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Blockchain, métavers, neuromining… Retour sur 10 ans de prédictions technologiques par Gartner

« Internet des comportements », « multiexpérience », « espaces intelligents »… Autant de concepts qui, au fil des ans, ont émaillé les prévisions technologiques de Gartner.

Les prévisions en question sont, plus précisément, celles que le cabinet émet traditionnellement lors de l’édition américaine de son IT Symposium/Xpo (organisée au mois d’octobre à Orlando, en Floride). Il en publie systématiquement une synthèse. Nous nous référons ici aux dix dernières (2016-2025).

2016 : ne dites pas microservices, mais MASA

En 2016, Gartner estimait que l’une des tendances à venir serait le MASA (mesh app and service architecture). Ce concept était pour le moins englobant. Il était décrit, dans les grandes lignes, comme une « architecture multicanale » exploitant cloud et serverless, conteneurs et microservices, API et événements pour « délivrer des solutions modulaires, flexibles et dynamiques ».

Au-delà de ce « basculement architectural sur le long terme », Gartner évoquait la convergence du NLP, des réseaux de neurones et du deep learning. Il parlait aussi des « applications intelligentes », avec l’idée qu’à terme, tout logiciel embarquerait de l’IA. D’ici à 2018, la plupart des 200 plus grandes entreprises au monde exploiteraient de telles apps, en plus d’utiliser « l’ensemble du toolkit big data/analytics pour affiner leurs offres », expliquait-il.

Aux « applications intelligentes », Gartner ajoutait les « choses intelligentes ». Il en citait trois catégories (robots, drones, véhicules autonomes), avec la perspective d’un « IoT collaboratif ».

La réalité virtuelle et la réalité augmentée étaient aussi mentionnées. Avec un conseil aux décideurs IT : envisagez des applications ciblées pour l’horizon 2020.

Gartner parlait également de blockchain… avec réserve. Il affirmait percevoir beaucoup d’intérêt, mais admettait que la majorité des initiatives étaient « en alpha ou en bêta » au vu des défis techniques.

Les prévisions pour 2017 faisaient aussi la part belle aux « architectures de sécurité adaptatives« . Avec trois caractéristiques principales : sécurité dès la conception, sécurité multicouche et utilisation de l’UEBA (analyse comportementale).

2017 : et vint le « maillage numérique intelligent »

En 2017, Gartner avait structuré ses prévisions en trois sections reprenant les trois termes de l’expression « maillage numérique intelligent ». Il décrivit ce concept comme « l’intrication des personnes, des appareils, des contenus et des services, mêlant mondes virtuels et physique », l’IA trouvant sa place partout.

Le cabinet déclarait que l’IA porterait, d’ici à 2025, le retour sur investissement des initiatives numériques (amélioration de la prise de décision, réinvention des modèles économiques et des écosystèmes, refonte de l’expérience client).

Les « applications intelligentes » et les « choses intelligentes » furent à nouveau citées. Comme les jumeaux numériques. Et la blockchain… avec un commentaire toujours plein de réserve : beaucoup de technologies encore immatures et largement non régulées.

Il n’était plus question de MASA, mais d' »orienté événements« . Avec une prévision chiffrée : d’ici à 2020, « l’intelligence situationnelle en temps réel » basée sur les événements sera requise pour 80 % des solutions numériques d’entreprise.

À l’AR et à la VR, Gartner avait greffé la réalité mixte (MR). Tout en approfondissant son propos : ces technologies, en association avec les plates-formes conversationnelles, entraînent un basculement dans l’UX, entre changement de la perception du monde et de l’interaction avec lui.

Sur le volet sécurité, l’accent était mis, dans la lignée des prévisions de l’année précédente, sur l’évaluation continue du risque et de la confiance. Il s’agissait d’aller « au-delà de la sécurité périmétrique » pour se recentrer sur les identités. Difficile de ne pas y reconnaître la philosophie zero trust, même si le terme n’était pas mentionné – on le doit, il est vrai, à un autre cabinet (Forrester).

2018 : où l’on parlait (déjà) d’IA pour les devs

Les « choses intelligentes » avaient gardé leur place dans les prévisions 2018 de Gartner, avec deux catégories supplémentaires : appliances et… agents.

