Les femmes se masturbent aussi et le disent : épisode 4/13 du podcast Dernières nouvelles du sexe : 20 ans d’évolution des sexualités | France Culture
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Une BD franchement exceptionnelle sur le sexe vu de façon positive (on y parle préférences, consentement, post-coït - je n'ai pas de meilleure expression en français)
Donnez une image de saint à un homme, et il deviendra un démon. Je trouve édifiant dans cette histoire les dates : cet abbé était déja un harceleur indésirable au Québec en 1957. C'est fou et navrant.
Après quelques secondes d’hésitation, Jérémie l’affirme sans détour : « Si tout était à refaire, je le referais. » Surprise. Aucun regret ne pèse sur les épaules de ce cinquantenaire pourtant « revenu des enfers », après s’être arraché, depuis deux ans maintenant, aux griffes d’une « spirale autodestructrice ». Celle de longues années passées à frayer dans le milieu gay du chemsex, associé au barebacking – une pratique traduisible par « chevaucher à cru », qui vise à se passer sciemment de préservatif. Au souvenir de ses soirées partouze, et depuis le siège qu’il occupe derrière son écran d’ordinateur, ce chef de structure évoque des « nuits mortifères ». À cause d’une consommation intensive de drogues, oui. Mais aussi de la « fétichisation » du risque de transmission du VIH dont il était porteur. « Dans notre microcosme, on parlait de “plombage” », précise le Montpelliérain.
Un levier érotique a minima contre-intuitif, par le biais duquel des séro-divergents entretiennent un rapport impliquant un négatif (neg, dans le jargon) souhaitant être contaminé par son partenaire positif (poz). Inquantifiable tant il est ultra marginal – et tabou –, ce fantasme avait été révélé au grand public au gré d’expositions médiatiques retentissantes, comme en 2003 avec un article du Rolling Stones. Décrié comme sensationnaliste et mensonger – le journaliste impliqué rapportait que 25% des nouvelles infections chez les personnes gays étaient intentionnelles, selon un docteur ayant, post-publication, démenti ce chiffre choc –, le papier avait provoqué une avalanche de réactions, certain·es affirmant que le « plombage » n’était qu’une légende urbaine, tandis que les voix les plus conservatrices saisissaient l’opportunité de brosser, pour la énième fois, le tableau infamant d’une communauté aux mœurs aussi perverses que débridées, bien responsable, au fond, du fléau du sida qui l’avait si durement frappée. Une lecture homophobe au regard de Jérémie, pour qui le « plombage » représentait avant tout un moyen précieux – vital, même – de « reprendre la main » sur le virus qui l’habitait. En mettant en scène sa transmission lors de moments de « partage » qui, aussi « morbides » furent-ils à ses yeux, ouvraient l’horizon d’une « communion fraternelle ».
Avant d’endosser son rôle assumé de « plombeur », il a d’abord fallu que Jérémie encaisse le séisme du diagnostic. « J’ai appris la nouvelle en 1999, à 27 ans », se remémore-t-il. Avant de contextualiser : « Lorsqu’on passe son temps à courir les saunas, les lieux de cul, on sait que quelque chose peut tomber. » Pour faire face, celui qui bosse alors dans les médias se souvient de sa jeunesse, passée au chevet d’une mère atteinte d’un cancer. « Je me suis dit qu’il ne s’agissait “que” du VIH, et qu’il fallait le voir comme une maladie chronique, rien de plus. » Résilient, Jérémie débute sa trithérapie, un traitement apparu en 1996, dont les antirétroviraux réduisent la charge virale du virus, pour l’empêcher d’évoluer vers sa phase terminale, le sida. Grâce à ces avancées médicales, l’espérance de vie des personnes touchées avoisine celle des séronégatifs. Chaque jour, Jérémie gobe les 17 cachets prescrits (pour seulement de deux à cinq de nos jours), puis consigne dans son journal intime l’affre de sa cohabitation avec celui qu’il baptise « l’Intrus ». « C’était un étranger indésirable. Mais il était là, tout proche ; on était condamnés à la cohabitation. Alors je suis devenu machiavélique avec lui. » Pour ne plus être simplement victime de sa séropositivité, Jérémie transforme son virus en support érotique : il fantasme de le transmettre.
