SIEM : le marché se structure sur des visions opposées
« SIEM : 6 fournisseurs dominent un marché qui se densifie ».
Ainsi avions-nous titré, au printemps 2024, notre synthèse de ce qui était alors le dernier Magic Quadrant consacré à ce marché. Gartner avait effectivement classé 22 offreurs, dépassant le seuil des 20 auquel il se tient généralement.
Ils furent 6 à faire leur entrée à cette occasion. Un directement chez les « visionnaires » (Google). Les autres chez les « acteurs de niche » (Logz.io, NetWitness, Odyssey, QAX, Venustech).
4 entrants pour 9 sortants : un Magic Quadrant à périmètre nettement réduit
Dans le Magic Quadrant du SIEM version 2025, plus de Logz.io, de NetWitness, d’Odyssey ni de Venustech. Ils ne sont pas les seuls à disparaître. Devo Technology, IBM, LogRhythm, Logpoint et OpenText suivent le même chemin.
Pour LogRhythm, c’est dû à sa fusion avec Exabeam (finalisée en juillet 2024). IBM ne remplit quant à lui plus le cahier des charges technique de Gartner depuis qu’il a vendu QRadar SaaS à Palo Alto Networks.
Pour les autres, c’est partagé. Logpoint n’a pas satisfait à tous les critères fonctionnels. Devo Technology, Odyssey et Venustech, aux critères business. Logz.io, Netwitness et OpenText, aux uns et aux autres.
Les critères techniques ont globalement peu évolué par rapport à l’an dernier. Mais quelques seuils ont été relevés, comme le volume miminal de connecteurs pour la capture et le streaming de données en complément à la collecte de logs.
D’une année sur l’autre, les mêmes fonctionnalités sont restées « à la carte ». Il fallait, d’une part, en fournir au moins 2 sur les 4 suivantes :
- Recherche fédérée sur environnement SIEM distribué
- Recherche hors des dépôts du SIEM
- Intégration de data lakes tiers
- Disponibilité d’un stockage de long terme (avec capacité de rappel « chaud » sur 365 jours)
D’autre part, fournir au moins 2 des 3 suivantes :
- SOAR (automatisation et orchestration de tâches communes)
- Threat intelligence
- Capacités fondées sur l’analyse comportementale ou la data science/le machine learning
Sur le volet business aussi, des seuils ont été relevés. D’une part, il fallait avoir dégagé, entre mars 2024 et mars 2025, au moins 85 M$ de CA licences + maintenance sur les produits cloud*/SaaS ou bien disposer de 500 clients en production avec des contrats en direct sur ce même type de produits (les seuils précédents étaient à 75 M$ et 200 clients). De l’autre, avoir réalisé au moins 25 % de ce CA auprès de clients localisés hors de la région dans laquelle se trouve le siège social du fournisseur ; ou bien disposer d’au moins 25 % de clients respectant de même périmètre géographique (les seuils précédents étaient à 15 % de CA et 30 clients).
Platform or not platform ? Des divergences qui structurent le marché
Le relèvement des seuils business est aussi, explique Gartner, la conséquence de la présence de « gros » fournisseurs parmi les 4 entrants de cette année (CrowdStrike, Datadog, Graylog et Palo Alto Networks).
CrowdStrike et Palo Alto Networks font partie des fournisseurs qui ont, comme Microsoft entre autres, intégré leur SIEM dans des offres plus larges avec un modèle de licence adapté. Certains, plutôt que de jouer la carte de la plate-forme, axent leur discours sur les capacités d’ingestion à grande échelle.
Une opposition existe aussi entre ceux qui, pour réduire la complexité, poussent la combinaison du SIEM avec d’autres parties de la stack de sécurité. Et ceux qui, en vue de ce même objectif, prônent un usage stratégie de l’augmentation des workflows (IA, automatisation).
Ces divergences contribuent à faire évoluer le paysage concurrentiel. À tel point que Gartner a priorisé, dans son évaluation, la vision que les fournisseurs ont du SIEM et leur capacité à faire adopter cette vision au marché.
17 fournisseurs, toujours 6 « leaders »
Le positionnement au sein du Magic Quadrant résulte de la combinaison d’évaluations sur deux axes. L’un prospectif (« vision »), centré sur les stratégies (sectorielle, géographique, commerciale, marketing, produit…). L’autre censé refléter la capacité à répondre effectivement à la demande (« exécution » : expérience client, performance avant-vente, qualité des produits/services…).
