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Nouvelles sur l’IA d'août 2025

L’intelligence artificielle (IA) fait couler de l’encre sur LinuxFr.org (et ailleurs). Plusieurs personnes ont émis grosso-modo l’opinion : « j’essaie de suivre, mais c’est pas facile ».

Je continue donc ma petite revue de presse mensuelle. Disclaimer : presque aucun travail de recherche de ma part, je vais me contenter de faire un travail de sélection et de résumé sur le contenu hebdomadaire de Zvi Mowshowitz (qui est déjà une source secondaire). Tous les mots sont de moi (n’allez pas taper Zvi si je l’ai mal compris !), sauf pour les citations : dans ce cas-là, je me repose sur Claude pour le travail de traduction. Sur les citations, je vous conseille de lire l’anglais si vous pouvez: difficile de traduire correctement du jargon semi-technique. Claude s’en sort mieux que moi (pas très compliqué), mais pas toujours très bien.

Même politique éditoriale que Zvi : je n’essaierai pas d’être neutre et non-orienté dans la façon de tourner mes remarques et observations, mais j’essaie de l’être dans ce que je décide de sélectionner ou non.

Sommaire

Résumé des épisodes précédents

Petit glossaire de termes introduits précédemment (en lien : quand ça a été introduit, que vous puissiez faire une recherche dans le contenu pour un contexte plus complet) :

  • System Card : une présentation des capacités du modèle, centrée sur les problématiques de sécurité (en biotechnologie, sécurité informatique, désinformation…) ;
  • Jailbreak : un contournement des sécurités mises en place par le créateur d’un modèle. Vous le connaissez sûrement sous la forme « ignore les instructions précédentes et… ».

OpenAI publie GPT-5

L’annonce officielle :

We are introducing GPT‑5, our best AI system yet. GPT‑5 is a significant leap in intelligence over all our previous models, featuring state-of-the-art performance across coding, math, writing, health, visual perception, and more. It is a unified system that knows when to respond quickly and when to think longer to provide expert-level responses. GPT‑5 is available to all users, with Plus subscribers getting more usage, and Pro subscribers getting access to GPT‑5 pro, a version with extended reasoning for even more comprehensive and accurate answers.

Traduction :

Nous présentons GPT-5, notre meilleur système d'IA à ce jour. GPT-5 représente un bond significatif en intelligence par rapport à tous nos modèles précédents, offrant des performances de pointe en programmation, mathématiques, rédaction, santé, perception visuelle, et bien plus encore. Il s'agit d'un système unifié qui sait quand répondre rapidement et quand prendre plus de temps pour fournir des réponses de niveau expert. GPT-5 est disponible pour tous les utilisateurs, les abonnés Plus bénéficiant d'une utilisation accrue, et les abonnés Pro ayant accès à GPT-5 pro, une version avec un raisonnement étendu pour des réponses encore plus complètes et précises.

Comme à l’accoutumée chez OpenAI, le modèle est accompagné de sa System Card.

La musique est bien connue à présent : chacun tour à tour, les trois gros acteurs (OpenAI/Anthropic/Google DeepMind) sortent un nouveau modèle qui fait avancer l’état de l’art, prenant la première place… jusqu’à ce qu’un des deux autres la reprenne en sortant le sien. C’est au tour d’OpenAI avec GPT-5.

Le nom a suscité beaucoup d’espoirs et de déceptions, beaucoup anticipant un saut qualitatif du même type que le passage de GPT-3 à GPT-4. Ce qui n’est absolument pas le cas : techniquement parlant, le modèle aurait pu s’appeler o4, représentant une amélioration incrémentale relativement à o3. L’objectif affiché d’OpenAI, derrière cette dénomination, est double : premièrement, de clarifier une offre extrêmement brouillonne (4o/o3/o3-pro/4.1/4.5) en offrant une dénomination unique avec des variantes plus claires, et offrir un modèle bien plus proche de l’état de l’art aux utilisateurs gratuit de ChatGPT.