Les jumeaux numériques étaient aussi restés de la partie. Avec une remarque : le focus est actuellement sur l’IoT, mais des digital twins de processus émergent.

Concernant la blockchain, elle demeurait « immature » et « difficile à passer à l’échelle ». Mais elle générerait 3 100 milliards de dollars de valeur d’ici à 2030, voulait croire Gartner.

À échéance plus proche (2020), 40 % des tâches de data science serait automatisées, clamait le cabinet. En parallèle, la population de « data scientists citoyens » croîtrait 5 fois plus vite que celle des data scientists de métier.

Les développeurs auraient quant à eux de plus en plus de possibilités d’intégrer de l’IA dans les applications sans impliquer les data scientists. Tout en ayant l’opportunité d’en exploiter dans leurs outils de travail (génération, test et analyse de code). L’IA remonterait la stack pour toucher jusqu’au design.

Sur les « technologies immersives » (AR/VR/MR), Gartner se projetait à l’horizon 2022 : 70 % des grandes entreprises auraient lancé des expérimentations en B2B et B2C, et 25 % auraient déployé en prod. Les plates-formes conversationnelles s’intégreraient à la démarche, notamment avec la capacité à détecter les émotions par reconnaissance faciale.

2022 serait, par ailleurs, l’année jusqu’à laquelle la plupart des entreprises pourraient rester en phase d’exploration sur l’informatique quantique. À part quelques-unes auxquelles des algorithmes spécifiques fourniraient un « avantage majeur ».

Gartner avait aussi évoqué l’edge. En en faisant, aux côtés de l’IA, de la blockchain et des jumeaux numériques, une brique fondamentale des « espaces intelligents« . Décrits comme des « environnements physiques ou numériques où humains et systèmes interagissent dans des écosystèmes de plus en plus ouverts, connectés et coordonnés »…

2019 : hyperautomatisation et « multiexpérience »

Dans la synthèse des prévisions 2019, l’hyperautomatisation était le premier élément mentionné. Gartner la présentait comme la combinaison d’outils (ML, logiciels packagés, automatisation type RPA) aux fins de répliquer les tâches dans lesquelles l’humain est impliqué.

La notion de « multiexpérience » était apparue dans le vocabulaire du cabinet. Le terme était appliqué à une tendance déjà évoquée les années précédentes : l’évolution de l’UX à renfort d’AR/VR/MR et de plates-formes conversationnelles.

La blockchain était toujours dans la liste. « Immature à déployer » pour des questions techniques, notamment de scalabilité et d’interopérabilité, mais avec un « grand potentiel de disruption »…

En complément à l’edge, Gartner avait évoqué le cloud distribué. Il avait aussi repris la notion de démocratisation de l’expertise métier, sous 4 angles : data & analytics (les outils de data science s’étendent aux développeurs), développement (IA pour personnaliser les applications), design (par outils low code / no code) et connaissance (outils permettant à des métiers non IT de mettre en œuvre des compétences informatiques).

2020 : entre « Internet des comportements » et cloud distribué

Dans ses prévisions émises en 2020, Gartner avait à nouveau mentionné le cloud distribué. Avec une perspective : d’ici à 2025, la plupart des plates-formes cloud fourniront au moins quelques services distribués.

Autre perspective à cette échéance : plus de la moitié de la population mondiale sera sujette à au moins un programme IoB, commercial ou gouvernmental.
Par IoB, il faut entendre « Internet des comportements » (Internet of Behaviors). Gartner nommait alors ainsi la combinaison de technologies focalisées sur l’individu (reconnaissance faciale, géolocalisation, big data) et connectant à des événements les données ainsi produites.

En miroir à l’IoB étaient évoquées les « techniques de calcul améliorant la vie privée« . La moitié des grandes organisations en auraient implémenté d’ici à 2025 pour le traitement de données multipartite et/ou hors d’environnements de confiance, estimait Gartner.

