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Tancarville : quand plier le linge devient un geste poétique

Tout d’abord, comme un mirage. Quatre silhouettes blanches avancent doucement au rythme des battements d’une musique hypnotique. On hésite entre la peur et le rire, et l’on se retrouve face à soi-même, à nos peurs aussi.

Le G. Bistaki « fait dans l’art de créer des fictions, des mondes fantastiques en dehors de l’espace-temps rationnel, et là est sa force ». Le collectif, né de la rencontre de 5 jongleurs et danseurs, Le G.Bistaki se réunit en 2006 afin de bouleverser le quotidien artistique et scénique, en innovant dans la manière de représenter. L’essence de son mode de représentation est son rapport à l’espace.

A Vieux-Condé, leur espace de jeux est sans limite. Ils ont choisi la cour du Boulon, pour un spectacle nocturne, un espace ouvert au ciel mais également très intime. Le collectif été déjà venu à Vieux-Condé pour Bel horizon, une échappée sauvage à travers  la ville.

Ici, même si l’espace est limité, il est un voyage intérieur.

Ce spectacle est au croisement de plusieurs disciplines — danse, théâtre, jonglage — le tout dans une ambiance qui oscille subtilement entre poésie et absurde.

L’objet central : un drap blanc. À la fois costume, enveloppe charnelle, coiffe, accessoire, décor d’opéra ; il devient rythme, souffle, instrument de travail ou de jonglage.

Si Virginie Foucault, directrice du Boulon a veillé à une juste représentation des femmes dans les spectacles, notamment avec Golem, ici ce sont quatre hommes qui incarnent le travail du linge, par des gestes « féminins ». Les tableaux s’enchaînent, convoquent notre mémoire collective et nous parlent de rituels communs.

La force du spectacle est d’avoir su mettre de la poésie dans ce qui nous est quotidien, de chorégraphier et mettre en son les gestes répétés chaque jour. Romain Carlier, chargé de la communication, observe :  « J’ai trouvé ça très ingénieux, ce dispositif à partir de simples draps. Ils sont très forts pour rendre les choses simples d’une poésie rare. »

La scénographie, en apparence simple, est en réalité un dispositif subtil de fils tendus, support et décor mouvant. Les draps blancs y dansent, suspendus, devenant partitions de musique ou cordes d’un instrument à vent.

La musique rythme les émotions, accompagne les gestes, palpite avec les spectateurs. Elle a fait battre les cœurs à l’unisson. Ce spectacle essentiel plonge dans les gestes de nos ancêtres, il nous ancre dans notre présent, comme témoin de notre mémoire collective et de nos rituels intimes. Un voyage onirique à travers les civilisations et le temps.

En guise d’épilogue, les artistes nous invitent à plier le linge avec eux : « S’ils lavent leur linge sale en famille, ici ils plient les draps avec des inconnus ». Un geste simple, partagé, comme un dernier souffle pour prolonger la magie. La compagnie termine ici sa tournée aux Turbulentes, en beauté.

« J’ai été complètement absorbée. C’était beau, simple, mais chargé d’émotions. Le spectacle m’a évoqué à la fois le soin, la sensualité, le souvenir de gestes anciens… et quelque chose de très intime aussi », nous confie Clémence, 40 ans, spectatrice de Valenciennes.

Ce spectacle se joue à nouveau ce soir, ce samedi 3 mai à 22h30 dans la cour du Boulon.

Jane Huvelle

 

 

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Rencontre avec l’art inattendu au Festival des Arts de la Rue « Les Turbulentes »

(Calixe lance le festival devant la foule en liesse)

Bien sûr, l’indompté « Calixe » a ouvert cette 27ème édition à 19H01, ce vendredi 02 mai 2025. Une fois n’est pas coutume, le chapiteau dédié au cirque accueillait un temps protocolaire nécessaire. En effet, derrière cette aventure artistique d’un week-end, vous avez une année de travail avec une équipe restreinte sous la houlette de sa Directrice Virginie Foucault, mais fort heureusement agrémentée d’une armée de bénévoles toujours vaillante. 