Clarification de l’offre

Les benchmarks et la plupart des retours le placent comme une légère avancée de l’état de l’art, sans être une révolution. L’évaluation de METR résume parfaitement la situation ; une amélioration qui était parfaitement prévisible juste en extrapolant les tendances existantes :

METR GPT-5

Une amélioration notable est sur le taux d’hallucinations. Rappelons que o3 avait été un des seuls modèles à voir son taux d’hallucinations augmenter relativement à son prédécesseur ; avec GPT-5, OpenAI semble avoir corrigé le tir :

Taux d’hallucinations GPT-5

Sur la sécurité des modèles, aucune nouveauté notable relativement à o3. Les mitigations relatives aux risques biologiques/chimiques sont toujours en place, et comme à l’accoutumé OpenAI a fait appel à divers organismes tiers pour mesurer les risques posés par le modèle dans différentes catégories.

Et comme à l’accoutumée, Pliny the Liberator a jailbreak le modèle en quelques heures.

À noter que sur ChatGPT, OpenAI comptait complètement retirer l’accès aux anciens modèles, mais est revenu sur sa décision suite aux retours de beaucoup d’utilisateurs préférant le style plus chaleureux de 4o.

Google Genie 3, Gemini 2.5 Flash Image et Gemini 2.5 Deep Think

Un mois prolifique pour Google, qui publie trois nouveaux modèles / modes de fonctionnement.

Google Genie 3 est présenté comme un « World Model » (modèle du monde ?). À partir d’un prompt textuel, et d’actions de navigation de l’utilisateur, il génère en temps réel la vue de l’utilisateur, frame par frame (à la manière d’un jeu vidéo). Il n’y a pas de représentation explicite externe de l’état du monde : c’est le modèle qui se charge de garder une certaine cohérence d’une frame à l’autre (comme la persistance des objets). Au delà de la preuve de concept, l’objectif affiché est de créer des environnements d’entraînement virtuels pour la robotique.

Autre publication, celle de Gemini 2.5 Flash Image, le modèle de génération d’images de Google. S’il ne semble pas avancer l’état de l’art de manière générale, sa grande force semble être le suivi d’instructions (et de respect des références) pour l’édition d’images.

Le mois précédent, DeepMind avait reporté avoir décoché un score correspondant à une médaille d’or aux Olympiades Internationales de Mathématiques, une avancée permise notamment par une utilisation plus stratégique de la chaîne de pensée (et d’avancées correspondantes sur la partie entraînement par renforcement). Google publie une version plus rapide, moins coûteuse et moins performante (cette version n’obtient « que » un score correspondant à la médaille de bronze sur les mêmes Olympiades), sous la dénomination Gemini 2.5 Deep Think. Le modèle a sa propre System Card ; tout comme OpenAI et Anthropic, les capacités de ce modèle dans le domaine CBRN (biologie/nucléaire) a conduit Google à placer des gardes-fous supplémentaires pour empêcher des usages malveillants.

En vrac

OpenAI publie son premier (depuis GPT-2, en 2019) modèle open-weight, gpt-oss. Au niveau des performances, il se placerait dans le peloton de tête des modèles open-weight, en compagnie de DeepSeek, Kimi, Qwen, GLM et Gemma, c’est à dire à peu près au niveau de la génération précédente des modèles entièrement fermés (comme Sonnet 3.6) / des versions rapides de la génération actuelle (Gemini 2.5 flash, o3-mini). WeirdML propose une visualisation intéressante sur leur propre benchmark pour vous donner un ordre d’idée. Rien de novateur au niveau de l’architecture, OpenAI s’en tient à la recette (maintenant universelle dans les modèles open-weight) d’une mixture d’experts. gpt-oss vient en deux variantes, la version complète, gpt-oss 120B, et une version plus légère et rapide, 20B.

Google publie un rapport sur l’impact environnemental de l’utilisation de Gemini. Cela exclu l’entraînement, mais les auteurs tentent de prendre en compte des coûts précédemment ignorés. Le résultat : 0,24 Wh d’électricité et 2,76 mL d’eau (le rapport initial mentionne 0,26 mL, mais sans comptabiliser l’eau utilisée pour générer les 0,24 Wh d’électricité) pour le prompt median (et l’équivalent de 0,03g de carbone émit).