Cette idée, obsédante, le pousse à poser son premier pied dans les plans « bareback ». Une pratique à risque qui, selon les sociologues Daniel Welzer-Lang et Jean-Yves Le Tallec, cités dans le Journal du sida, « existe sans doute depuis le début de l’épidémie de VIH/sida » – soit l’orée des années 1980 –, puis se serait cultivée de manière confidentielle, avant d’être visibilisée par l’avènement d’internet et la floraison de sites dédiés qui l’ont accompagné. De fait, il suffit de pitonner « bareback rencontre » sur Google pour tomber sur une flopée d’entre eux. Sur un site gratuit dédié aux plans cul, un internaute affiche être en quête d’hommes « bien chargés viralement » pour accomplir sa « séroconversion », et côté Grindr des utilisateurs spécifiant vouloir « être plombé » se manifestent aussi ouvertement – bref, il n’y a pas à creuser bien loin. Afin de rencontrer ces profils, Jérémie navigue entre Bbackzone et Recon, puis se familiarise avec une terminologie propre : d’un côté les gift givers, prêts à « offrir » leurs IST, et de l’autre les bugs chasers, qui les « chassent ». Mais dans quel but, au juste ?
La question se pose spontanément, tant cette course à l’infection paraît déroutante. Surtout lorsqu’elle concerne le VIH – un virus à la prise en charge médicale parfois exorbitante, et dont l’exposition était criminalisée dans 92 pays en 2020 selon l’ONUSIDA. Sans même parler des 142 décès qui y étaient liés dans l’Hexagone en 2021, pour 630 000 à l’échelle mondiale l’année suivante, d’après les chiffres de Sida Info Service. Alors : pourquoi ? Croisé sur le forum fétichiste Fetlife, Joyboy831 explique adhérer au barebacking – lors de rapports hétéros – par « goût du risque de faire tomber une partenaire enceinte, et de contracter une maladie ». Voilà deux ans que ce quarantenaire cherche à contracter le VIH auprès de femmes séropos afin « de ne plus flipper de l’attraper plus tard » – et surtout de « recevoir », à l’intérieur de lui, « une bombe ». Un vocable de la dévastation dans lequel se reconnaît Jérémie : « Chacun emploie les mots qu’il veut, mais dans le milieu, on a tous l’autodestruction en tête. » C’est cette même « pulsion de mort » qui avait poussé notre interlocuteur à faire un bond vertigineux dans le chemsex.
Au fil des ans, celui qui admet, d’un ton placide et avec son franc-parler caractéristique, s’être toujours « sévèrement emmerdé » dans un « coït classique », multiplie les expériences. Exhibitionnisme, BDSM, abattage… et fisting. Dans ce milieu « aux codes identitaires propres » où la consommation de drogues de synthèse est « monnaie courante », Jérémie s’essaye à la « décharge d’excitation et de désinhibition » qu’est la cathinone. D’abord par voie orale puis, dès 2010, en slam – c’est-à-dire par injection intraveineuse – lors de sex parties. « C’étaient des fêtes qui pouvaient s’étaler sur trois jours, dans des appartements privés. Avec de la musique, des pornos projetés sur les murs, de l’alcool », rejoue-t-il, l’air lointain. Dans l’intimité de ces soirées, on s’échange les sextoys, on utilise les seringues usagées d’inconnus, on enchaîne les sessions de fist sans protection – parfois jusqu’à se faire saigner intentionnellement, pour favoriser la circulation des IST, auprès de partenaires qui ne sont pas sous PReP, un traitement destiné aux séronégatifs, empêchant la contraction du VIH.
