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Résilience unique, mode d’emploi avec « Agri Union Bioénergies »

(Les agriculteurs membres de l’association Agri Union Bioénergies)

Aux frontières du Nord et du Pas-de-Calais, Métaleurop depuis la fin du XIXème siècle, sur la commune de Dourges, a défrayé la chronique à une époque où l’absence de conscience écologique constituait une signature. En fermant ses portes en 2003, outre le désastre humain, le sol est pollué au plomb, zinc, et cadmium sur plus de 650 hectares. On ferme, on licencie massivement, et on laisse en l’état un sol gangréné, un écocide en Droit français. Aujourd’hui, et c’est une bonne chose, il n’est pas plus concevable, ni possible, de se comporter de cette manière.

Bien sûr, l’impact sur la production agricole alimentaire ne tarde pas à se faire sentir, une étude de l’ADEME sonne le glas, la production alimentaire est touchée. Dorénavant, elle est non conforme à l’alimentation humaine parfois à 100%, mais plus généralement sur un pourcentage très divers, 20%, 30%,50%, 70%… de leur surface d’exploitation. Evidemment, il est hors de question de jouer avec la sécurité alimentaire des individus.

« La piste de la mutualisation a été prise assez rapidement », Romain Vion

Après un abattement légitime de ces professionnels de l’agriculture, la lumière assez rapide d’une reconversion est arrivée à travers un accompagnement de la Chambre de l’Agriculture, et un soutien fort de l’Etat et ses services, de l’Europe avec le fonds FEDER, des partenaires bancaires comme le Crédit Mutuel et le Crédit Agricole… Pour un coût total de 8,5 millions d’euros, dont 3,369 000 euros de l’Europe (oui, elle est utile) , l’association Agri Union Bioénergies est née après une gestation du projet durant 7 ans avant sa mise en service en avril 2022. Le résultat est assez bluffant avec la création d’une association à but lucratif dont l’objet est installation d’une unité de méthanisation où les déchets organiques (lisiers des ovins et bovins, et autres matières alimentaires), mais également des cultures alimentaires, produisent depuis du gaz vert. « La piste de la mutualisation a été prise assez rapidement », indique Romain Vion. Cette association regroupe 8 agriculteurs impacté même si « psychologiquement, il est difficile d’accepter de ne plus exercer la fonction première de son métier, nourrir les gens », commente Romain Vion, un des 8 agriculteurs concernés. 

Par sa superficie, l’ancien espace foncier occupé, voire pollué par capillarité, est unique en France, un dossier écologique extraordinaire. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle, car l’Etat par la voie d’un décret en 2014 a permis la production de produits alimentaires, mais uniquement dédiée à la production de gaz vert. 

Du fumier comme une des matières de la production d’un gaz vert

Bien sûr, certains agriculteurs concernés par cette interdiction de poursuivre leur production alimentaire a débouché sur un déplacement de ces derniers grâce à la SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural). C’était leur droit, mais d’autres n’ont pas voulu déménager leur production et ont joué la carte de la reconversion totale ou partielle sur site. Aujourd’hui, l’association Agri Union Bioénergies produit du biométhane, 240Nm3/h, grâce à la 16 060 tonnes de culture agricole (maïs, seigle, blé, pulpes-sur-pressées de betteraves) et 6752 tonnes de lisier et de fumier de porcin et de bovin, soit 22 812 tonnes par an. Cette capacité de production de biométhane est dans la moyenne des unités existantes dans les Hauts de France, mais son origine est singulière et prouve une certaine capacité à rebondir. La France n’a pas de pétrole, mais encore des idées vertes… !

Deux tuyaux permettant la transformation du biométhane en gaz vert à injecter dans le réseau général grâce à l’eau et sa capacité à dissoudre le CO2

In fine, cette exploitation sur un site de production de gaz vert improbable, sur près de 4 hectares, couvre la chauffe annuelle de 3 700 foyers ou la consommation de grandes industries. « Nous avons eu 4 mois de rodage de la production. Aujourd’hui, elle est maîtrisée et fonctionne 365 jours par an. Nous pouvons encore nous développer », explique durant la visite du site Romain Vion. Bien sûr, la question écologique se pose concernent la méthode de production. Le responsable s’en défend, car « la neutralité carbone de cette production est atteinte ». Bien sûr, rien n’est parfait, mais la mesure de la dette écologique à la fin de Métaleurop et la sortie sur 4 hectares d’une production de gaz vert pèse positivement dans la balance environnementale. 

Sur le volet économique, vous avez de fait une compensation des revenus, perdus partiellement ou totalement, pour les agriculteurs grâce à cette production de biométhane. Ensuite, dix emplois ont été créés directement ou indirectement liés à la maintenance et l’exploitation sous tous ses aspects techniques.

1er dossier sur une terre polluée à 100%…

Pour arriver à bonne fin, seul un travail collectif des acteurs publiques et privés a rendu probable cette interdiction sanitaire indiscutable sur le fond. 

Les acteurs de cette reconversion

Pour GRDF, ce projet était exemplaire et surtout le « premier sur une terre polluée à 100%. C’est un projet hors normes ! Cette réussite est une immense fierté autour d’un débat pas évident », mentionne le responsable territorial du secteur. Pour Didier Cousin, le Directeur régional GRDF, ce succès collectif « donne l’espoir, une production d’énergie plus verte est possible ». Tout en sachant que la production de biogaz doit se multiplier par 4 ou 5 d’ici 2030 pour intégrer un mixe énergétique crédible pour la France.

Pour le représentant de la Chambre d’agriculture, ce portage de dossier donne « un avenir » à ce territoire, car « l’Etat a accepté de bouger les lignes », met en exergue la maire de Noyelles Godault, commune voisine de Dourges. 

Au plus près du dossier, la communauté d’agglomération concernée et la région Hauts de France, à travers la gestion des fonds FEDER européens, sont au coeur de cette mutation professionnelle. 

Enfin, Philippe Vasseur, ancien Ministre de l’agriculture et ancien Président de la CCI Hauts de France, était un pionnier dans cette réflexion sur la diversification énergétique au sein de sa région natale. « Il y avait un coup à jouer sur la méthanisation pour notre région », souligne Philipe Vasseur. On connaît la suite avec une prise en main par Daniel Percheron, et une reprise du flambeau par Xavier Bertrand, de cette idée d’énergie alternative.

En tout état de cause, on peut difficilement trouver un meilleur exemple de résilience sur un territoire meurtri par la pollution. Décidément, le gisement des idées demeure l’énergie la plus prometteuse et durable !

Daniel Carlier

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