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20 ans de Fedora-fr : dixième entretien avec Kévin touche à tout du projet Fedora et Fedora-fr

Dans le cadre des 20 ans de Fedora-fr (et du projet Fedora en lui-même), Charles-Antoine Couret (Renault) et Nicolas Berrehouc (Nicosss) avons souhaité poser des questions à des contributeurs francophones du projet Fedora et de Fedora-fr.

Grâce à la diversité des profils, cela permet de voir le fonctionnement du projet Fedora sous différents angles pour voir le projet au-delà de la distribution mais aussi comment il est organisé et conçu. Notons que sur certains points, certaines remarques restent d’application pour d’autres distributions.

N’oublions pas que le projet Fedora reste un projet mondial et un travail d’équipe ce que ces entretiens ne permettent pas forcément de refléter. Mais la communauté francophone a de la chance d’avoir suffisamment de contributeurs et des contributrices de qualité pour permettre d’avoir un aperçu de beaucoup de sous projets de la distribution.

Chaque semaine un nouvel entretien sera publié sur le forum Fedora-fr.org, LinuxFr.org et le blog de Renault.

L’entretien du jour concerne Kévin Raymond (pseudo shaiton), ancien contributeur de Fedora et de Fedora-fr.org.

    Sommaire

    Bonjour Kévin, peux-tu présenter brièvement ton parcours ?

    Perso ? Au sein de la communauté ? C’est un peu trop large pour être bref… Curieux et créatif, j’ai découvert l’informatique, l’électronique et la programmation au Lycée. J’ai eu la chance que mon père fasse le choix de Linux pour moi et s’occupe de mes premières installations… Voire configuration matérielle. Au début il fallait Internet pour configurer Internet (recompilation de pilotes de périphériques) c’était un beau casse-tête sans personne pour vous aiguiller. Bon OK si on remet dans l’ordre au tout début il n’y avait pas la problématique du Wi-Fi. J’ai poursuivi mes études par un DUT GEII (Génie Électrique et Informatique Industrielle) en poursuivant sur une licence puis une école d’ingénieur électronique/informatique en alternance. Plus les années passaient, plus j’avais de projets informatiques ou électroniques perso ou professionnels à réaliser et plus je m’éloignais du monde Windows, plus je me sentais chez moi sous Linux.

    Peux-tu présenter brièvement tes contributions au projet Fedora ?

    Initialement traducteur francophone, j’en suis arrivé à être le coordinateur principal de l’équipe francophone. J’ai également contribué à l’internationalisation des sites internet du projet Fedora. Ce qui m’a amené à en être un des mainteneurs principaux pendant quelque temps et de m’occuper du déploiement des nouvelles versions à chaque nouvelle sortie de version de Fedora. De là j’ai intégré l’équipe infrastructure afin de pouvoir suivre ou déclencher les mises à jour des sites. Étant un des traducteurs principaux, j’ai rejoint l’équipe documentation pour la même raison que l’équipe site internet : améliorer le déploiement des traductions. Et c’est également pour les traductions que je suis devenu coordinateur Transifex, une des plateformes de traduction utilisée un temps par le projet. Il a fallu accompagner les développeurs pour la migration et assurer le suivi du déploiement. Le problème principal étant qu’un développeur ne se rend pas compte qu’une traduction est disponible ou même qu’elle n’est pas inclue dans sa dernière version. Ayant un pied dans pas mal de portes, j’en suis venu à aider la coordination de chaque sortie de versions de Fedora. Ça c’est pour la partie productivité, mais il y a la partie sociabilité qui est une part importante de la vie d’un contributeur. Je suis devenu ambassadeur du projet Fedora jusqu’à en devenir un mentor. J’ai également intégré le bureau de l’association Fedora-Fr, devenue Borsalinux-Fr lors de mon mandat. J’ai dirigé quelque temps la production de goodies pour l’équipe FR, les réunions hebdomadaires et co-organisé une rencontre internationale à Paris − le FUDCON − après en avoir été plusieurs fois un participant actif (aux États-Unis, Italie, Suisse).

    Qu’est-ce qui fait que tu es venu sur Fedora et que tu y es resté ?

    Pour le produit, c’était « Fedora Core » à l’époque : pour la nouveauté. Les distributions GNU/Linux étaient en plein développement, beaucoup de nouveautés arrivaient chez l’un avant l’autre. J’en ai essayé plusieurs et j’ai beaucoup aimé les choix proposés sous Fedora Core, j’y suis resté depuis 2005 (au moins en perso, si l’entreprise ne me laissait pas le choix).

    Pourquoi contribuer à Fedora en particulier ?

    Quant au projet et bien c’est parce que le produit me plaisait que tout naturellement c’est là que j’ai participé. Autant contribuer à ce dont on se sert tous les jours. Bon je dois quand même dire que c’est le programme d’ambassadeur qui m’a permis d’être inclus. Les forums d’entraide je voyais plutôt ça comme un mal nécessaire. En arrivant sur Paris, j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer physiquement des passionnés prêts à vous écouter et vous aiguiller sur vos aspirations. Merci à Mathieu Bridon (dit « bochecha ») sans qui je serai resté de l’autre côté de la fenêtre.

    Contribues-tu à d’autres Logiciels Libres ? Si oui, lesquels et comment ?

    Très et trop peu. Je maintiens la traduction du logiciel GNU Make. D’ailleurs il me faut la rafraichir depuis la dernière mise à jour. J’en suis devenu le mainteneur parce que le précédent ne répondait plus et que la traduction actuelle ne me convenait pas. Si quelqu’un veut le reprendre je m’en sépare bien volontiers ! Ensuite j’ai des contributions ponctuelles sur mes interactions professionnelles. Principalement pour du correctif je n’ai pas une part active malgré mon envie. J’essaye autant que possible de tester les nouvelles versions de Fedora dès la version Alpha. Grâce à ma connaissance de Fedora, j’ai intégré le projet OLPC France où j’ai pu apporter mon expertise « Fedora » pour les outils de sauvegarde et mise à jour des XO (nom des ordinateurs portable du projet OLPC basés sur la distribution GNU/Linux Fedora). Et je suis même allé à Madagascar gérer le déploiement d’une mise à jour distribution de l’ensemble d’un parc. Expérience très enrichissante.

    Utilises-tu Fedora dans un contexte professionnel ? Et pourquoi ?

    Oui autant que possible. C’est mon univers, je maîtrise l’environnement et je n’ai pas besoin de chercher comment faire telle ou telle actions ce qui est bien plus rapide. J’apprécie aussi énormément les choix proposés par défaut. GNOME et son mode non intrusif me permet de rester concentré sur le principal (en espérant que la proposition du choix par défaut KDE ne sera pas acceptée…) Mais c’est aussi parce que Fedora fait partie de moi, je me suis construit avec le produit, avec le projet et avec la communauté. C’est comme quitter son pays natal, on peut le faire, mais on n’est plus chez nous. Je me sens très bien sous Fedora et si je veux aider, corriger ou contribuer, je sais déjà comment m’y remettre.

    Est-ce que tes contributions à Fedora sont un atout direct ou indirect dans ta vie professionnelle ? Si oui, de quelle façon ?

