouvernement aux données de ses propres citoyens est restreint en raison d’obligations légales étrangères ?
C’est aussi une question d’innovation. En effet, les start-ups ne peuvent pas se permettre de payer des frais de sortie qui pénalisent l’exploration et les universités ne devraient pas avoir à adapter leurs recherches aux contraintes commerciales d’un seul fournisseur. Si l’IA est l’équivalent du « moteur à vapeur » du XXIe siècle, il est essentiel de veiller à ce que son carburant, à savoir les données et la puissance de calcul, reste à la fois accessible et portable.
Enfin, c’est une question d’éthique. L’une des plus grandes erreurs dans la gouvernance de l’IA est l’idée que l’éthique peut être superposée à des systèmes fermés. Que les biais des modèles, l’équité algorithmique et l’explicabilité peuvent être réglementés, tout en déployant les modèles les plus sensibles via des API tierces exécutées dans des environnements « Black Box ».
La véritable gouvernance de l’IA commence par la gouvernance des infrastructures. Cela signifie qu’il faut savoir où les modèles sont hébergés, qu’il faut enregistrer et auditer chaque inférence, mais aussi s’assurer que les modèles ne franchissent pas les frontières et ne transgressent pas les règles locales en matière de résidence des données. Or, le fait d’être lié à un seul fournisseur ou de dépendre de services managés purs qui fonctionnent comme des boîtes noires rend tout cela possible.
Vers un cloud souverain et portable
La prochaine évolution technologique est une plateforme qui ne se contente pas de promettre la portabilité, mais qui la met en œuvre. Là où les moteurs de calcul suivent les données et pas l’inverse. Et surtout, là où l’IA peut être exécutée de manière privée, sécurisée et en toute simplicité. Il n’est pas question d’abandonner le cloud, loin de là. Sa flexibilité, son évolutivité et son potentiel de démocratisation sont révolutionnaires. Mais les révolutions doivent être encadrées et le cloud doit avant tout être un choix.
Aujourd’hui, les entreprises sont confrontées à un choix difficile : continuer à dépendre des fournisseurs, accepter l’augmentation des coûts et la réduction de l’autonomie qui en découle, ou basculer vers un environnement où l’infrastructure est fluide, où l’IA peut être souveraine et où le cloud est une capacité qui leur appartient.
Les DSI, les CTO et les CDO doivent être les garants du contrôle absolu des données au sein de l’entreprise, tant du point de vue budgétaire que de celui de la conformité. Une chose est sûre : le droit de traiter les données doit rester entre les mains des personnes qui sont propriétaires de ces données.
*Sergio Gago est Chief Technology Officer chez Cloudera
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