La Grande Tablée dans la Cour du Boulon

Au coeur de tout, l’association « Le Boulon » dont la présidente Françoise Mascotto rappelle que cette manifestation « rassemble, année après année, trois fois la population sur Vieux-Condé (30 000 à 35 000 festivaliers) ». Elle n’oublie pas également la contrainte budgétaire avec une « injuste coupe budgétaire, un danger pour notre cohésion sociale. » 

Un projet bâtimentaire de 7 millions d’euros pour Le Boulon

Cette 27ème édition regroupe 100 représentations, 36 spectacles distillés par 33 compagnies, mais pour autant, il ne faut pas oublier le reste de l’année au Boulon. Après 2011 et une première salve de travaux que nous connaissons, le Boulon bâtimentaire va enfiler un nouveau costume de scène d’ici l’année 2026. « Je remercie Valenciennes Métropole pour son soutien au projet de transition énergétique, c’est véritablement un projet d’envergure », déclare la Présidente de l’association.

Golem, les premiers artistes de cette édition 2025

Le maire de Vieux-Condé, David Bustin, n’oublie pas de rendre un hommage à l’édile précédent Serge Van Der Hoeven pour son soutien indéfectible à cette parenthèse artistique. Toutefois, le maire en fonction est justement très informé du projet. Comme vice-président de la CAVM en charge du patrimoine, il réitère l’engagement de l’intercommunalité. « Ce projet dégage un investissement de 7 millions d’euros tous les partenaires confondus. En ce qui concerne Valenciennes Métropole, nous devrions investir environ 3 millions d’euros. Le choix de l’architecte sera réalisé en 2025, appel d’offres et lancement des travaux en 2026. »

Pour l’Etat, le représentant de la DRAC convient que le festival Les Turbulentes a un rôle « de tremplin artistique. » Le public répond chaque année « joyeux, furieux, et fidèle le temps d’un week-end. » Enfin, il confirme également le soutien de l’Etat à ce projet ambitieux de rénovation thermique, de refonte des espaces intérieurs, d’accessibilité tout au long de l’année pour un Boulon revisité : « Le bloc Etat/région va soutenir cette initiative à hauteur de 500 000 euros. »

Enfin, parmi les 4 équipements culturels structurants sur la CAVM (Le Phénix, le Théâtre d’Anzin, le Musée des Beaux-Arts de Valenciennes et le Boulon), ce dernier bénéficie aussi du regard bienveillant de la région Hauts de France. « La culture n’est pas une variable d’ajustement budgétaire », conclut François Decoster, vice-président de l’institution régionale.

Place à la scène, tout le programme sur https://lesturbulentes.com/fr/#brochures

Daniel Carlier

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Les Turbulentes 2025 : un souffle durable sur la ville de Vieux-Condé

(Visuel, la Grande Tablée/DR Le Boulon)

Jane Huvelle : Romain (Carlier), peux-tu nous présenter l’édition 2025 des Turbulentes en quelques mots ?

« Pas de thème particulier, mais on cherche à répondre à des enjeux de société, le féminisme, l’exil, le départ, l’accueil…, tout ce qui nous anime aujourd’hui. Et tout ce qui anime les compagnies aujourd’hui. Cette édition sera comme toujours un panorama de la création artistique actuelle. »

Une centaine de représentations avec une programmation qui est un équilibre entre des « propositions de sens » et des « propositions poétiques ». « Une savante construction », comme le dit Virginie Foucault, directrice du Boulon.

J.H : Romain, comment réussir à programmer pour tous les publics ?

Cette année, l’accent va être mis sur des spectacles tous publics. Les Turbulentes ont pour vocation première de parler à la diversité des publics, qu’il soit familial ou expert, c’est sa spécificité. Mais cette année, la brochure à destination du public a été déclinée en 3 versions. Trois programmes papiers ont été édités pour que « Qui que tu sois, tu es le bienvenu ! ».

Le programme habituel édité à 10 000 exemplaires, le programme Turbukids adapté aux enfants, avec uniquement les spectacles à destination des enfants de moins de 12 ans, édité à 2000 exemplaires, mais également le programme simplifié à 250 exemplaires qui va permettre au public à besoin particulier d’avoir des explications très détaillées. A ce titre, il se rapproche des exigences du label FALC (Facile à Lire et Comprendre) et c’est surtout un pas de plus vers l’inclusion d’ores et déjà une des valeurs fortes du festival.

Visuel « stratège » DR/ Le Boulon

Pour rappel, ce festival est gratuit. Dans la programmation, des propositions aux croisements de plusieurs disciplines, des spectacles très rassembleurs ou très intimes. Le festival défend des valeurs depuis ses débuts : écologie, inclusion, accessibilité…, mais c’est devenu une priorité.