    C’est un atout direct bien évidemment. Étant ingénieur en systèmes embarqués Linux, autant maîtriser l’environnement qui permet de répondre au besoin de l’entreprise. Dans l’entreprise on doit répondre à un besoin. Et pour ça l’humain invente des outils. S’il ne maîtrise pas ses outils il est moins productif et perd une part de ses capacités pour s’adapter à son environnement. D’un autre côté, j’aime le produit Fedora (peut-être maintenant surtout pour la Communauté) et travailler sous Fedora c’est vouloir se lever le matin et être accueilli par quelque chose qui nous fait plaisir. C’est devenu important pour mon bien être.

    Tu as été actif sur de nombreux projets de Fedora durant quelques années tout en étant non employé de Red Hat, est-ce que cela a été un frein dans ta participation d’une quelconque façon ?

    Absolument pas. J’étais assez pris par toutes mes contributions pour ne pas chercher à vouloir faire de la politique. Il y avait déjà assez de Gourous dans l’équipe française pour que je ne m’y colle pas. Au travers de Red Hat j’ai trouvé du soutien, des conseils et du professionnalisme. Mais également des amis.

    Qu’est-ce que tu as fait plus exactement pour l’infrastructure et les sites web du projet Fedora ?

    Pour les sites web, j’ai cherché à faire en sorte que mes traductions soient utilisées, déployées. C’est bien beau de passer ses nuits à traduire plutôt que dormir ou réviser, mais si le jour J la traduction n’est pas utilisée, à quoi cela sert-il ? Et si on te répond « arf, si ça avait été publié 12h plus tôt ça aurait apparu, maintenant il faut attendre le prochain déploiement dans 6 j » ça frustre. Et parfois ce n’est pas qu’une question de date c’est aussi un problème de code. Le développeur ne sait pas qu’une traduction est disponible, il ne l’utilise donc pas. J’ai donc pris en charge la synchronisation des équipes de traduction avec la génération des différents sites. J’ai créé des outils et modifié les process de déploiement des sites afin que les traducteurs soient au courant des dates et que l’équipe sites web déploie automatiquement les traductions sans étapes manuelles inutiles. Côté infra j’étais là pour seconder l’équipe sur le déploiement des sites internet. Je pouvais déployer moi-même la version de test du site fedoraproject.org afin que les traducteurs puissent relire leurs traductions et soumettre des problèmes/correctifs avant le déploiement le jour J (pour rappel une nouvelle version tous les 6 mois). En tant que coordinateur principal de l’équipe de traduction francophone, j’étais aux premières loges pour corriger les problèmes et indiquer la procédure de test aux autres équipes.

    Tu as aussi géré la traduction quelques années entre Thomas Canniot et Jean-Baptiste Holcroft, qu’est-ce qui t’a attiré dans cette activité et qu’est-ce que tu as fait ?

    Ça a été entre mon année d’étude en Écosse ou j’ai beaucoup amélioré mon anglais et ma première année d’école d’ingénieur à Paris. Si j’ose l’annoncer à voix haute, j’ai eu beaucoup de temps perso lors de mes années d’école d’ingénieur c’est grâce à tout ce temps libre que j’ai pu plonger dans le projet Fedora. Et Matthieu, mon mentor m’a correctement accompagné pour trouver là où je serais le plus utile, l’équipe de traduction où Thomas s’est quasiment retrouvé tout seul. Il gérait une équipe d’1,5 personne en se comptant lui-même. Je suis arrivé et à deux on a abattu un travail énorme pour rattraper les dérives. Je traduisais puis lui me corrigeait. Je venais de loin, il a fallu attendre mes 24 ans que je découvre la grammaire française, les règles d’accord COI/COD… Bon ce n’était pas très fun alors je me suis spécialisé sur la syntaxe. À deux nous avons recruté d’autres traducteurs, ensuite il a vu qu’on était une équipe, il m’a laissé la main sur la traduction. J’ai vécu 2 transitions d’outils de gestion des traductions. J’ai donné beaucoup d’effort sur le projet Transifex. Jusqu’à ce que ce projet se tourne vers un modèle commercial et que le projet Fedora change d’outil. Là je me suis dit que je ne voulais pas recommencer, j’avais des projets de refonte de tout l’outil de déploiement des sites internet. L’équipe de traduction n’était plus mon sujet prioritaire. Je ne sais même plus comment Jean-Baptiste a pris la main, mais à un moment donné les projets ont migré sur le nouvel outil, et moi j’ai perdu tout ce que j’avais mis en place. Mes outils ou scripts permettant d’obtenir les dernières traductions, d’obtenir le pourcentage de complétion de traduction de chaque langue sur chaque projet. Je n’ai plus rouvert cette porte j’ai laissé la main et je me suis concentré uniquement sur la relecture et la formation des nouveaux : habitudes de traduction pour la cohérence de l’historique, utilisation de la bonne syntaxe. Jusqu’à ce qu’on ne me voie plus contribuer sur la liste de diffusion. En résumé, j’avais le développement des sites qui était prioritaire, j’avais de moins en moins de temps à accorder, une équipe de jeunes (pas dans l’âge mais dans la date d’arrivée dans l’équipe de traduction francophone) et un changement d’outil et de process qui m’ont tout naturellement écartés de mes responsabilités.

    En 2012, le FUDCon (devenu Flock depuis) s’est tenu à Paris et tu en as été l’un des principaux organisateurs. Peux-tu expliquer le but de ces rencontres et de leur importance ? Quelles ont été les difficultés d’une telle organisation ? Quels souvenirs en retires-tu ?

    Le FUDCon était un événement annuel (par région) qui était l’occasion pour les contributeurs de se rencontrer pour mieux se connaître mais aussi pour avancer plus rapidement sur des points particuliers et abolir les fuseaux horaires. C’était également l’occasion de rencontrer les « Redhatters ». C’est également lors de ces événements qu’on rapproche tous les organes de la communauté. Les rencontres physiques sont très importantes. Beaucoup d’échanges dans la communauté se passent en anglais, dont c’est la langue maternelle pour une grande partie. Il est parfois difficile de cerner le ton employé à l’écrit par un individu − oui toutes nos réunions étaient en chat/IRC −, c’est lors de rencontre de ce genre qu’on peut cerner le caractère d’un individu et comprendre quand il est sérieux, ironique ou espiègle. C’est aussi l’occasion d’échanger sur la vie, d’autres sujets qui ne sont pas ceux de tous les jours. Ou ouvre notre horizon. Lors de mon premier FUDCon à Zurich, j’étais tout jeune arrivé dans le projet. Je n’avais pas grand-chose à dire mais beaucoup à apprendre. Et plus je me rapprochais de l’équipe France, plus j’entendais que la communauté rêverait d’un événement en France, à Paris. Alors un jour, un peu poussé, on a monté une petite équipe pour cet événement. Il a fallu choisir une date, trouver un lieu, proposer des logements et réaliser toute la logistique :

