Netvibes.com au rancart, Pétrolette au rendez-vous
« J'étais tranquille j'étais peinard / je réparais ma mobylette » / la nouvelle a surgi le soir / un truc pas vraiment super-chouette… » Eh oui, le couperet est tombé, les utilisateurs de l'agrégateur de flux Web Netvibes.com ont reçu le 15 avril un courriel de Dassault Systèmes leur annonçant que leur agrégateur préféré aller se désagréger définitivement dans l'atmosphère le 2 juin 2025 à midi, avec toutes leurs données, tel un Starship numérique. Si l'on en croit le début du message, cela est lié au développement d'un nouveau service de l'entreprise nommé 3D UNIV+RSES, avec plein d'IA et tout et tout. Le courriel d'avertissement indique certes comment sauvegarder ses données, mais « et maintenant, Papa / C'est quand qu'on va où ? »
- lien nᵒ 1 : Renaud : laisse béton, place de ma mob
- lien nᵒ 2 : Entrée « Pétrolette » dans le dictionnaire TLFi
- lien nᵒ 3 : Entrée « Pétrolette » dans Wikipédia
- lien nᵒ 4 : Blog de Pétrolette
Sommaire
- Good vibrations 2.0 ou le cubisme informationnel
- J'ai rencard avec Pétrolette
- Retour d'expérience
- Prêts pour l’équipée sauvage ?
Good vibrations 2.0 ou le cubisme informationnel
Netvibes.com, lancé par une start-up en 2005 et racheté par Dassault Systèmes en 2012, était un lecteur en ligne permettant d'afficher les flux RSS ou Atom dans des petits cadres qu'on pouvait regrouper dans des onglets thématiques. Chaque cadre était configurable (longueur, affichage d'images ou non…) et déplaçable facilement. Les flux se mettaient automatiquement et régulièrement à jour. On pouvait aussi ajouter de petites applications (listes de choses à faire, accès courriels, accès à différents réseaux sociaux, etc.). Wikipedia décrit Netvibes.com comme « un portail Web personnalisable. Représentatif de ce qu'on appelle le Web 2.0 ». En tout cas, c'était un très bon outil de veille que j'utilisais tous les jours depuis belle lurette.
Lancé en 1990, donc à peu près en même temps que le World Wide Web, le Courrier international nous permettait d'avoir accès à une pluralité de points de vue issus des journaux du monde entier. Un agrégateur de flux, c'est un peu l'équivalent informatique. Il permet un véritable cubisme informationnel. Avoir un onglet News agrégeant des flux de journaux d'horizons politiques différents et de plusieurs pays, c'est échapper à la bulle informationnelle, à la ségrégation sociale créée par les grands réseaux sociaux commerciaux. Car observer depuis le point de vue d'autrui est un bon exercice, même si ça peut parfois être désagréable comme du poil à gratter. Enfin, avec un agrégateur, l'algorithme c'est vous : votre œil survole l'ensemble des titres et capte au vol ce qui l'intéresse ou le surprend.
J'ai rencard avec Pétrolette
L'outil libre qui se rapproche le plus de Netvibes.com est Pétrolette, « la page d'actus qui ne sait rien de toi », développée par YPhil en JavaScript. Comme son nom l'indique, Pétrolette n'est pas un gros SUV qui fait tout, même le café, mais une application libre qui essaie de faire au mieux une seule chose : afficher des flux Web dans des cadres classés dans des onglets. Donc disons le tout de suite, il faut oublier les éventuelles autres applications que vous utilisiez dans Netvibes. D'après son CHANGELOG, Pétrolette est en version 1.7 depuis l'été 2023. Le GitLab de Pétrolette est indiqué comme étant un miroir de son Framagit mais est en fait plus à jour, la dernière activité remontant à Noël 2024. C'est là que le développement se passe.
D'après le compte Mastodon de Pétrolette, suite à des problèmes d'hébergement, l'instance principale est depuis décembre 2024 https://petrolette.onrender.com/ bien que celle-ci soit considérée comme temporaire. Les plus admin pourront bien sûr héberger leur propre instance, soit en local soit sur le Web, par exemple sur https://place.de.ma.mob/ si le domaine n'est pas déjà réservé.
Procédure migratoire
Par défaut, quand on va sur l'instance principale, qui est une instance partagée, on a un certain nombre d'onglets pré-remplis, avec en tout plus de trois cents flux. On peut les personnaliser (ce sera stocké en local), mais ce qui nous intéresse ici, c'est migrer de Netvibes à Pétrolette. Voici la procédure :
- Dans Netvibes.com, sauvegarder ses données en allant dans « Compte > Sauvegarder vos données », choisir le tableau de bord, cliquer sur Exporter (fichier XML).
- Dans Pétrolette, supprimer tous les onglets par défaut (croix rouges), importer le XML avec « Flux > Ouvrir ».
- Tous les onglets et flux sont récupérés. Le titre d'un flux apparaîtra quand on clique sur son icône pour le déployer.
- Déplier et configurer chaque flux (mais on devrait éventuellement aussi pouvoir travailler à partir du
.conf
pour réduire ce travail fastidieux).
La configuration est stockée localement sur l'ordinateur et non pas en ligne (on n'a donc pas de compte Pétrolette, donc elle « ne sait rien de toi », elle ne sait pas ce que tu lis). On peut l'exporter dans un fichier .conf
au format JSON et l'importer sur un autre PC pour avoir la même configuration.