Romain insiste beaucoup sur l’impact écologique d’un festival de cette taille et veut amener les spectateurs à penser collectif : « Le plus petit geste devient immense. »

En effet, nous savons aujourd’hui que 80% des gaz à effet de serre d’un tel festival sont transmis par les déplacements des spectateurs.Ces déplacements jusqu’à Vieux-Condé pourront être en transports en commun, car en plus du tram, des navettes ou FLEXO seront affrétées jusque tard dans la nuit, au départ du BOULON jusqu’à certaines communes centrales des agglos de La Porte du Hainaut et de Valenciennes Métropole, ce qui n’a pas été toujours le cas. (Pour connaître les lieux sur transvilles.com/flexo et https://www.transvilles.com/actualites/turbus25/)

« L’empreinte carbone est entre vos mains », Romain Carlier

Le catering prévu pour 200 artistes et bénévoles sera végétarien cette année, une empreinte 10x moins gourmande en énergie. 

Cette année, le Boulon fait appel à la compagnie Tantôt pour une scénographie durable. Environ 200 personnes ont participé à l’élaboration des décors de la ville, des « petites mains à qui on fait la part belle », nous dit Romain Carlier. Ces petites mains qui œuvrent tous les ans, mais cette fois sous la direction d’un artiste, Eric Bézy dit Popé qui a accepté de prendre la responsabilité de la scénographie. Cet artiste multidisciplinaire a été appelé pour réaliser la scénographie de la ville de Vieux-Condé, après quelques années de présence auprès du festival dans des réalisations toujours questionnantes sur notre rapport à l’espace et au temps. Ce projet a été élaboré pour deux ans. Les éléments seront  pérennes, et surtout, modulables.

Visuel « Friterie mon amie » DR/Le Boulon

Par exemple, de grandes arches qui peuvent traverser une rue, des totems, des structures légères. Ce sera festif, parlant, joli…, mais neutre, pour que toutes les compagnies s’y retrouvent, que les décors servent la ville, montrent la ville, mais « sans la marteler à coup d’histoires » pour que chaque spectateur mais aussi chaque compagnie se retrouve sur un terrain fertile à l’imagination.

Eric Bézy parle d’une « Prise de connaissance du territoire humain , entre les petites mains et les différentes structures. »

« Vieux Condé sera sur son 31 ». Durable, transformable, évolutif

Mas, girouettes, de très grande hauteur vont jalonner la ville, mais aussi des fanions « fabriqués au kilomètre ». L’équipe du Boulon aimerait que cet emblème devienne un symbole, que les habitants de Vieux-Condé en fabriquent et en accrochent à leur fenêtres, hirondelles colorées qui annonceraient  le printemps et l’arrivée des turbulentes chaque début mai. Si chaque spectacle répond à un autre, ils sont tous de qualité, quelques-uns sont à ne vraiment pas manquer.

« La grande tablée » de La compagnie OpUS, pour ses recommandations avisées de « spécialistes en rien du tout », une mise en abîme du festival, un rendez-vous pour se conforter dans l’idée que tel spectacle est à voir, ou pas… selon ses affinités, une émission de radio en direct, un moment improvisé à savourer.

Dans un autre registre, « JOUIR », de la compagnie Notre insouciance, qui invite à une réflexion profonde et collective sur la sexualité et le plaisir. Peut-on réinventer nos schémas érotiques ?

Visuel « Bolide » DR/Le Boulon

« BOLIDE » de la compagnie La ponctuelle, création turbulentes 2025 joue aussi avec les clichés et les schémas liés aux femmes et à la voiture.

« La stratégie du dépôt de bilan » de La compagnie débordante, présenté en avant-première il y a quelques semaines au BOULON nous parlera d’urgence, à se questionner, à vivre, à lutter.

Romain n’a pas besoin de convaincre les 20 000 spectateurs de venir encore cette année, mais il nous invite fortement à s’y rendre en transport en commun. Pour que cet événement perdure, dans nos esprits et dans notre contribution à donner du sens à nos actes. Aux turbulentes, tout le monde est acteur. Rendez-vous les 2, 3 et 4 mai à Vieux-Condé

Pour plus d’infos : https://lesturbulentes.com/fr/

Jane Huvelle

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