    • créer des goodies pour faire de petits cadeaux pour que les contributeurs puissent repartir avec un beau souvenir (t-shirt « tour Eiffel » et dessous de verre réutilisables)
    • gérer les subventions des contributeurs, s’ils proposaient un sujet (talk) ils pouvaient bénéficier d’une subvention par Red Hat
    • trouver un traiteur
    • coordonner l’équipe d’orga…

    J’ai rencontré pas mal de nouvelles difficultés. C’est la première fois que je gérais (en partie) un budget autre que le mien. Mais c’est également la première fois qu’on comptait sur moi — physiquement — à une si grande échelle. L’équipe d’organisation s’est principalement tournée autour des membres de l’association Borsalinux-Fr, mais on avait bien entendu des personnes en charge côté « Red Hat » sur qui se reposer puisque cet événement était sponsorisé tous les ans sur les différentes régions (Amérique, Asie, EMEA). N’oubliez surtout pas que dans EMEA il y a Europe, mais également Afrique. Ahhhh l’Afrique. C’est loin et dans l’espace et dans la culture. Je me souviens d’un appel le matin de l’événement. « Salut Kévin, j’ai raté mon avion, tu peux me trouver un autre vol » ? Oui, c’était un contributeur dont le billet d’avion était payé complètement sur le budget subvention de l’événement. Et ça paraissait naturel pour lui que je lui paie un nouveau billet pour l’avion qu’il avait raté parce qu’il est arrivé en retard à l’aéroport… Bon il a choisi de prendre lui-même le nouveau billet, il est venu et on a passé de bons moments ! C’était un des contributeurs les plus actifs de sa région à cette époque. Autre problématique plus ennuyante au long terme : j’ai utilisé mon adresse de courriel perso pour réserver le traiteur. Et je ne sais pas ce qu’il a fait, mais il s’est enregistré avec ma propre adresse de courriel sur une liste quelque part, et depuis 12 ans je reçois des courriels en tant que gestionnaire de cette entreprise. J’ai des candidatures spontanées pour des comptables, je reçois des promotions pour acheter des sardines en gros, je reçois des nouvelles de la mairie de Paris… Ça c’est pénible. Mais j’avais à l’époque l’alias de courriel @fedoraproject.org et j’aurai dû écrire avec mon contact « pro » plutôt que perso. On apprend beaucoup en contribuant dans les projets communautaires ! Finalement, avoir organisé cet événement m’a donné de l’expérience pour organiser le même genre d’événement au sein du projet OLPC — One Laptop Per Child.

    Tu as aussi beaucoup rédigé et géré le magazine francophone Muffin, peux-tu nous expliquer en quoi ça consistait et ce que tu as fait ? Que penses-tu de ce format et du travail réalisé ?

    Muffin c’était incroyable. Depuis mes années d’études où je devais rédiger des rapports et présenter du contenu d’une manière très formelle, j’ai appris à rédiger en LaTeX. Je pensais savoir, connaître et comprendre. Quand j’ai vu ce que mettait en place melmorabity (Mohamed El Morabity) pour le rendu, j’étais obligé de rester pour en apprendre plus ! J’ai surtout participé à la rédaction du numéro 3. C’est l’occasion de mettre en avant des nouveautés, d’anticiper sur les demandes qui vont venir dans les forums et de présenter du contenu de qualité à nos utilisateurs. J’étais tous les premiers samedi du mois aux PSL à la Cité des Sciences à Paris. C’était une rencontre mensuelle (peut-être a-t-elle encore lieu ?) où plusieurs contributeurs de plein de communautés différentes venaient à la rencontre de leurs utilisateurs. Ce magazine avait une cible de plus. C’était également quelque chose qu’on était fier de mettre en avant lors des différents salons que nous représentions (FOSDEM, Solution Linux…) Fedora misant sur les nouveautés, il est important qu’on utilise différents moyens pour annoncer les changements aux utilisateurs. C’était un moyen de plus.

    Par ailleurs à la même période il y avait je crois un Linux Pratique Essentiel dédié à Fedora 13 sortie vers 2011-2012 qui a impliqué de nombreux rédacteurs de la communauté francophone dont toi. Peux-tu revenir sur cette expérience ? Quelle a été la plus-value de travailler avec un éditeur pour créer ce magazine payant ?

    Hum, ça me dit quelque chose, mais je n’en ai plus aucun souvenir. J’ai peut-être très peu contribué dans ce magazine ? Je me souviens plutôt de ma première rencontre avec mon mentor, au 42 de je ne sais plus quelle rue à Paris. C’était pour un live sur Radio Libertaire pour ensuite aller à une rediffusion d’une conférence de RMS dans un lieu plein d’idées nouvelles… Y a pas à dire il se passe plein de chose à Paris !

    Tu t’es ensuite mis en retrait de la communauté francophone après 2013, pour quelles raisons ?

    Plus j’en faisais au sein de la communauté Fedora, plus j’étais en capacité d’en faire plus. Je n’arrêtais pas d’interagir avec les différentes équipes pour améliorer la productivité, réduire les freins rencontrés par différents contributeurs, améliorer la collaboration. Sauf qu’au bout d’un moment, on entend les oiseaux chanter par la fenêtre et on se dit « mince, c’est déjà le matin ? » aller il faut aller chercher une ou deux heures de sommeil avant d’attaquer le boulot. Celui pour lequel on est payé. J’ai passé des semaines à plus de 30h de contribution sur les projets libres. Avec le boulot à plein temps à côté. Je n’étais pas le seul, mais si en plus on se disperse dans trop de sujets on ne peut pas tous les suivre complètement. Et si en plus on est à Madagascar avec une connexion internet limité, que ça coïncide avec le déploiement d’une nouvelle version et que c’est habituellement toi qui appuies sur le bouton ? Et bien tu trouves un « jeune » tout fou que tu formes et qui passe autant de temps avec toi sur internet qu’avec sa famille, tu lui confies la tâche d’appuyer sur le bouton et d’utiliser en prod tout le process de déploiement que tu viens de changer et activer après 2 mois de refonte complète. Tu te rends compte que ça se passe bien sans toi, que ça tourne, qu’il est fiable. Tu es rassuré et tu te dis « je me suis libéré d’une charge, qu’elle est ma prochaine priorité ? » Merci à Robert Mayr (robyduck) pour cette belle succession ! À ce moment j’ai également quitté Paris pour revenir dans mes montagnes (Haute-Savoie). J’ai intégré un nouveau travail dans lequel j’ai mis tout mon temps et même plus. Je n’ai plus eu l’occasion de rencontrer les collaborateurs du projet Fedora aussi souvent et j’ai décroché. Oui j’ai trop donné pour mon entreprise à l’époque pour ce qu’elle me rendait, mais ayant relâché les rennes de la traduction FR et des sites internet, je me suis redirigé vers le loisir en montagne ce qui m’a permis de passer moins de temps sur l’ordinateur. Je n’avais plus non plus de contacts réguliers avec des gurus de l’informatique : ceux qui vous tirent vers le haut. J’avais beaucoup de connaissances sur la collaboration que j’ai acquises au sein du projet à mettre en place dans mon entreprise. Finalement, j’ai continué mes « contributions libres » mais en tant que bénévole, je suis maintenant formateur en alpinisme. Je passe beaucoup de mon temps libre dans une autre association qui n’a plus de lien avec Fedora si ce n’est le bénévolat.