Sur l’axe « exécution », la situation est la suivante :
| Rang | Fournisseur | Évolution annuelle |
| 1 | Splunk | = |
| 2 | Microsoft | = |
| 3 | + 8 | |
| 4 | Rapid7 | + 3 |
| 5 | Palo Alto Networks | nouvel entrant |
| 6 | Securonix | – 2 |
| 7 | Exabeam | – 1 |
| 8 | Fortinet | = |
| 9 | Gurucul | = |
| 10 | Elastic | + 4 |
| 11 | CrowdStrike | nouvel entrant |
| 12 | Sumo Logic | – 7 |
| 13 | Huawei | + 2 |
| 14 | Datadog | nouvel entrant |
| 15 | QAX | + 6 |
| 16 | ManageEngine | + 1 |
| 17 | Graylog | nouvel entrant |
Sur l’axe « vision » :
| Rang | Fournisseur | Évolution annuelle |
| 1 | + 4 | |
| 2 | Securonix | + 4 |
| 3 | Microsoft | – 1 |
| 4 | Gurucul | – 3 |
| 5 | Exabeam | – 1 |
| 6 | Splunk | – 3 |
| 7 | Elastic | + 2 |
| 8 | CrowdStrike | nouvel entrant |
| 9 | Datadog | nouvel entrant |
| 10 | Huawei | + 6 |
| 11 | Palo Alto Networks | nouvel entrant |
| 12 (ex aequo) | QAX | + 6 |
| 12 (ex aequo) | Fortinet | + 2 |
| 12 (ex aequo) | Rapid7 | + 1 |
| 15 | Sumo Logic | – 3 |
| 16 | Graylog | nouvel entrant |
| 17 | ManageEngine | + 5 |
Six fournissent se trouvent dans le carré des « leaders » : Exabeam, Google, Gurucul, Microsoft, Securonix et Splunk.
Exabeam demeure plus cher que la moyenne
L’an dernier, Gartner avait salué l’UI d’Exabeam, « très en phase » avec les besoins des analystes sécurité. Il avait aussi apprécié le scoring dynamique et les capacités de traitement des flux tiers par recherche fédérée.
Le cabinet américain avait, en revanche, pointé une courbe d’apprentissage plus longue que sur les autres SIEM. Et relevé une tarification plus élevée que la moyenne, en plus d’une tendance à se focaliser sur les grandes entreprises.
Cette année encore, l’UI fait mouche. Comme le scoring et la recherche fédérée. S’y ajoutent l’assistant Exabeam Copilot (qui simplifie le tri et la priorisation des cas) et une marketplace « bien fournie en contenu », notamment sur la menace interne, les règles de corrélation et les dashboards extensibles.
La tarification au-dessus de la moyenne reste d’actualité. La courbe d’apprentissage aussi, mais pour une brique en particulier : Advanced Analytics (moteur legacy de détection comportementale). On surveillera par ailleurs l’effet latent de la fusion avec LogRhythm (annoncée en mai 2024) en matière d’allocation des ressources de développement produit.
Google peut progresser sur l’UEBA
Avec son offre Chronicle, Google Cloud avait fait son entrée au Magic Quadrant du SIEM l’an dernier. Il était classé chez les « visionnaires » (résultat insuffisant sur l’axe « exécution » pour être leader).
Depuis, Chronicle est devenu SecOps. La plate-forme se distingue sur les requêtes « avancées et complexes », selon Gartner. La fédération et le multilocataire la rendent attractive pour les MSSP comme pour les grandes organisations qui ont besoin de plusieurs instances de SIEM. Autre bon point : l’injection d’IA sur un large spectre de workflows, en plus de capacités d’automatisation « bien intégrées ».
On notera qu’il n’existe pas de version on-prem de SecOps. S’y ajoute une UI complexe, au sens où Google favorise une approche CLI (pour la création de requêtes, par exemple) dont l’implémentation et l’exploitation supposent des compétences. Il y a également de la marge de progression sur l’UEBA, qui manque de use cases embarqués qu’on trouve généralement chez les autres « leaders » du SIEM.
Gurucul : un prix potentiellement difficile à justifier
L’an dernier, Gurucul était lui aussi chez les « visionnaires ».
Il est crédité d’un bon point pour son programme marketing, dont l’extension est corrélée à un taux de renouvellements plus élevé que la moyenne. Gartner apprécie aussi ses roadmaps et sa capacité à délivrer des fonctionnalités de façon consistante. Bon point également pour la partie gestion des données, qui apporte de la flexibilité.