Afin d’expliquer l’attraction aphrodisiaque de ces prises de risque Gwen Ecalle, sexologue et présidente de l’association Les Sexosophes, avance plusieurs hypothèses. « Le slam en lui-même peut porter une charge érotique, avec la ritualisation de la préparation des seringues, puis l’injection », avance-t-elle. Une approche « quasi cérémonielle » dont elle atteste l’existence, aussi, dans les rangs du libertinage. « Qu’il s’agisse de cet écosystème-ci, ou des pratiques extrêmes gays, on peut aussi supposer une fétichisation des liquides. » D’un côté, le sang renverrait « au kink du vampirisme ou au fantasme, très ancré dans l’enfance, de devenir “frères de sang”. » Et d’autre part, l’absence de préservatif laisserait libre cours à « une circulation des fluides, pour léguer une trace de soi en l’autre, par-delà le rapport sexuel ». Avec comme perspective, éventuellement teintée BDSM, « d’apposer sa marque dans la chair d’un partenaire ». En allant, parfois, jusqu’à la transmission de virus.
De manière plus générale, notre experte rappelle aussi cet adage, bien connu, selon lequel « l’érotisme se nourrit des interdits ». Dans le cas du « plombage », il y a violation du principe de prévention – en l’occurrence strictement symbolique, puisqu’en France, aucune loi ne punit la transmission volontaire du VIH si l’acte est librement consenti. « Bug chasers comme gift givers décuplent leur plaisir lorsqu’ils se jouent des frontières entre le permis et le répréhensible, et entre la vie et la mort, en s’autorisant, dans un geste de liberté individuelle, à faire ce qu’ils ne “devraient pas” », résume Gwen. Ce qui fournit aussi l’occasion, pour les concernés homosexuels, de se « réapproprier » un narratif partagé. « Érotiser le VIH, c’est aussi refuser cette image, très ancrée dans l’imaginaire commun, d’une personne séropositive mourant du sida dans la honte et la solitude. » En lui substituant « des scénarios fantasmagoriques vecteurs de plaisirs et de partage qui soudent, plutôt qu’ils n’isolent. »
« Il y avait toujours quelque chose de l’ordre de la communion, dans mon rapport au “plombage”. Comme si on se tressait une promesse : “Mon frère, je suis prêt à te rejoindre, jusque dans la maladie.” », abonde Jérémie. De sorte que les relations qu’il cultive avec les bug chasers n’ont rien de « one shot superficiels ». « On était unis par le sexe, et le sexe seul. Ce qui n’empêchait pas de nouer des rapports étroits. Avec de longues discussions autour des infections de chacun, de profonds échanges de regards, une sensualité au moment des rapports… Toute une poésie. » Née d’un penchant romantique ? « Un romantisme très noir, oui – enfin c’était mon approche. À mes yeux, rien n’était plus beau que de partager l’intimité d’un échange de virus. »
Si la transmission de son VIH relevait plus du fantasme qu’autre chose et qu’il ne pouvait pas en être certain lors de ses premiers « plans bareback », Jérémie le sait désormais : il n’a « sans doute jamais “plombé” qui que ce soit ». Tout simplement parce que sa trithérapie a un effet préventif, nommé TasP (Treatment as Prevention). « Depuis 2008, et avec un point définitif à la question découlant de l’étude PARTNER dont les résultats sont sortis entre 2016 et 2018, nous savons de source scientifique qu’il n’existe aucun risque de transmission du VIH à partir d’une personne séropositive traitée », pose Michel Ohayon, directeur médical du 190, un centre de sexualité inclusif basé sur Paris. Conséquence de quoi, aux yeux de notre spécialiste, le fantasme du « plombage », « relativement fréquent jusqu’au milieu des années 2000 », est devenu caduc. Au sens où « les gens qui l’évoquent ne le réalisent pas dans les faits ». « Très anecdotique » selon l’expert, le phénomène est aussi parfois taxé de sérophobie dans les cercles qui militent contre la désinformation autour du VIH, dans la mesure, notamment, où le mot « plombage » renverrait à un diagnostic de mort qui n’a plus lieu d’être.