    Si tu avais la possibilité de changer quelque chose dans la distribution Fedora ou dans sa manière de fonctionner, qu’est-ce que ce serait ?

    Je ne suis plus au fait des axes politiques Fedora/Red Hat, je ne sais pas à quel point le rachat de Red Hat a influé sur le projet Fedora même si j’ai vu passer quelques messages sur ce contexte. Je trouve que certains aspects sont trop éparpillés. J’ai vécu (à côté sans être contributeur) le développement de la forge Pagure (hello pingou !) mais également le choix de certains projets de partir sur GitLab ou GitHub. Il y a des avantages et des inconvénients. Personnellement, j’ai découvert Gerrit et tout ce que ça permet. Je l’ai moi-même mis en place dans mon nouvel emploi en 2014. Dès cet instant je n’ai plus réussi à contribuer au projet Fedora. Les outils utilisés étaient un frein pour moi je ne pouvais plus suivre les développements aussi facilement. Donc si je devais changer quelque chose dans le projet, on passerait tout sous Gerrit. Ok je n’ai pas répondu à la vraie question qui concernait le produit… Wayland, systemd ? Non non la politique ce n’est pas pour moi, j’aime avancer et ma première et dernière modification si ce n’est la traduction c’est l’activation de la console en 256 couleurs par défaut. Ça me suffit je vis très bien avec !

    À l’inverse, est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaiterais conserver à tout prix dans la distribution ou le projet en lui-même ?

    J’aime me dire que c’est un produit qui évolue avec sa communauté et non pas avec une entreprise. Ce que je souhaite conserver, c’est les quatre fondations : Freedom, Friends, Features, First. Les nouvelles fonctionnalités étant ce que j’apprécie beaucoup. Je suis du genre à désactiver les mises à jour auto et aimer déclencher moi-même les mises à jour afin de surveiller tout ce qui arrive.

    Que penses-tu de la communauté Fedora-fr que ce soit son évolution et sa situation actuelle ? Qu’est-ce que tu améliorerais si tu en avais la possibilité ?

    Malheureusement je n’en fais plus partie, j’aimerais. Mais je n’arriverai pas à retrouver le même sentiment en restant à distance, le contact physique ou régulier avec les contributeurs me manque. Mais de la même manière que la plongée ou le parapente me manquent. On n’a qu’une vie et elle est remplie de choix.

    Quelque chose à ajouter ?

    Merci beaucoup à vous d’être encore actif, aux nouveaux d’avoir pris la relève et à tout le monde de continuer à contribuer pour ce produit. C’est tous les jours que je pense aux milliers de contributeurs Fedora et aux centaines de contributeurs que j’ai connus personnellement.

    Merci Kévin pour ta contribution !

    Conclusion

    Nous espérons que cet entretien vous a permis d’en découvrir un peu plus sur le projet Fedora et Fedora-fr.

    Si vous avez des questions ou que vous souhaitez participer au projet Fedora ou Fedora-fr, ou simplement l’utiliser et l’installer sur votre machine, n’hésitez pas à en discuter avec nous en commentaire ou sur le forum Fedora-fr.

    À dans 10 jours pour un entretien avec Aurélien Bompard, développeur au sein du projet Fedora et employé Red Hat affecté au projet Fedora en particulier dans l’équipe infrastructure.

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    20 ans de Fedora-fr : neuvième entretien avec Nicolas président de Borsalinux-fr

    Dans le cadre des 20 ans de Fedora-fr (et du projet Fedora en lui-même), Charles-Antoine Couret (Renault) et Nicolas Berrehouc (Nicosss) avons souhaité poser des questions à des contributeurs francophones du Projet Fedora et de Fedora-fr.

    Grâce à la diversité des profils, cela permet de voir le fonctionnement du projet Fedora sous différents angles pour voir le projet au-delà de la distribution mais aussi comment il est organisé et conçu. Notons que sur certains points, certaines remarques restent d’application pour d’autres distributions.

    N’oublions pas que le projet Fedora reste un projet mondial et un travail d’équipe ce que ces entretiens ne permettent pas forcément de refléter. Mais la communauté francophone a de la chance d’avoir suffisamment de contributeurs et des contributrices de qualité pour permettre d’avoir un aperçu de beaucoup de sous projets de la distribution.

    Chaque semaine un nouvel entretien sera publié sur le forum Fedora-fr.org, LinuxFr.org et le blog de Renault.

    L’entretien du jour concerne Nicolas Berrehouc (pseudo Nicosss), contributeur de Fedora-fr et mainteneur de sa documentation. Devenu président de l’association Borsalinux-fr en avril 2025.

      Sommaire

      Bonjour Nicolas, peux-tu présenter brièvement ton parcours ?

      Je me nomme donc Nicolas, je ne suis pas informaticien de métier malgré ce que certaines personnes pourraient croire et je ne travaille pas pour Red Hat non plus. Je suis plus issu d’une formation automatisme, micro-contrôleur et électronique donc malgré tout un monde technique. Mon activité professionnelle actuelle n’est d’ailleurs pas en lien avec l’informatique ni à proprement dit avec ma formation. Je suis un touche-à-tout autodidacte qui aime apprendre et partager 🙂

      Peux-tu présenter brièvement tes contributions au projet Fedora ?

      Mes contributions directes au projet Fedora se limitent uniquement aux journées de tests ainsi que tout ce qui va toucher aux validations des correctifs apportés via testing suite à des rapports de bugs, que j’aurais initiés ou non, avant que ce ne soit poussé en stable. D’ailleurs, je rapporte soit sur le bugzilla Red Hat, soit directement upstream aussi.
      Il y a aussi Anitya que j’ai pas mal renseigné à sa sortie, car j’ai vraiment trouvé que c’était un super projet.
      De ce fait, mon poste de travail est tout le temps en testing et en général je bascule vers la Bêta dès qu’elle est disponible. Voilà le plus gros de mes contributions au projet Fedora.

      J’ai par ailleurs fait le choix de ne pas faire partie de groupes directement au sein du projet Fedora par manque de temps.

      Qu’est-ce qui fait que tu es venu sur Fedora et que tu y es resté ?

      J’ai découvert le monde GNU/Linux avec Slackware fin des années 90 (oui l’autre siècle 😉) mais ça a été une grosse douche froide à l’époque, donc stand-by avant de goûter à Mandrake qui proposait une utilisation plus abordable. Puis j’ai découvert Fedora Core à sa sortie que j’ai commencé à utiliser en parallèle d’un Windows, car c’était encore difficile de se défaire de ses habitudes avec certains logiciels. Mais la bascule s’est faite finalement très rapidement par la suite malgré tout et depuis pas mal d’années maintenant je n’utilise plus que Fedora Linux, tant en poste de travail que serveur d’ailleurs.

      J’y voyais aussi la possibilité de faire passer des utilisateurs Windows au monde GNU/Linux juste par le fait de donner une seconde vie à leurs ordinateurs car bien souvent les utilisatrices et utilisateurs ont une utilisation basique de leurs ordinateurs.