Synchronisation ?
Mais une telle synchronisation manuelle n'est pas idéale et l'application peut utiliser le protocole remoteStorage pour pouvoir partager la même configuration sur plusieurs PC, et en particulier vers l'application 5apps. D'après l'aide, l'instance principale de Pétrolette ne gère que 5Apps (mais le menu affiche également des icônes pour Dropbox et Google Drive, qu'on devrait donc pouvoir utiliser si on héberge sa propre instance).
On peut s'enregistrer sur 5apps à partir d'un compte GitHub, Bitbucket, GitLab.com ou en se créant un compte (adresse email, identifiant, mot de passe). 5apps vous fournit une « adresse utilisateur » du type login@5apps.com
. On peut alors aller dans le menu de Pétrolette, cliquer sur remoteStorage et entrer l'adresse utilisateur pour faire la connexion. Il n'y a plus qu'à autoriser Pétrolette à y accéder et faire de même sur tous vos PC. Pour cela, sur chaque machine, connectez-vous à votre compte 5apps puis dans la liste des « Connected Apps », cliquez sur le lien petrolette.onrender.com
, dont l'URL est du type https://5apps.com/rs/oauth/token/123d3215c5484b9a78987e8/launch_app
.
Nouveaux développements
Ça c'est la théorie, dans la pratique la synchronisation semble problématique, avec un fonctionnement très capricieux, et après discussion avec l'auteur il pourrait bien s'agir d'un bug où l'application s'emmêlerait les pinceaux entre stockage local et stockage distant. C'est la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle (scoop !) c'est que ça pourrait être résolu dans une future Pétrolette 2 à laquelle réfléchit l'auteur !
Voilà une bonne raison de réfléchir à l'invitation à faire un don au projet Pétrolette dans la fenêtre pop-up qui surgit de temps en temps. Il est en effet possible de faire un don sur Liberapay ou de prendre un abonnement sur Ko-fi : à partir de 1 €/mois le pop-up disparaît. Au-delà, on peut demander à l'auteur de créer un nombre plus ou moins important de flux RSS pour des sites qui n'en proposent normalement pas. Rappelons-nous que dans surveillance://, Tristan Nitot nous avertissait sur notre fâcheuse tendance à aimer la gratuité.
Retour d'expérience
Commençons par les points négatifs, ce qui nous permettra de finir sur le positif !
Points négatifs
- Lenteur pour mettre à jour les flux : quand on affiche sa page Pétrolette, tous les flux sont mis à jour simultanément, c'est-à-dire même dans les onglets qui ne sont pas affichés.
- Pas de mise à jour périodique des flux. On peut certes les mettre à jour individuellement en cliquant sur une icône. Mais malheureusement, recharger la page avec F5 permet certes de mettre à jour tous les flux mais nous remet systématiquement sur le premier onglet. Pétrolette 2 proposera peut-être des fonctionnalités pour faciliter les mises à jour des flux.
- N'affiche pas l'heure de parution des actualités, contrairement à Netvibes. Mais la date et l'heure sont indiquées dans la fenêtre d'aperçu quand on survole un titre.
Points positifs
- Les aperçus du texte qui apparaissent au survol de la souris sont plus longs qu'avec Netvibes, et même parfois très longs, ce qui permet d'avoir un bon aperçu du contenu avant un éventuel clic, voire même de s'en passer.
- La hauteur (en pixels) des cadres peut être réglée plus finement qu'avec Netvibes (où seules trois hauteurs standards étaient disponibles). Cela peut d'ailleurs être utilisé pour augmenter la distance verticale entre deux cadres, ceux-ci étant par défaut collés de façon un peu compacte.
- Les titres longs apparaissent en entier sur plusieurs lignes, alors qu'ils sont coupés dans Netvibes. Cela peut-être un avantage mais parfois aussi un défaut avec certains sites qui proposent des titres à rallonge (du genre trois lignes sur Developpez.com !) que l'oeil a du mal à lire au vol.
- Le menu principal propose de déposer un marque-page dans la barre du navigateur. Il contient un script qui d'un clic ajoutera le site de l'onglet courant dans votre Pétrolette.
- Le champ de recherche permet de chercher un terme dans tous les titres de l'ensemble des onglets. Les zones où il est trouvé apparaissent encadrées en jaune.
Prêts pour l’équipée sauvage ?
« Dès que les vents tourneront nous nous en allerons… » Il le faudra bien, le 2 juin tout s'arrête. Et donc tout recommence. On a maintenant toutes les réponses à la question synthétique et sympathique « c'est quand qu'on va où ? » Quand ? On le sait depuis le début et on l'a répété, c'est le 2 juin ! Où ? On espère y avoir apporter une réponse dans cette dépêche.
Et puis à l'heure où les algorithmes profiteurs des réseaux sociaux commerciaux tendent à enfermer l'utilisateur dans sa bulle informationnelle au seul motif d'optimiser les profits et où les moteurs IA sapent la sérendipité du Web, se balader humblement en mobylette RSS devient une véritable mesure d'hygiène mentale. En plus c'est libre.
Figure 1 - « Quand j’me balade en mobylette / On dirait l’équipée sauvage ». Ouais, ça carbure librement avec « La Pétrolette » (Duncan & Suberbie, 1895 - 1898) [source : Wikimedia, domaine public].
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