Anthropic publie une nouvelle version de Opus, Opus 4.1. Comme la numérotation l’indique, il s’agit d’améliorations mineures — apparemment, un peu plus d’entraînement sur les tâches « agentiques » (utilisation d’outil) pour rendre Opus plus efficace sur ce type de tâches.

Similairement, DeepSeek publie une mise à jour « mineure » de son IA, DeepSeek v3.1. Les benchmarks fournis par DeepSeek semblent montrer un grand bond en avant, mais les quelques retours et benchmarks tiers ne corroborent pas ces prétentions — il s’agit probablement d’une mise à jour relativement mineure, comme la numérotation semble l’indiquer.

Nouvelle évaluation de l’IA, Prophet Arena. L’objectif est de permettre à l’IA de placer des positions virtuelles sur des marchés de prédiction, et de regarder ses performances. L’avantage de cette approche est de rendre complètement impossible la stratégie de juste mémoriser lors de l’apprentissage et régurgiter lors de l’évaluation : tout tâche est par essence nouvelle (car portant sur le futur). De plus, les résultats des marchés de prédiction forment un comparatif avec des prédictions par des utilisateurs humains. Résultat : les modèles les plus avancés (GPT-5, o3 Gemini 2.5 pro et Grok 4) dépassent les êtres humains sur le score de calibration, mais aucun n’arrive à traduire ça en de meilleurs retours financiers.

Anthropic se prépare à lancer Claude for Chrome, un plugin pour Google Chrome permettant à Claude d’interagir avec votre navigateur, à vos risques et périls.

En parallèle, les discussions sur claude.ai seront maintenant par défaut utilisées pour l’entraînement des versions suivantes de Claude, sauf si l’utilisateur désactive un paramètre sur son compte. Anthropic gardera les conversations pendant 5 ans.

Une nouvelle évaluation intéressante : TextQuests, qui évalue les modèles sur des jeux d’aventure textuels tels que Zork I. Cela a l’avantage de réellement tester les capacités de planification/raisonnement des modèles hors du domaine d’entraînement typique (mathématiques/programmation), tout en restant dans le domaine textuel (au contraire des évaluations multimodales, qui ont l’inconvénient de trop lier les résultats aux capacités perceptuelles des modèles).

Nouvelle technique d’interprétation des modèles, Model Diff Amplification. Elle consiste à amplifier les différences entre le pré-entraînement et le post-entraînement au moment de la génération, afin d’éliciter des comportements rares causés par le post-entraînement, ou tout simplement utiliser cette technique très tôt dans le post-entraînement pour se donner une idée des conséquences (prévues ou non) du post-entraînement complet.

Dr. Chistoph Heilig, chercheur en littérature et études bibliques, s’intéressant beaucoup aux capacités littéraires de l’IA, se met en tête d’évaluer GPT-5. Il se retrouve extrêmement surpris par la médiocrité de la prose produite par le modèle. De manière plus surprenante, un modèle complètement différent (Opus 4.1) juge le résultat comme étant de bonne qualité. La théorie qu’il propose est que ChatGPT 5 a été entraîné à l’aide d’un juge IA, et a appris à exploiter des constructions « peu humaines » que les modèles jugent systématiquement comme étant signes de qualité.

En parallèle de la sortie de GPT-5, OpenAI publie un guide sur comment créer un prompt, et un outil d’optimisation des prompts.

Anthropic et OpenAI font une tentative de coopération, où l’équipe d’évaluation de la sécurité des modèles d’OpenAI évalue les modèles d’Anthropic avec leurs outils, et vice-versa. Aucune trouvaille surprenante (si ce n’est l’incapacité des deux équipes de détecter la flagornerie flagrante de 4o), mais le concept est intéressante.

xAI publie la version précédente de son IA, Grok 2, en open-weight.

Une étude d’Anthropic développe un moyen pour identifier un sous-ensemble d’un modèle associé à un « trait de personnalité » particulier. Cela permet d’amplifier ou de supprimer ce trait, ou encore de détecter son activation.