      Le Projet Fedora proposait une vision qui me correspondait assez avec l’idée d’être novatrice, s’orienter vraiment vers le Logiciel Libre et surtout une gestion communautaire, donc il était possible de ne pas rester un simple consommateur dans son coin. À l’époque Ubuntu avait pignon sur rue et était LA distribution mais malgré une grosse communauté francophone enjouée à l’époque le principe de fonctionnement ne me plaisait pas vraiment.

      Pourquoi contribuer à Fedora en particulier ?

      En fait, tous les champs sont quasi possibles pour contribuer. Il y a énormément d’outils disponibles pour faciliter les contributions à travers son compte FAS désormais en plus. Par ailleurs il y a une bonne dynamique et des gens passionnés donc ça donne d’autant plus envie de participer.
      Fedora intègre beaucoup de technologies et d’innovations que l’on retrouvera par la suite dans les autres distributions, alors pourquoi attendre 🙂 Ça reste ma philosophie personnelle donc ça colle avec Fedora.

      Contribues-tu à d’autres Logiciels Libres ? Si oui, lesquels et comment ?

      N’étant pas développeur, il m’arrive tout de même de rapporter des bugs upstream sur certains logiciels que j’utilise lorsque ce n’est pas déjà fait. En général les différents projets sont assez réactifs et ça permet toujours de faire avancer les choses. Mais sinon pas de vraies contributions à un projet particulier en tant que tel.

      Utilises-tu Fedora dans un contexte professionnel ? Et pourquoi ?

      Absolument pas, mon entreprise propose uniquement des postes sous Windows 10 assez verrouillés ; donc souvent quelques moments de solitude avec des réflexes propres à mon utilisation quotidienne de GNOME 😂
      Après, en contexte « semi-professionnel » dirons-nous, j’ai des serveurs auto-hébergés sous Fedora Linux aussi proposant des services pour un cercle restreint comme des outils Web, Cloud, XMPP, Mail. Pour ce point c’est arrivé assez rapidement aussi car cela faisait partie d’un apprentissage que je souhaitais réaliser afin d’avoir une compréhension et une indépendance sur la gestion de mes données personnelles. Un grand merci au monde du Logiciel Libre qui permet de faire ça !

      Est-ce que tes contributions à Fedora sont un atout direct ou indirect dans ta vie professionnelle ? Si oui, de quelle façon ?

      Je dirais que ça a plus un aspect indirect, comme pouvoir parler technique avec des personnes qui sont plus côté informatique ou informatique industrielle et donc faciliter des résolutions de problèmes.

      Tu participes essentiellement à la communauté francophone : maintenance du site web, documentation, répondre au forum, suivi de l’association, pour quelles raisons tu y contribues ? Pourquoi se focaliser sur la communauté francophone dans ton cas ?

      Oui, j’ai décidé assez tôt de plus me focaliser sur la communauté francophone car malgré ce que l’on peut croire il y a une énorme demande et je pense que pour que les personnes passent le cap en France il faut un support accessible en français pour les accompagner au mieux.
      J’avais regardé côté projet Fedora, mais je n’avais pas vraiment trouvé quelque chose qui pouvait avoir une portée surtout pour l’utilisateur final, car je voyais du potentiel dans l’utilisation de Fedora Linux en remplacement d’un Windows pour une utilisation dite courante. Je sais que la priorité du Projet est d’avoir des contributeurs, mais il faut des utilisateurs aussi et compter sur le fait qu’un faible pourcentage passera le cap vers la contribution.
      Il y a eu beaucoup de choses de faites côté documentation en français par le projet Fedora, mais je trouve que nous avons encore très largement notre place, car les pionniers de Fedora-fr avaient déjà répondu bien avant à ce manque.

      Par conséquent, je suis assez actif dans l’ensemble des domaines cités afin d’essayer de relancer une dynamique, car je sais que les personnes sont en place depuis un long moment maintenant. J’espère aussi que ça permettra à d’autres de se lancer dans l’aventure au travers de l’Association. N’hésitez pas à vous faire connaitre lors des réunions du 1ᵉʳ lundi de chaque mois !

      Nous avons fourni il y a quelques années un gros effort pour moderniser la documentation, peux-tu revenir sur cet épisode et la nécessité d’une telle action ?

      Oui en effet, nous avons réalisé un très très très gros travail qu’il faudrait arriver à poursuivre d’ailleurs et j’en appelle à toutes les bonnes volontés à se faire connaître.
      Quoi dire sur toutes ces soirées de travail 🙂 Nous avons décidé d’une organisation pour identifier les articles obsolètes (quasi tous 😂) ainsi que les priorités par rapport aux demandes. Puis nous nous sommes répartis les articles pour la mise à jour et nous effectuions les relectures croisées. Pas sûr que ce soit à jour mais voilà ce qui a servi de support de travail. Toutes les semaines nous faisions des points via un canal IRC pour aborder des questionnements et lever des doutes dans notre travail.

      Aujourd’hui l’idée est de pouvoir fournir ou améliorer des articles autour des questions récurrentes sur le Forum afin de faciliter la transition vers Fedora Linux et éviter les multiples répétitions via le Forum.

      Quels manques identifies-tu au niveau de la documentation ?

      Le plus gros manque est le maintien à jour de tout ce qui est disponible 🙂

      Aujourd’hui il y a des articles très sollicités (comme les pilotes propriétaires Nvidia ; quelle idée d’avoir un GPU de cette marque aussi) qui mériteraient d’avoir plus de suivi mais sinon aujourd’hui l’accent est vraiment porté sur le fait de pouvoir fournir une documentation pour les questions les plus récurrentes sur le Forum afin d’éviter les redites ou recherches sur celui-ci et devoir renvoyer vers des discussions similaires.
      Bien évidemment toute autre contribution pour un nouvel article est bienvenue, car nous sommes vraiment dans l’idée de partager les connaissances et c’est aussi le meilleur moyen pour découvrir d’autres choses.

      Quelle importance il y a d’avoir un forum en français à propos de Fedora ? Est-ce un bon médium pour résoudre les problèmes des gens en général ?

      L’anglais n’est pas vraiment une maîtrise forte en France, et c’est difficile de faire quitter Windows à des personnes en leurs annonçant que le package contient aussi la surprise de devoir se mettre à l’anglais. Il existe des traducteurs en ligne désormais mais les utilisateurs Fedora Linux francophones nous montrent bien que ce forum a son importance, car il y a régulièrement des questions et il est très consulté.
      Il n’y a évidemment aucun concours avec le forum officiel en anglais du projet Fedora. D’ailleurs avant de migrer toute l’infrastructure de Fedora-fr, il s’était aussi posé la question de rejoindre le forum officiel du projet via la section non anglaise mais finalement nous avons voulu continuer à offrir tout un écosystème francophone pour continuer dans nos objectifs au niveau de l’association Borsalinux-fr.

      Pourquoi penses-tu que la fréquentation du site a baissé depuis 2011 qui est le pic historique d’activité ?