Toujours pas de zero trust au menu, mais il était question des « maillages de sécurité« . Ou comment « permettre à quiconque d’accéder à tout actif numérique de façon sécurisée ». Dans ce cadre, nous expliquait-on, la définition et la mise en œuvre des politiques sont découplées, via un modèle de livraison cloud qui permet à l’identité de devenir le périmètre de sécurité. D’ici à 2025, cette approche porterait plus de la moitié des requêtes de contrôle d’accès numérique, anticipait Gartner.

L’hyperautomatisation demeurait mentionnée. Pas la multiexpérience, réincarnée en « expérience totale« , en connexion avec les disciplines de l’expérience client, employé et utilisateur.

2021 : la grande promesse des NFT

Cette année-là, l’approche terminologique avait laissé place à une liste de prévisions chiffrées. Deux d’entre elles concernaient les NFT. Gartner estimait, d’une part, que d’ici à 2024, 50 % des entreprises cotées auraient une forme de NFT pour accompagner leur marque et/ou leur présence digitale. De l’autre, qu’à l’horizon 2026, la gamification NFT porterait une grande entreprise dans le top 10 des valorisations mondiales.

Pour 2027, un quart du Fortune 20 serait remplacé par des entreprises qui exploitent le neuromining et « influencent le subconscient à l’échelle », ajoutait Gartner.

En miroir le cabinet parlait privacy. Avec deux statistiques principales. D’un côté, d’ici à 2024, 40 % des consommateurs duperaient intentionnellement les mesures de suivi comportemental afin de dévaluer leurs données (partage de fausses informations, clic sur des pubs qui ne les intéressent en fait pas…). De l’autre, à l’horizon 2025, les données synthétiques réduiraient le besoin de collecte de données personnelles, évitant 70 % des sanctions pour violation de la vie privée.

En plein boom du télétravail, Gartner déclarait qu’en 2024, 30 % des équipes corporate basculeraient vers un système de prise de décision entre pairs, sans rôle de manager.

Le cabinet prévoyait qu’à la même échéance, une cyberattaque causerait tant de dommages à une infrastructure critique qu’un membre du G20 répliquerait par une attaque physique déclarée.

En 2025, ajoutait-il, 75 % des entreprises auraient choisi de « rompre » avec les profils de clients non adaptés à leur activité, le coût de rétention finissant par s’avérer plus élevé que le coût d’acquisition d’une nouvelle clientèle.

À l’horizon 2026 était prévue une augmentation de 30 % du pool de développeurs en Afrique. Le continent deviendrait ainsi un écosystème mondial de start-up, rivalisant avec l’Asie en matière de croissance des investissements en capital-risque.

En 2027, les satellites basse orbite auraient étendu la couverture Internet à un milliard de personnes supplémentaires, en « sortant la moitié de la pauvreté »…

2022 : la grande promesse du métavers

Dans les prévisions effectuées en 2022, plus de cloud distribué, mais du cloud souverain. D’ici à 2024, des coentreprises approuvées par les régulateurs accroîtraient la confiance des parties prenantes dans les grands fournisseurs cloud.

Ces derniers seraient appelés à consolider leur domination sur le marché, de l’ordre de 30 % à l’horizon 2026, en éliminant peu à peu leurs dépendances aux ISV.

À cette même échéance, le déni de service « citoyen », fondé sur des assistants virtuels, serait la forme de contestation la plus en croissance, prévoyait Gartner.

En 2027, ajoutait-il, les espaces de travail intégralement virtuels capteraient 30 % de la croissance des investissements des grandes entreprises dans le métavers. En parallèle, les réseaux sociaux auraient adopté les identités décentralisées (Web3).

Avec le phénomène du quiet quitting en toile de fond, on nous annonçait que d’ici 2025, la « volatilité du travail » entraînerait une perte d’activité substantielle pour 40 % des organisations, stimulant un basculement d’une stratégie d’acquisition de talents à une stratégie de rétention.

À ce même horizon, des indicateurs centrés sur les travailleurs – comme le bien-être et la satisfaction employeur – auraient pris plus d’importance que le ROI dans 30 % des décisions d’investissement ayant mené à de la croissance, estimait Gartner. Qui prévoyait, de surcroît, une acceptation deux fois plus importante des investissements spéculatifs (moonshot) par les actionnaires.