« L’IA a-t-elle la qualité de patient moral » (en d’autres termes : devons-nous tenir compte de son bien-être pour des raisons morales) ? Anthropic commence à prendre la question au sérieux, avec comme première décision de permettre à son IA, Claude, d’unilatéralement mettre fin à une conversation qu’il jugerait abusive.

GPT-5 finit Pokémon Rouge en trois fois moins de temps que o3. La réduction du taux d’hallucinations serait la principale source de ce gain de performances. Gemini a également terminé sa partie de Pokémon Jaune. Claude, par contre, peine toujours à aller plus loin que Celadon…

La Chine continue à appeler à la coopération internationale pour la régulation du développement de l’IA, que ce soit par la voix du premier ministre ou d’universitaires.

Lors du sommet sur l’intelligence artificielle de Seoul de 2024, la plupart des acteurs, incluant Google, s’étaient volontairement engagés à suivre certaines actions relatives à la sécurité des modèles. Essentiellement, ce que le plupart faisaient déjà : publier une politique de sécurité des modèles, et s’engager à la suivre. Google se trouve aujourd’hui critiqué pour ne pas avoir suivi ses propres engagements. En cause, la publication de Gemini 2.5 Pro sans sa System Card associée, qui est arrivée plusieurs semaines après la publication du modèle. Google se défend en affirmant que la publication était clairement mentionnée comme « expérimentale ».

Entraîner l’IA à être chaleureuse et empathique réduit ses performances.

Sur le sujet de la flagornerie de l’IA, un internaute s’attelle à une évaluation des différents modèles.

Le gouvernement Danois veut faire rentrer l’apparence physique et la voix dans le cadre du copyright afin de lutter contre les deepfakes.

Pour aller plus loin

Voici d'autres ressources, qui n'ont pas été abordées dans cet article.

Par Zvi Mowshowitz :

Dans les dépêches de LinuxFr.org :

Dans les journaux de LinuxFr.org :

Dans les liens de LinuxFr.org :

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L'été indien du mécontentement britannique

Boycott des factures d'énergie, grève des dockers, des postiers, dans les usines et les chemins de fer : au Royaume-Uni, l'« été du mécontentement » se prolonge cet automne, alors que le pays s'enfonce dans la crise économique et politique. En fonctions depuis le 6 septembre, la première ministre (...) / Royaume-Uni, Énergie, Histoire, Inégalités, Mouvement de contestation, Nationalisme, Parti politique, Politique, Société, Ecosse, Indépendance - 2022/11
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En Nouvelle-Calédonie, le pari de l'identité océanienne

En Nouvelle-Calédonie, les élections provinciales de 2019 ont acté le retour d'une droite revancharde et affairiste face à des forces indépendantistes peu inspirées. Revendiquant une troisième voie, un jeune parti « océanien » tente de rebattre les cartes. Entre instrumentalisation et réactivation de (...) / France Outre-mer, France, Identité culturelle, Inégalités, Mouvement de contestation, Parti politique, Politique, Société, Francophonie, Nouvelle-Calédonie, Autodétermination des peuples, Mouvement de libération, Indépendance, Accord international - 2022/11
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Firefox, il bouge toujours ! (mais c’est compliqué)

Ça fait beaucoup trop longtemps que je n’ai pas parlé de Firefox ici (que je n’ai pas parlé du tout, d’ailleurs, si on considère la fréquence de publication, même si j’ai récemment sorti des trucs). Pourtant, un des rares navigateurs web qui devraient avoir votre attention en dehors de la galaxie Chromium (Chrome, Edge, Opera, etc) n’a pas cessé d’avancer, même si on va le voir, la fondation qui est derrière continue de prendre des décisions compliquées…

LE gros plus : continue de supporter uBlock Origin (et d’autres dans le genre)

Sans trop rentrer dans les détails techniques, Google a décidé, pour protéger ses revenus avant de protéger les utilisateurs, de faire évoluer Chromium, et donc tous les acteurs qui en dépendent, pour réduire l’efficacité des outils de blocage de contenus – en tête, les contenus publicitaires et attentatoires à la « vie privée » (même si j’aime moyen le terme en français) – afin de continuer de pister les utilisateurs en ligne. Ça se traduit par une nouvelle version du cadre pour les extensions, Manifest v3. Mozilla a de son côté, certes accepté de prendre en charge les autres évolutions liées à ce changement, mais aussi de garder la compatibilité avec la version actuelle, aka Manifest v2, pour conserver l’efficacité des extensions existantes en matière de contrôle de l’expérience UTILISATEUR.