      Pour moi les gens sont de plus en plus devenus de simples consommateurs courant après les effets de mode ou cherchant uniquement du divertissement. Ce sont bien souvent des personnes hyper connectées mais qui ne comprennent absolument rien au fonctionnement de leurs outils et applications, ce qui est vraiment dommage. Beaucoup de personnes se sont désintéressées des ordinateurs et se concentrent uniquement sur des ordiphones ou tablettes avec pour OS Android Google ou Apple, ce qui limite les besoins de se tourner vers une distribution GNU/Linux.

      D’un autre côté la distribution Fedora Linux, malgré l’intégration de nouveautés, a vraiment perfectionné tout son process et son assurance qualité donnant ainsi une distribution vraiment stable et performante. Par conséquent qui dit stabilité dit aussi moins de problèmes à régler 🙂

      Au niveau des Logiciels Libres il y a aussi eu beaucoup de travail de fond pour proposer une concurrence de haut-niveau face à des logiciels propriétaires. C’est vraiment un point à souligner car beaucoup de monde ne sait même pas, bien souvent, qu’il utilise du Logiciel Libre.
      Tout cet écosystème qui a gagné en stabilité et performance engendre forcément moins de demandes aussi.

      Il faudrait avoir de vraies statistiques sur le nombre d’utilisateurs en fait. En ce moment il y a des articles concernant l’augmentation de la part de marché des distributions GNU/Linux mais ça reste à suivre.

      Tu as participé avec Guillaume à la dernière mise à jour du site alors que tu n’es pas webmestre de métier, qu’as-tu apporté dans la procédure ?

      Alors en fait ça a porté plus largement que sur le site en lui-même. Guillaume était un peu seul dans le cadre de cette nécessité de migration de toute l’infrastructure qui devenait un très gros frein pour maintenir et faire évoluer tous les outils déployés. Ça a été l’occasion de pouvoir lui redonner de la motivation puis d’intégrer ce projet pour déclencher tout ce que nous connaissons aujourd’hui.

      La migration a malgré tout été très précipitée, car il y avait tout à faire et en très peu de temps.

      Effectivement je ne suis pas webmestre de métier et il a fallu s’approprier très rapidement WordPress afin de proposer à minima un équivalent de ce que nous avions avant avec fedora-fr.org donc ça a été un enchainement de journées très chargées. Et comme vous pouvez le constater nous ne sommes pas des designers dans l’âme non plus 😂 Donc tout aide est la bienvenue aussi ; même si le forum est plus le point de chute.

      L’idée en parallèle était d’en profiter pour rédiger de la documentation partagée sur notre Nextcloud à propos de toute notre infrastructure ainsi que notre fonctionnement interne au niveau de l’association. Ce travail est d’ailleurs toujours en cours.

      Quels manques identifies-tu au niveau de la communauté francophone en général ?

      Je pense que c’est ce que l’on peut retrouver un peu de partout avec un manque d’appartenance. Aujourd’hui la consommation prime et l’utilisateur ne se considère que comme un consommateur alors qu’il pourrait trouver un épanouissement personnel en participant au sein d’une communauté et de fait s’engager dans une démarche d’échanges et de partages.

      Tu nous as représenté de nombreuses années aux JDLL à Lyon, qu’est-ce qui te plaît ou qui ne te plaît pas dans cet événement ? Quels intérêts trouves-tu à y aller ?

      En effet, j’ai commencé à me rendre aux JDLL à partir de 2005 car j’étais désormais pas loin de Lyon et que le monde du Libre avait commencé à faire son petit bout de chemin dans ma tête, donc j’assistais à pas mal de conférences et pendant les pauses je faisais le tour des stands. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai pu rencontrer des membres de la communauté Fedora-Fr (shaiton entre autres qui était un bon recruteur ;-) ) qui tenaient le stand sur le site universitaire de la Doua à l’époque.
      Puis au fil des années, j’ai passé de plus en plus de temps vers le stand Fedora/Borsalinux-Fr pour finalement me faire embringuer dans l’aventure de la tenue du stand (petit clin d’œil à number80 qui y est pour beaucoup). Depuis quelques années maintenant j’ai hérité des relations avec l’organisation des JDLL pour la tenue du stand pour Fedora/Borsalinux-Fr lors de cet évènement.

      C’est un moment de l’année où il est possible de rencontrer tout type de population et je trouve ça super intéressant de pouvoir échanger avec autant de monde. Ça permet aussi de pouvoir se remettre en question, car ce n’est pas comme se réunir au sein d’une communauté où tout le monde est d’accord avec les mêmes idées. Bref c’est très enrichissant humainement !

      Quelles sont tes tâches au niveau de l’association ? Qu’est-ce qui doit être amélioré à ton avis ? Et qu’est-ce qui fonctionne bien ?

      Nous sommes un effectif très réduit au niveau de l’association, donc je suis multitâche 🙂 mais j’avoue que le temps me manque.
      Si l’on en revient à mes débuts dans l’association j’ai surtout essayé de relancer du dynamisme et de l’animation au sein des réunions hebdomadaires tenues historiquement sur IRC. Je pense que cela est aussi dû aux années écoulées sans renouvellement des membres du bureau et un manque de bénévoles pour assurer une répartition des tâches.
      Ensuite il a été décidé de passer ces réunions au pas mensuel et en visio pour essayer de toucher plus de monde. Il y a quelques passages mais ce n’est pas encore ça derrière. Dans le même temps, nous avons assuré la transparence des informations échangées lors de ces réunions en postant le compte rendu sur le forum qui est l’outil le plus fréquenté par la communauté Fedora-fr.

      Une instance Nextcloud a été déployée sur notre infrastructure, ça a été l’occasion de pouvoir construire de la documentation sur les outils que nous utilisons, des procédures liées à la maintenance ou à la gestion de l’association, etc afin que tout le monde puisse s’y retrouver, voire se projeter un peu plus dans une activité de l’association. L’idée est de pouvoir assurer la continuité de fonctionnement de l’association et ce même après un départ de quelqu’un.

      Nous avons la chance d’avoir encore parmi nous des piliers de l’association qui sont encore investis.
      Pour le moment il y a encore pas mal de travail mais après ça devrait se calmer pour pouvoir se focaliser sur des choses j’espère plus concrètes.

      Si tu avais la possibilité de changer quelque chose dans la distribution Fedora ou dans sa manière de fonctionner, qu’est-ce que ce serait ?

      Côté distribution je n’ai pas vraiment à me plaindre, il y a certes un gros rythme qui peine à tenir les dates de sorties mais le travail est énorme et surtout la qualité du processus est arrivée à un sacré niveau de maturité. Finir l’époque où il fallait allumer des cierges et invoquer les grands esprits avant de se lancer dans une migration 😂
      L’installation peut encore amener certaines questions pour des néophytes mais ensuite tout est tellement fiabilisé que n’importe qui peut s’en servir sans problème.

      À l’inverse, est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaiterais conserver à tout prix dans la distribution ou le projet en lui-même ?

      Le côté vivant et passionné de toutes celles et de tous ceux qui participent à ce projet dans le monde. C’est vraiment quelque chose que l’on retrouve à chaque fois dans les interviews lors des élections Fedora et ça fait plaisir.