Le prix est beaucoup plus élevé que chez les principaux concurrents, si bien qu’il peut être difficile de prouver la valeur de certaines fonctionnalités « avancées ». Globalement, la solution est plutôt adaptée aux acheteurs qui présentent des cas d’usage complexes. Attention aussi sur la partie « augmentation » des workflows (automatisation, orchestration) : sur le plan fonctionnel, Gurucul est en retard sur les autres « leaders ».
Chez Microsoft, les dépendances à Azure perdurent
L’an dernier, Gartner avait salué les passerelles établies entre le SIEM Sentinel et le reste de l’écosystème de Microsoft (SOAR, CASB, protection des identités et des terminaux…). Il avait aussi apprécié la couverture MITRE ATT&CK. Et les capacités de personnalisation, tant au niveau des modèles de détection de menaces que de l’UI de threat intelligence.
Le cabinet américain n’en avait pas dit autant au sujet du reporting de conformité, jugé limité. Il y avait ajouté la dépendance à des services Azure pour certaines fonctionnalités… et pour l’hébergement de la solution.
Cette année, Microsoft conserve son bon point pour le niveau de couverture de la matrice MITRE ATT&CK. Même chose pour les intégrations avec le reste de son écosystème. Gartner y ajoute l’extension de la prise en charge d’outils tiers, l’intégration d’IA en particulier sur la partie corrélation, et les capacités de personnalisation du tableau de bord de renseignement sur les menaces.
Microsoft peut lui aussi se révéler plus cher que la concurrence, surtout lorsqu’on ingère des données depuis des sources externes. Les dépendances à Azure valent toujours (pour l’intégration de sources de télémétrie tierces, par exemple), y compris pour l’hébergement (SaaS uniquement).
Securonix, en retard sur l’augmentation des workflows
L’an dernier, Securonix s’était distingué pour sa gestion des sources de données tierces et des flux de threat intelligence. Gartner avait aussi salué l’aide fournie pour améliorer la configuration du SIEM (identification des sources de données manquantes, des modèles d’analyse pertinents…).
Il avait moins apprécié le modèle économique fondé exclusivement sur les EPS (événements par seconde). Ainsi que la prise en main. Qui, expliquait-il, nécessitait « plus de services professionnels que la moyenne ». En tout cas pour les déploiements cloud.
Cette année, un bon point va à la gestion des data lakes tiers – et à la flexibilité que cela apporte. Securonix se distingue aussi sur l’UEBA (capacité à gérer des use cases avancés), assorti de « capacités exhaustives » de test et de tuning. Il dédie par ailleurs au développement produit une équipe « plus grosse que la moyenne » [de l’ensemble des fournisseurs classés au Magic Quadrant du SIEM].
S’il existe une brique d’augmentation de workflows, elle est en retard sur celles des autres « leaders », tant au niveau des fonctionnalités que des intégrations. Gartner souligne aussi une dépendance au risk scoring susceptible de réduire la capacité à créer manuellement des requêtes. Et note que la croissance de la base client est plus faible que chez d’autres « leaders ».
Splunk traduit sa vision moins vite que la concurrence
L’an dernier, Splunk s’était distingué avec son UI, en particulier pour les capacités de personnalisation. Il avait aussi pour lui une bibliothèque d’intégrations exhaustive, SOAR en tête. Gartner avait aussi salué la composante observabilité, couplée à la recherche fédérée et aux capacités d’analyse sur les data stores tiers.
Bien que flexible, la tarification apparaissait plus élevée que la moyenne. Et la solution, complexe, tout du moins au niveau de l’implémentation. Gartner avait aussi souligné le fait que les effectifs étaient majoritairement localisés en Amérique du Nord… et l’impact potentiel que cela pouvait avoir sur le support client.
Cette année, l’un des bons points va à la marketplace de contenus, doublée de la richesse des ressources développées par la communauté. Un autre va au catalogue d’intégrations avec les produits de sécurité, dont ceux de Cisco. Gartner souligne aussi les possibilités de personnalisation de la solution pour le développement de workflows et de dashboards.
L’augmentation de workflows n’est pas le fort de Splunk, qui affiche lui aussi du retard sur ses principaux concurrents. Du retard face à ces mêmes acteurs, il en a aussi au niveau de la roadmap, reflet d’une stratégie encore centrée sur l’intégration dans l’optique de constituer une plate-forme TDIR unifiée. Quant aux possibilités de personnalisation, elles supposent une certaine complexité qui pourrait rebuter les organisations les moins matures.
* Comprendre « cloud-native« , c’est-à-dire conçu pour exploiter les caractéristiques du cloud.
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