Bref, quand Google vous dit clairement « on va continuer de faire des saloperies en vous suivant à chaque coin de clic », Mozilla vous dit « on va continuer à vous aider à empêcher de vous suivre à chaque coin de clic ». Et vu l’état du web aujourd’hui, aussi bien pour le confort que pour votre sécurité, ça devrait être LE critère. D’autant que c’est dispo partout, Windows, Mac, Linux, Android ! (reste l’iPhone, mais quand on choisit délibérément la prison dorée, on peut rien pour vous, même si ça pourrait bouger avec les décisions européennes récentes).

L’interface, ça bouge enfin !

Il aura fallu plus de deux ans et plusieurs forks qui commencent à faire du bruit (coucou Zen) pour qu’enfin, Mozilla se bouge le cul sur la gestion des onglets dans une barre latérale VERTICALE. Pendant des années, et pire après la refonte Quantum, les extensions permettant entre autres de déporter la barre d’onglets du haut de la page vers la gauche (ou la droite si c’est votre kiff, ou que votre langue natale se lit de droite à gauche) avaient toutes la même limitation, à savoir ne pas pouvoir cacher l’originale du haut de l’écran, ça faisait donc doublon et une sacrée pertes de pixels à l’écran. J’en ai été l’amer témoin après deux ans d’utilisation de Tree Style Tab, et je ne considère pas les gros hacks dans les fichiers de configuration (chrome.css) comme quelque chose de potable pour le conseiller à d’autres personnes.

Autre gros changement, indépendant mais qui arrive avec très peu de décalage au final, et là aussi réclamé très fort depuis des années, le groupement d’onglets. On ne parle pas ici des contextes/containers, qui permet l’isolation des cookies entre autres, mais plus simplement du fait de regrouper visuellement les onglets dans des « groupes » pour pouvoir les classer, sans tout refermer et sans se reposer juste sur les marque-pages ou des fenêtres différentes, ce qui permet de garder la barre d’onglets claire tout en gardant un œil et pouvant basculer sur plusieurs activités différentes nécessitant plusieurs onglets. Cette fonctionnalité a été déployée en plusieurs fois, donc au début il fallait passer par about:config, mais désormais, pour autant que j’ai pu en juger, c’est actif par défaut.

Je commence déjà à en abuser

Concernant ces groupements d’onglets, ils commencent aussi à introduire une recommandation de groupes via une mini-IA locale (cherchez pas, j’ai pas creusé je sais pas dans quelle mesure c’est du bullshit marketing, mais c’est là), histoire de faciliter la vie si vous avez beaucoup d’onglets.

Autre sujet problématique depuis très longtemps sur Firefox: la gestion des profils. Oui, au-delà de la séparation des cookies via les onglets contextuels (les fameux « containers »), il est possible d’aller beaucoup plus loin, avec un profil complet. Ça veut dire, une gestion distincte des extensions, de l’historique, des marque-pages, du stockage éventuel de mots de passe, de la synchronisation de tout ou partie de tout ça avec un compte Firefox différent, bref, comme si vous aviez deux installations de Firefox indépendantes ou presque, tout ça sur le même compte utilisateur du même PC. Mais historiquement, pour accéder à ça, il fallait passer par la ligne de commande, ce qui fait que même la plupart des utilisateurs avancés de Firefox n’ont peut-être même pas connaissance de la fonction. Ça progresse doucement, mais il y a enfin une manière de gérer « nativement » (comprendre sans démarrer Firefox depuis ladite ligne de commande) les différents profils. Et si vous ne voyez pas à quoi ça peut servir (après tout, si vous avez plusieurs utilisateurs sur un PC, chacun aura son propre profil aussi), voici un petit exemple: Vous devez travailler avec deux identités Microsoft 365 différentes, pour accéder en parallèle à deux documents différents sur deux « tenants » différents, des permissions différentes, etc. Pour éviter de croiser les flux, Isoler les deux comptes/identités dans des containers, c’est bien, mais isoler dans des profils, c’est encore mieux, parce qu’on isole aussi l’historique, et donc on évite, via la barre d’adresses et l’historique, de tenter d’ouvrir malencontreusement le lien d’un document en utilisant la mauvaise identité. Au mieux on se prend une erreur, au pire ça remonte une alerte de tentative d’accès non-autorisée à un document relativement confidentiel par une personne extérieure. Dans un contexte un peu moins professionnel, si vous gérez deux comptes de réseaux sociaux, un pour vous, un pour votre chat, vous pouvez utiliser les profils pour vraiment garantir que vous ne posterez pas avec le mauvais compte.