Dans ce contexte pré-ChatGPT (il allait sortir quelques semaines plus tard), Gartner estimait que sans pratiques soutenables, l’IA consommerait, en 2025, plus d’énergie que les travailleurs humains. L’entraînement de modèles ML pourrait, à lui seul, capter jusqu’à 3,5 % de la consommation électrique mondiale en 2030.

2023 : la GenAI en basculement socio-économique

L’IA générative avait jalonné les prévisions 2023 de Gartner.

Le cabinet s’était toutefois projeté à des échéances plus lointaines. Il estimait notamment qu’en 2027, la productivité tirée de l’IA serait reconnue comme un indicateur économique majeur par les pouvoirs étatiques.

À ce même horizon, la GenAI serait largement utilisée pour expliquer les applications métier legacy et créer des substituts, réduisant de 70 % les coûts de modernisation.

L’adoption de la GenAI motiverait par ailleurs, à l’horizon 2028, une nette croissance (+ 1000 %) du taux de syndicalisation chez les travailleurs de la connaissance. Dans le même temps, le nombre de « robots intelligents » dépasserait celui des fontline workers dans l’industrie manufacturière, le retail et la logistique.

Gartner prévoyait aussi que dès 2026, 50 % des pays du G20 auraient expérimenté une forme de rationnement périodique d’électricité dans le contexte de l’essor des IA.

Le cabinet estimait qu’à la même échéance, 30 % des grandes entreprises auraient une BU ou des canaux de vente dédiés aux « clients machines ». Et que dès 2025, un quart des centres de vente et de service traiteraient des appels de tels clients.

2024 : rester pertinent face à l’IA

Les prévisions faites en 2024 touchaient aux neurotechnologies. D’ici à 2030, 30 % des travailleurs de la connaissance seraient « augmentés » par des interfaces de type cerveau-machine pour « rester pertinent face à l’IA ».

Auparavant, en 2028 en l’occurrence, au moins 15 % des décisions quotidiennes au travail seraient prises de façon autonome (à renfort d’IA agentique). Dans le même temps, les organisations ayant implémenté une « gouvernance exhaustive » de l’IA connaîtraient 40 % moins d’incidents d’ordre éthique. En parallèle, 50 % des grandes entreprises auraient commencé à adopter des produits, services ou fonctionnalités face à la désinformation.

À la fin des années 2020, des technologies de calcul plus frugales, comme des accélérateurs optiques et neuromorphiques, auraient émergé pour des tâches spécifiques comme l’IA et l’optimisation. En 2029, les avancées dans l’informatique quantique auraient rendu l’essentiel de la cryptographie asymétrique conventionnelle non sûre. En 2033, l’informatique « spatiale » (AR/VR) représenterait un marché à 1700 Md$ (contre 110 Md$ en 2023).

2025 : la « géopatriation », ou sortie du cloud public

Dans ses dernières prévisions, Gartner parle de « géopatriation ». Le terme décrit la rapatriation de workloads depuis le cloud public vers des infrastructures locales (« souverain », régional, on-prem…) dans une logique de réduction du risque géopolitique. À l’horizon 2030, plus de 75 % des grandes entreprises d’Europe et du Moyen-Orient s’y seraient mises, contre moins de 5 % en 2025.

À cette même échéance, 80 % des organisations auraient segmenté leurs équipes de développement en « petites équipes plus agiles augmentées par l’IA« . Gartner envisage un fonctionnement à effectif égal, mais alimenté par une forme d’équipes tournantes d’ingénieurs « de première ligne » qui accompagneraient les différents projets.

À la notion de « techniques de calcul améliorant la vie privée » s’est aujourd’hui substitué, dans la communication de Gartner, l’expression « informatique confidentielle« . D’ici à 2029, elle concernera plus de 75 % des opérations traitées hors d’environnements de confiance, estime le cabinet.

Dès 2028, plus de la moitié des modèles génératifs utilisés par les grandes entreprises seront des modèles spécialisés, selon Gartner. Qui pense qu’à la même échéance, 40 % des « entreprises leaders » auront adopté, dans des workflows critiques, des architectures suivant le paradigme de l’informatique hybride (combinant essentiellement différents types de puces).

Illustration générée par IA

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