> Suite à l'élection de Donald Trump, Elon Musk a pris les rênes de son fameux service de « l’efficacité gouvernementale » nommé DOGE. Le milliardaire utilise ce statut pour mettre la main sur les systèmes informatiques de différentes agences, comme celui des ressources humaines des employés fédéraux américains. Le nouveau gouvernement a continué la purge des sites internet des agences gouvernementales. Des données sur le VIH sont supprimées et une agence de santé a demandé à des chercheurs de rétracter certains articles scientifiques.
> Elon Musk a rapidement transformé la commission DOGE à laquelle il a été nommé par Donald Trump, officiellement chargée de « l'efficacité gouvernementale », en un outil pour mettre la main sur les différentes agences de l'État fédéral américain, de leurs systèmes informatiques et des informations qu'elles publient.
> Selon le New York Times, le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, aurait donné l'accès au système de paiement fédéral à des représentants du service d'Elon Musk vendredi 31 janvier. « Elon Musk et l'équipe qu'il dirige disposent ainsi d'un outil puissant pour surveiller et potentiellement limiter les dépenses gouvernementales », commente le journal.
> Nos confrères expliquent que, plus tôt dans la semaine, un employé du Trésor a refusé de donner l'accès à ce système qui gère l'argent au nom de l'ensemble du gouvernement fédéral. Mais il aurait été mis en congé puis « soudainement en retraite dès vendredi après le conflit ».
> Les proches d'Elon Musk auraient obtenu des accréditations pour l'accès au système de paiement, mais ne pourraient pas encore agir. « Aucun paiement gouvernemental n'[aurait] été bloqué », selon des sources du journal.
Les ressources humaines fédérales rapidement prises en main
> Le DOGE se serait déjà installé dans d'autres services. Selon l'agence de presse Reuters, il aurait pris la main sur l'outil informatique de l'Office of Personnel Management (OPM, l'agence des ressources humaines des employés fédéraux américains). Des fonctionnaires de cette agence ont perdu leur accès à certains systèmes de données du ministère.
> Un de ces systèmes est « une vaste base de données appelée "Enterprise Human Resources Integration", qui contient les dates de naissance, les numéros de sécurité sociale, les évaluations, les adresses personnelles, les niveaux de rémunération et l'ancienneté des fonctionnaires », explique l'agence de presse.
> Une source a expliqué à Reuters qu'une équipe d'Elon Musk a pris le contrôle de l'OPM le jour de l'entrée en fonction de Donald Trump. Elle s'est installée à l'étage du siège de l'agence « réservé au directeur et accessible seulement avec un badge spécifique ». Comme lors du rachat de Twitter en 2022, cette équipe aurait même installé des lits dans ces bureaux.
> Selon le Washington Post, Elon Musk a personnellement visité les bureaux de l'OPM vendredi 24 janvier. Il aurait placé à des postes de direction de l'agence plusieurs de ses proches collaborateurs, « notamment Anthony Armstrong, qui a aidé M. Musk à acheter Twitter, Brian Bjelde, qui a dirigé les ressources humaines de SpaceX, l'entreprise de M. Musk, et Amanda Scales, qui a travaillé dans l'entreprise d'intelligence artificielle de M. Musk, xAI », affirme le journal américain.
> Un autre proche d'Elon Musk, Thomas Shedd, a pris la tête des Technology Transformation Services (TTS), une agence chargée de la maintenance d'une grande partie de l'infrastructure informatique du gouvernement américain. Il a notamment travaillé pendant huit ans en tant qu'ingénieur chez Tesla.
Les services informatique fédéraux sous surveillance du DOGE
> Selon Wired, son arrivée a plongé l'agence dans le désarroi. Thomas Shedd a engagé une remise en question du travail des employés de TTS en les convoquant à des réunions pour évoquer « leurs plus grandes "victoires" et les "obstacles" les plus importants qui les empêchent de travailler de manière aussi efficace que possible », comme l'avait fait Elon Musk lors du rachat de Twitter.
> Alors que certains s'attendaient à rencontrer Thomas Shedd, des réunions à distance se seraient passées avec de « parfaits inconnus – certains assez jeunes – qui n'avaient pas d'adresse électronique officielle du gouvernement et qui ont été réticents à s'identifier ». Ils utilisaient des adresses Gmail, explique le média américain.
> Thomas Shedd se serait excusé pour les invitations vagues et l'ajout au processus de personnes avec des adresses Gmail en assumant « la responsabilité des actions de chacun d'entre eux lors des appels » et de leur accréditation.
> Wired explique que les TTS ont régulièrement des projets avec d'autres agences gouvernementales, avec des données externes faisant l'objet d'accords de confidentialité. Pour cette raison, les fonctionnaires des TTS étaient peu enclins à partager leur travail avec des personnes non accréditées.