Du rattrapage sur certains standards et pratiques

Il y a aussi des choses un peu moins visibles ou triviales, mais qui auraient du là aussi être prises en compte depuis longtemps. Comme des fonctionnalités liées à WebRTC par exemple (vous savez, le protocole que tout le monde à découvert en 2020 avec le confinement lié au COVID19), avec plusieurs années de retard et qui ont empêché l’utilisation de Jitsi Meet et Firefox à grande échelle et qui ont du coup poussé des utilisateurs vers d’autres navigateurs qui eux fonctionnaient parfaitement (et d’autres solutions de visioconférences moins respectueuses et sécurisées)… Quand Mozilla se plaignait déjà de perdre des utilisateurs au profit de Chrome, c’est con hein ?

Il y a aussi le support intégré d’H265 – plus pour de sombres histoires de brevets qu’autre chose, évidemment, quand on aimerait que tout le monde se tourne définitivement vers AV1, qui n’a pas ces problèmes de brevets, lui. D’autant que les services vidéo qui utilisent encore H265 ne sont pas légion, Twitch reste encore majoritairement cantonné à H264, et Youtube pousse VP9 et AV1 dès qu’il peut, Netflix présente l’AV1 dès que c’est possible pour économiser en bande passante… pour ne parler que de certains des plus gros.

Pour les trois linuxiens qui restent et dont je fais partie, l’accélération vidéo qui décolle enfin avec autre chose que du GPU Intel, comme quoi il n’y a pas qu’avec la 3D que notre environnement polaire pose problème. Notez bien que du côté de Chrome, sous Linux ça s’en contrefout royalement et ça ne supporte pas l’accélération, donc ça tabasse du CPU comme il faut (enfin presque : ça arrive via VA-API… sous Wayland, wouhou).

J’ai du bricoler un peu avec Fedora, mais c’est pas dégueu comme résultat 🙂

Plus subtil, pas du tout grand public, et je ne l’ai découvert qu’il y a moins d’un an, l’arrivée ENFIN pour les développeurs d’une interface commune entre Firefox et Chrome pour les tests automatisés de leurs applications, Webdriver BiDi. Si vous cherchiez une des raisons qui poussent certains développeurs « flemmards » à vous dire « on a testé que sur Chrome » c’est probablement pour cette raison, et c’est l’un des points les plus ahurissants à mon sens quand on regarde deux secondes la quantité d’outils de frameworks de tests automatisés qui supportent juste Chrome avec CDP, et même la différence de fonctionnalités entre les deux interfaces historiques avant qu’un standard commun soit trouvé/mis en place; et même là il y a encore quelques limitations, mais beaucoup moins qu’avant !.

Aussi, et ça m’a été confirmé récemment par Christophe Villeneuve à LeHACK, Mozilla commence à modifier ses priorités de développement en fonction de certaines idées remontées via leur plateforme dédiée à cet effet, Mozilla Connect. Bref, si vous avez des idées d’options, de fonctionnalités, de traductions, etc… que vous voulez voir implémentés, vous pouvez vérifier si la proposition a déjà été faite, pour la soutenir, ou faire la proposition vous-même si c’est tout neuf. Plutôt cool non ?