      Au niveau de la distribution, qu’elle aille toujours de l’avant et propose toujours autant l’implémentation de nouveautés technologiques.

      Que penses-tu de la communauté Fedora-fr que ce soit son évolution et sa situation actuelle ? Qu’est-ce que tu améliorerais si tu en avais la possibilité ?

      J’ai connu l’époque des communautés Fedora-fr très actives dans différentes grandes villes, puis ça s’est perdu et je pense qu’aujourd’hui ça ne reverra pas le jour. Idem pour d’autres grandes distributions qui avaient leurs communautés Fr.

      Aujourd’hui je pense que la communauté Fedora-Fr (les personnes actives) est une bonne chose car ça répond vraiment à un besoin au niveau francophone, car l’anglais reste un peu la bête noire.
      Ceci permet donc de faciliter la prise en main de Fedora Linux avec un forum de qualité ainsi que de la documentation orientée pour répondre aux débutantes et débutants tout en assurant une base de connaissances collaborative. Et ça ouvre la porte pour contribuer directement au projet Fedora par la suite.

      Malheureusement tout ceci est en train de s’essouffler et je ne sais pas combien de temps cette grande aventure va durer si de nouvelles personnes ne viennent pas apporter un peu de souffle à l’équipe.
      Pour ma part je trouve que c’est sociétal, donc il faudrait peut-être revoir le modèle complet mais dans tous les cas nous aurons besoin de bénévoles.

      Quelque chose à ajouter ?

      Un appel à volontaires 😉 Si vous voulez vous investir dans l’Association que ce soit pour des évènements, de la documentation, du webdesign, du marketing pour des goodies ou d’autres idées alors n’hésitez pas à nous contacter via le site de l’Association, lors d’une réunion mensuelle ou tout autre canal. Nous vous accueillerons avec plaisir !

      Merci Nicolas pour ta contribution !

      Conclusion

      Nous espérons que cet entretien vous a permis d’en découvrir un peu plus sur Fedora-fr et sa documentation !

      Si vous avez des questions ou que vous souhaitez participer au Projet Fedora ou Fedora-fr, ou simplement l’utiliser et l’installer sur votre machine, n’hésitez pas à en discuter avec nous en commentaire ou sur le forum Fedora-fr.

      À dans 10 jours pour un entretien avec Kévin Raymond, ancien contributeur de Fedora et de Fedora-fr.org.

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      20 ans de Fedora-fr : huitième entretien avec Jean-Baptiste mainteneur de la traduction française

      Dans le cadre des 20 ans de Fedora-fr (et du Projet Fedora en lui-même), Charles-Antoine Couret (Renault) et Nicolas Berrehouc (Nicosss) avons souhaité poser des questions à des contributeurs francophones du Projet Fedora et de Fedora-fr.

      Grâce à la diversité des profils, cela permet de voir le fonctionnement du Projet Fedora sous différents angles pour voir le projet au-delà de la distribution mais aussi comment il est organisé et conçu. Notons que sur certains points, certaines remarques restent d’application pour d’autres distributions.

      N’oublions pas que le Projet Fedora reste un projet mondial et un travail d’équipe ce que ces entretiens ne permettent pas forcément de refléter. Mais la communauté francophone a de la chance d’avoir suffisamment de contributeurs et des contributrices de qualité pour permettre d’avoir un aperçu de beaucoup de sous projets de la distribution.

      Chaque semaine un nouvel entretien sera publié sur le forum Fedora-fr.org, LinuxFr.org et le blog de Renault.

      L’entretien du jour concerne Jean-Baptiste Holcroft, un des mainteneurs de la traduction française de Fedora.

        Sommaire

        Bonjour Jean-Baptiste, peux-tu présenter brièvement tes contributions au projet Fedora ?

        Gêné par des traductions partielles de logiciels que je trouve super, j’ai aidé d’abords en signalant des problèmes, puis en traduisant, et ne voyant pas les traductions arriver, à fluidifier le processus de traduction.

        Ayant compris le fonctionnement, grâce à la communauté, j’ai voulu aider cette communauté à être plus efficace, en migrant sur la très bonne plateforme de traduction Weblate, en permettant la traduction de la totalité de la documentation de Fedora (on parle ici de 3,5 millions de mots, de milliers de pages).

        Transifex, la plateforme précédente, ne permettait pas un travail collectif efficace (entre les traducteurices et entre traducteurices-projets de développement).

        Avec l’expérience, j’ai constaté que la communauté du logiciel libre propose une expérience désastreuse pour les traducteurs, le coût de traduction vs l’effort nécessaire pour traduire tout un système d’exploitation est monstrueux, j’ai maintenant voulu rendre cela perceptible et accessible à tous (ce site est moche, sa valeur est la mesure de traduction transverse).

        Qu’est-ce qui fait que tu es venu sur Fedora et que tu y es resté ?

        Ses valeurs en tant que communauté m’ont intéressées.

        Fedora accueille les contributeurs, leur permet de gagner en responsabilité, de financer des initiatives et de grandir en tant que personne. Si mon implication varie dans le temps, ce n’est qu’une question de temps disponible.

        Pourquoi contribuer à Fedora en particulier ?

        La ligne est claire, au plus proche des créateurs de logiciels libre, en collaboration, que du logiciel libre et très fiable.
        C’est une mentalité que je trouve excellente et dans laquelle je me sens à l’aise.

        Contribues-tu à d’autres Logiciels Libres ? Si oui, lesquels et comment ?

        J’ai contribué pendant quelque temps au projet YunoHost sur les thèmes de la traduction, de l’internationalisation et de l’empaquetage de logiciels.
        Ce projet est mature et autonome sur ces deux sujets, ayant moins de temps, j’ai arrêté d’y contribuer.
        Je continue à l’utiliser au quotidien, car je le considère aussi stable que Fedora pour gérer mon serveur personnel avec mes courriels, mes fichiers, mes contacts, etc.
        Aujourd’hui, je m’intéresse plutôt à notre efficacité collective plutôt qu’un projet en particulier.

        Est-ce que tes contributions à Fedora sont un atout direct ou indirect dans ta vie professionnelle ? Si oui, de quelle façon ?

        Toute la culture technique gagnée en lisant l’actualité des projets, en contribuant via des rapports de bugs, des traductions, des développements m’ont aidé pour obtenir mon emploi actuel, et pour mon travail au quotidien.

        Le logiciel libre et le fait d’y contribuer, même modestement est un lien réel, concret et palpable, très loin de l’informatique fantasmée qui ne fait le bonheur que du porte-monnaie et du pouvoir des puissants.

        Dans le travail, qu’il soit lucratif, amical ou militant, je veux du concret qui nous aide à avancer, et c’est une valeur très forte du logiciel libre.

        Tu as maintenu la traduction française de Fedora pendant des années, peux-tu nous expliquer l’importance de la traduction et même de l’internationalisation dans ce genre de projets ?

        Le logiciel libre est un outil de lutte contre l’appropriation des communs par une minorité.
        Si on veut qu’il soit un outil d’émancipation des masses, on veut réduire les barrières à l’utilisation, tout en respectant les singularités de ses utilisateurs et utilisatrices.
        Un utilisateur de logiciel ne devrait pas avoir à apprendre une nouvelle langue pour utiliser un outil émancipateur et respectueux, d’où l’intérêt de ces activités.