> Comme d'autres agences, les TTS ont suivi les consignes du gouvernement de Donald Trump demandant d'arrêter les politiques de « Diversité, équité et inclusion » (DEI). Selon Wired, l'agence a mis fin à une série de réunions sur la diversité et au canal #g-diversity du Slack de l'agence.
> Wired a repéré plus généralement que de jeunes ingénieurs avec peu d'expérience forment l'équipe d'Elon Musk chargée de reprendre en main les agences fédérales américaines. Deux d'entre eux, encore récemment étudiants, feraient partie des « experts » envoyés à l'OPM. Un autre, tout juste étudiant, aurait participé aux réunions de certains employés des TTS. Un quatrième, Luke Farritor, est le lauréat du concours qui a permis de déchiffrer une toute petite partie (5 %) d'un seul rouleau de papyrus d’Herculanum.
> Pendant ce temps-là, les purges dans les données et sites internet des agences américaines, redoutées par des chercheurs et des militants (et dont nous parlions déjà la semaine dernière), continuent.
> Wired explique que des sites comme USAID.gov, ForeignAssistance.gov (de nouveau disponible au moment où nous publions), NeglectedDiseases.gov et ChildrenInAdversity.gov ont été mis hors ligne. Nos confrères se sont aperçus qu'au moins sept sites liés à USAID (l'Agence des États-Unis pour le développement international) ont été supprimés en deux heures samedi après-midi. Cette agence a particulièrement été ciblée par Elon Musk pendant ce week-end. Selon lui, explique CNN, Donald Trump est d'accord pour dire que cette agence doit être « fermée ». Son financement est actuellement gelé et ses employés mis en congé.
> La virologue de l'université de Saskatchewan, Angela Rasmussen, a déclaré à la revue scientifique Science : « Je savais que les choses allaient mal tourner, mais je ne pensais pas qu'elles allaient être aussi graves ». Elle a ajouté : « c'est comme une apocalypse de données ».
> En jeu, les informations publiées par le réseau de Centres de contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC). Plusieurs pages web du CDC contenant les termes LGBTQ ont été supprimées.
> « Toutes les données relatives au VIH ont disparu. Normalement, il y a un menu pour les professionnels de la santé », mais il a disparu, a expliqué Angela Rasmussen à Science.
> Selon Science, l'un des sites dépubliés concerne une enquête importante sur les comportements à risque des jeunes recueillant notamment des données sur les jeunes LGBTQ. Le site inaccessible actuellement a encore été archivé mercredi par Internet Archive.
> D'autres données étaient sur le site data.cdc.gov. L'agence a d'abord dépublié vendredi 31 janvier l'entièreté du site pour se conformer au décret signé par Donald Trump contre les informations sur le genre. Elle l'a ensuite remis en ligne en affichant en haut un bandeau : « Le site web du CDC est en cours de modification pour se conformer aux décrets du président Trump ».
> Selon la newsletter du média spécialisé Inside Medecine, le CDC a demandé à ses chercheurs d'interrompre ou de rétracter toute publication d'articles de recherche en cours de publication pour que l'institution vérifie qu' « aucun terme interdit » n'y figure.
> Sont traqués par l'agence les termes « Genre, transgenre, personne enceinte, personnes enceintes, LGBT, transsexuel, non binaire, assigné masculin à la naissance, assigné féminin à la naissance, biologiquement masculin, biologiquement féminin », selon un email envoyé aux employés du CDC qu'a pu se procurer Inside Medecine.
> Science explique que le National Institutes of Health (NIH) a aussi supprimé des pages web et annulé des programmes pour favoriser la diversité dans le domaine de la recherche biomédicale. Rappelons que le NIH a une place importante dans la gestion d'outils de la recherche biomédicale mondiale. Par exemple, le National Center for Biotechnology Information, qui dépend du NIH, gère des bases de données comme PubMed, principal moteur de recherche d'articles médicaux et de biologie, ou encore GenBank, une base de séquences nucléotidiques et de leurs traductions protéiques.
> Dans un billet de blog, le journaliste Garrett Graff publie une dépêche qu'il aurait pu écrire si les derniers événements s'étaient passés ailleurs qu'aux États-Unis. Celle-ci commence par :
> « Ce qui avait commencé jeudi comme une purge politique des services de sécurité intérieure s'est transformé vendredi en un véritable coup d'État, les unités techniques d'élite alignées sur l'oligarque des médias Elon Musk s'étant emparées des systèmes clés du Trésor national, bloquant l'accès extérieur aux dossiers du personnel fédéral et mettant hors ligne les réseaux de communication du gouvernement ».
(
Permalink)