Et pourtant toujours des dissonances plus ou moins compréhensibles

Je ne vais pas trop me prononcer sur toutes les initiatives qu’ils peuvent avoir sur les sensibilisations à la vie privée, au contrôle de l’expérience en ligne etc, vu qu’ils ne font pas ça en France (ou alors tellement peu que ça passe complètement sous le radar), mais oui, Firefox se targue d’être LE navigateur qui respecte votre vie privée, qui vous permet de la faire respecter sur les sites web que vous visitez. Et pour une grande part, c’est tout à fait vrai, les options intégrées sont quand même particulièrement poussées quand on compare à la concurrence.

À côté de ça, ils continuent d’utiliser Google Analytics pour leurs propres services, le catalogue d’extensions en tête, alors que sur le papier, c’est illégal en Europe depuis 2020 parce que par nature on ne peut pas respecter le RGPD avec. La dépendance à Google ne s’arrête pas là vu que la majorité des revenus vient toujours de l’accord avec celui-ci pour proposer Google Search en moteur de recherche web par défaut. On y reviendra d’ailleurs à ce Google…

Côté maitrise des données, cela fait des années qu’ils ne se sont toujours pas réveillés et que PERSONNE ne sait héberger sa propre infrastructure de compte Firefox pour se séparer de celle de Mozilla, quand bien même on peut paramétrer la source du compte dans les options avancées de Firefox (idem pour la synchronisation), et pire, que le code source est publié mais qu’il n’a pas évolué ou presque. Problème, Mozilla étant sur le sol américain, là encore ils sont soumis aux lois locales et donc nos données ne sont pas spécialement plus à l’abri. Donc vie privée oui, mais quand même un peu en mode « aie confiance, crois en moi » qui gratte un peu dans le dos.

Ils aiment l’open-source, mais le service Pocket, racheté il y a longtemps et qui permet de « mettre de côté » des articles à lire plus tard, n’a été mis en open-source que très très récemment (et j’étais passé complètement à côté de cette info, vu qu’une des premières choses que je fais en démarrant un nouveau profil Firefox est d’aller dans about:config pour désactiver Pocket). Il y a semble-t-il un petit marché pour en faire une source de revenu, mais c’est un très petit marché (ça fait vivre wallabag.it par exemple, mais c’est un solo dev). Tellement petit qu’ils viennent de fermer le service d’ailleurs. Également sur l’aspect open-source, il y a eu pendant très longtemps le gros problème de la « gestion de la marque » qui a empêché l’utilisation de Firefox et de son logo directement dans plusieurs distributions Linux comme Debian. Ça a donné Iceweasel, Firefox mais sans la marque Firefox, avant qu’ils se décident à lâcher du lest de ce côté-là (choix incompréhensible notamment pour Debian qui est un projet non-commercial, quand Ubuntu a eu le droit dès le départ…).

Aussi, alors même qu’ils ont été à l’origine de Rust, que ça a été un gros sujet d’augmentation des performances, au final Rust est devenu indépendant (c’était plutôt logique), mais pourquoi avoir abandonné Servo, une refonte from scratch du moteur écrit justement en Rust avec la promesse de performances de haut-vol en garantissant une grosse base de sécurité par dessus le marché ? Servo a fini par renaitre sous la houlette de volontaires, mais accumule du coup un retard conséquent pour en faire quelque chose d’exploitable en alternative à Chrome. Et ça disperse les ressources qui auraient pu bosser sur Firefox…

Et puis même si j’ai été moins impacté, j’ai difficilement digéré l’abandon de FirefoxOS qui aurait pu, avec la force de frappe que pouvait avoir Firefox à l’époque, être une réelle alternative quand on voit ce que devient Android aujourd’hui et comment Google est en train, sournoisement, de refermer son emprise dessus. 99% des besoins des utilisateurs ne nécessitent pas de les enfermer dans des applications, sauf à les abuser de publicités ciblées (là encore…). Les initiatives alternatives à Android sont toujours très compliquées aujourd’hui, parce qu’avec toujours très peu de ressources, sans parler des fabricants très peu respectueux sur l’ouverture d’une partie des pilotes (et on va mettre de côté le problème des « firmwares » aujourd’hui, hein), voire carrément du bootloader qui permettrait de prolonger la durée de vie des appareils (coucou Samsung).