        Traduire un logiciel est une activité complexe, quelles sont les difficultés rencontrées lors de cette activité ?

        Traduire est la partie facile, ça consomme très peu de temps, ce qui est compliqué c’est :

        • savoir où traduire - trouver quel logiciel affiche la chaîne, trouver où il est hébergé, comprendre quelle version est à traduire, etc
        • demander de pouvoir traduire un logiciel - tout n’est pas traduisible, notre pouvoir pour faire évoluer ça en tant que traducteurice est faible
        • comprendre comment traduire - l’idéal c’est Weblate directement lié au dépôt de logiciel du dépôt, le pire c’est l’ouverture de Pull Request
        • maintenir les traductions dans le temps - pour chaque projet

        Tu as participé à la migration de la plateforme de traduction Zanata vers Weblate, peux-tu revenir sur cette tâche et les motivations derrière cette décision ?

        Weblate est un outil de traduction performant, qui facilite la vie des créateurices de logiciels et des traducteurices. Cet outil est proche du dépôt de code source et permet beaucoup d’autonomie aux traducteurices pour s’organiser comme iels le souhaitent, tracer les modifications, être notifiés, etc.

        Zanata, ben c’était un objet OK pour traduire, mais c’est tout, tout le reste était déficient.
        À titre d’illustration, pour savoir si une traduction a été modifiée, je devais aller regarder sur chaque phrase l’historique des modifications.
        Sur Weblate, l’historique est transparent et efficace, et permet de filtrer par langue, projet, composants et type de changements. Voici par exemple l'historique des changements de traduction en français sur tous les projets.
        Quand Weblate est arrivé, j’ai activement démontré la pertinence de ce projet et poussé le sujet pour que nous soyons plus efficaces.

        Tu as également participé à obtenir des statistiques de traduction au sein du projet Fedora, quel intérêt à cela et comment cela a été mis en œuvre ?

        C’est un sujet génial, mais c’est légèrement compliqué, voici une simplification :
        Une distribution Linux, c’est l’assemblage de milliers de logiciels, des lignes de code contenues dans les paquets.
        Chaque paquet est disponible au téléchargement sur des miroirs, on y retrouve même les paquets d’il y a plusieurs années (j’arrive à exploiter les données jusqu’à Fedora 7 sortie en mai 2007).

        En suivant de près le fonctionnement de Weblate, je me suis rendu compte que le créateur de Weblate a créé des petits outils pour : avoir des listes de tous les codes de langues connus, et d’auto-détection des fichiers de traduction.

        La mécanique va donc :

        • télécharger chaque paquet existant dans Fedora
        • en extraire le code source
        • lancer l’auto-détection des fichiers de traduction
        • calculer pour chaque fichier le pourcentage d’avancement
        • agréger les résultats par langue grâce aux codes connus
        • puis générer un site web pour afficher les résultats

        Avec mon ordinateur, cela m’a pris plus de dix jours de calcul en continu, et le téléchargement de 2 To de données pour réussir à avoir une vue sur plus de 15 ans de la distribution Fedora. Je n’ai malheureusement pas encore eu le temps d’en faire une rétrospective pertinente dans le cadre d’une conférence, faute de temps pour analyser les données. Pour l’instant, la seule partie visible est le site https://languages.fedoraproject.org. J’espère avancer sur ce sujet pour la rencontre annuelle 2025 du projet Fedora et le FOSDEM 2026.

        La traduction est une activité spécifique pour chaque langue mais tout le monde a des problèmes communs vis-à-vis de l’outillage ou des situations complexes, y a-t-il des collaborations entre les différentes équipes de traduction dans Fedora ?

        D’une façon générale, résoudre un problème pour une langue résous systématiquement un problème pour une autre langue.
        Les traducteurs et traductrices se soutiennent beaucoup notamment pour ces raisons, soutenez-les vous aussi !

        L’absence de centralisation dans cette activité rend la cohérence des traductions dans l’ensemble des logiciels libres très complexe. Peux-tu nous expliquer ces difficultés ? Est-ce qu’il y a une volonté francophone notamment d’essayer de résoudre le problème en collaborant d’une certaine façon sur ces problématiques ?

        Un logiciel est une création, sa communauté peut être plus ou moins inclusive et pointue sur certaines traductions.
        La cohérence vient avec les usages et évolue comme la langue de façon progressive et délocalisée.
        On pourrait imaginer proposer des outils, mais si c’est un sujet très important, ce n’est pour l’instant pas mon combat.
        Je vois ça comme un problème de privilégié, car spécifique aux langues ayant suffisamment de traduction, alors que la quasi-totalité des langues en ont très peu et sont incapables de tenir le rythme exigé par l’évolution de nos logiciels libres.

        Je voudrais d’abord démontrer et faire acter à la communauté du logiciel libre qu’il y a urgence à améliorer notre efficacité avec des changements de processus et de l’outillage. Cet outillage pourrait sûrement permettre d’améliorer la cohérence.

        Fedora n’est sans doute pas le projet le plus avancé sur la question de l’internationalisation malgré ses progrès au fil des ans, qu’est-ce que le projet Fedora pourrait faire à ce sujet pour améliorer la situation ?

        Si on veut faciliter la vie des traducteurices, il faudrait envisager de permettre de traduire à l’échelle de Fedora, de façon distincte des traductions de chaque projet, comme le fait Ubuntu.
        Le problème, c’est qu’Ubuntu utilise des outils médiocres (Launchpad) et n’a pas de moyen automatisé pour renvoyer ce travail aux créateurs de logiciels.
        Fedora pourrait innover sur ce sujet, et réussir à faire les deux avec une bonne plateforme de traduction (Weblate) et beaucoup d’outillage pour partager ce travail avec les différentes communautés, les utilisateurices y gagneraient en confort, les traducteurices en efficacité et les projets en contributions.

        Quelque chose à ajouter ?

        Un grand merci à la communauté francophone de Fedora, à la communauté Fedora et à l’ensemble des communautés qui collaborent tous les jours pour nous permettre d’avoir des outils émancipateurs et qui nous respectent. Le travail réalisé au quotidien est exceptionnellement utile et précieux, merci, merci et merci.

        Gardons à l’esprit que le logiciel n’est qu’un outil au service d’autres luttes dans lesquelles nous devons prendre notre part.

        Merci Jean-Baptiste pour ta contribution !

        Conclusion

        Nous espérons que cet entretien vous a permis d’en découvrir un peu plus sur la traduction de Fedora.

        Si vous avez des questions ou que vous souhaitez participer au Projet Fedora ou Fedora-fr, ou simplement l’utiliser et l’installer sur votre machine, n’hésitez pas à en discuter avec nous en commentaire ou sur le forum Fedora-fr.

        À dans 10 jours pour un entretien avec Nicolas Berrehouc, contributeur de Fedora-fr et mainteneur de sa documentation.

        Commentaires : voir le flux Atom ouvrir dans le navigateur

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