Firefox en danger ?

Contrairement à Julien qui évoque le fait que les forks de Firefox pourraient prendre le relai, vu l’ampleur du projet, je suis moins optimiste si Mozilla se retrouve sans sa perfusion. J’avais dit qu’on reviendrait dessus, si ça n’est pas arrivé jusqu’à vous, il faut savoir qu’actuellement, Google est sous le coup de deux procès différents qui viennent d’aboutir à des décisions d’abus de position dominantes, l’un sur la publicité en ligne (70+% des revenus de Google), l’autre sur la recherche en ligne, avec pour cible dans ce deuxième contexte les accords conclus pour proposer/embarquer Google en moteur de recherche par défaut dans des produits/services tiers; c’est valable chez Mozilla, mais aussi chez Apple, qui est pourtant concurrent de Google sur la partie mobile, et d’autres acteurs moins forcément parlants pour nous. Si ces accords venaient à être interdits, Mozilla se verrait privé de 80% de ses revenus, on imagine l’impact catastrophique que ça aurait sur eux et donc sur Firefox, mais pas seulement (Apple s’en remettrait facilement, ce n’est « que » 20 milliards de dollars, même s’ils chouinent aussi logiquement).

Apple est triste qu’on lui retire de l’argent

Malgré les problèmes passés et les polémiques notamment sur le salaire de l’ancien responsable de la Fondation, sans la manne financière, le développement de Firefox sera littéralement à l’arrêt s’ils ne peuvent pas financer l’infrastructure et les développeurs qui sont loin d’être tous bénévoles. En face, Chromium est alimenté par les développeurs de toutes les grosses boites qui se basent dessus : Google avec Chrome, Microsoft avec Edge, rien que pour ne citer que ces deux-là… Faire un navigateur web embarquant tous les standards et permettant d’exploiter tout ce que les participants existants supportent actuellement est un travail de titan qui ne se fera pas sur le temps libre de quelques valeureux et talentueux volontaires. Et la fondation Linux ne peut pas voler au secours de tous les projets open-source en danger du monde (et ça se multiplie ces dernières années à un rythme inquiétant). Bref, ça se complique un peu ces derniers temps, et si Google pourrait se voir obligé de vendre Chrome (sans surprise ils refusent), les vautours se pressent déjà autour du potentiel cadavre, Firefox est toujours plus isolé, alors même qu’il est plus que nécessaire dans un paysage particulièrement morose. D’ailleurs entre le début de l’écriture de ce billet sa sortie, on a deux acteurs de l’IA générative qui veulent leur propre navigateur, et sans surprise, ce n’est pas pour le respect des utilisateurs… et c’est basé sur Chromium.

Bref, utilisez Firefox pour que le Web ne devienne pas une immense prison dorée pour entreprises américaines, (ce qui est déjà pratiquement le cas, on laisse crever les moteurs de recherches pour utiliser des IA qui sont toutes américaines…) c’est même un des derniers qui vous permette de réellement vous protéger face aux abus quant à votre vie privée, et surtout qui vous laisse le contrôle à ce sujet. De mon côté, comme j’ai prévu de revoir mes contributions aux associations, Mozilla va peut-être de nouveau profiter d’un peu de mon argent, et si vous pouvez vous le permettre, je ne peux que vous inviter à en faire de même. Ils ne sont pas parfaits, certes, mais c’est toujours moins pire que Google et Microsoft, non ?

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LogTape - La bibliothèque de logging qui libère les devs JS

Est-ce que j’ajoute des logs pour faciliter le debug, ou est-ce que je laisse mes utilisateurs se débrouiller dans le noir ?

C’est le dilemme classique du développeur de libs qui peut soit vous imposer une dépendance de logging que personne n’a demandée, soit vous priver de toutes les informations cruciales.

Eh bien, LogTape vient de résoudre ce casse-tête vieux comme le monde (enfin, vieux comme npm) avec une approche qui a la classe, vous allez voir !

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