« À mon sens, le fantasme du “plombage” est peut-être à prendre comme un rite de passage, vers une communauté séropositive stigmatisée, et dont le passé traumatique a marqué l’histoire gay », réagit Jérémie, que deux décennies de sexualité « extrême » ont poussé au bord du précipice. « En tant que gift giver, on est toujours aussi bug chaser, puisqu’il est avant tout question de partage. Cette réversibilité des rôles m’a coûté cher : en sex party, mon dernier échange de seringues s’est soldé par la contraction de l’hépatite C. » Une infection douloureuse, qui pousse son mari, inquiet, à le menacer « pour la vingt-cinquième fois » d’un divorce, s’il ne décroche pas. Dos au mur, Jérémie dresse alors un bilan cru. « Je n’avais plus de relations sociales, j’avais connu la brûlure de l’addiction. Mon corps était ruiné, je l’avais violé – donné à violer. Après tant d’années à avoir, plus ou moins consciemment, chercher à élire ma mort, j’ai compris que ma dernière seringue serait la dernière. Et l’instinct de survie a repris le dessus. »
Encore affaibli, il contacte son addictologue pour amorcer un sevrage. Et après trois semaines d’hospitalisation, débute une lente reconstruction grâce au sport, et aux thérapies EMDR. Jérémie reprend peu à peu goût aux choses – la sexualité mise à part. « C’est pas que j’ai fait une croix dessus, mais elle n’est jamais revenue. Et je sais qu’y retourner impliquerait ou bien de me contenter d’une sexualité fade, ou bien de replonger dans mes vieux démons. Aucune des deux options ne me tente », expédie-t-il, l’œil assagi et l’allure gaillarde. Sans regard en arrière, Jérémie fait ses adieux à un passé pour lequel il n’a « pas de regret ». « J’aurais pu avoir la chance de m’épanouir dans une sexualité classique, mais ça n’a pas été le cas. Alors j’ai vécu ce que j’avais besoin de vivre, c’est tout. »
« Pas mal sous l’eau » à la tête de la structure qu’il pilote désormais, Jérémie s’investit aussi dans la prévention autour du chemsex en participant à des podcasts, et des congrès. L’un des plaisirs les plus savoureux de cette nouvelle vie, délestée des hantises d’autrefois ? « Enlacer mon mari en rentrant le soir, simplement ». À croire que le romantisme redéploie ses ailes – mais sous d’autres ciels.
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Crème vanille. Décharge finale. Money shot. Peu importe comment vous l’appelez, je pense qu’on peut s’accorder sur le fait que le sperme masculin est la graisse lubrifiante qui fait tourner tout Internet. C’est gluant, c’est salissant et ça se répand partout. Parcourez n’importe quel site porno pendant une demi-seconde et vous trouverez des vidéos de femmes en train de se faire éjaculer dans le cou, le dos, le vagin et la raie, bref, sur toutes les parties du corps. Mais existe-t-il une seule personne sur terre qui aime vraiment ça ?
Une nouvelle étude, publiée dans la revue universitaire Sexes et judicieusement intitulée As Long as It’s Not on the Face (Tant que ce n’est pas sur le visage), suggère que les gens sont moins enthousiastes à l’idée de se faire éjaculer sur la gueule que ce que l’industrie porno voudrait bien nous laisser penser. « Aucune étude antérieure ne s’est intéressée aux perceptions et aux préférences du public en ce qui concerne les cumshots », écrit l’auteur de l’étude, Eran Shor, de l’université McGill. Pour info, « cumshot » est le terme générique pour désigner une scène d’éjaculation sur le corps d’une autre personne. Il a interrogé plus de 300 spectateur·ices de films pornos de différentes origines démographiques et culturelles et a constaté que « la plupart ne se soucient pas de l’éjaculation masculine ou de son emplacement, ou préfèrent qu’elle se produise dans le vagin de la partenaire féminine ». Shor suggère également que beaucoup de spectateur·ices trouvent « dérangeantes » les scènes de cumshot dans la bouche ou sur le visage.
Je sais qu’il est préférable de ne pas s’aventurer sur le terrain de la Guerre des sexes, mais le fait que beaucoup trouvent les cumshots dérangeants ne devrait pas étonner grand monde. Ça fait des décennies qu’une multitude d’universitaires féministes affirment que la pornographie, parce qu’elle est généralement réalisée par et pour des hommes, reflète les attentes patriarcales dominantes en matière de sexualité féminine, faisant de l’éjaculation un sujet particulièrement épineux. Dans son article de 2005, auquel Shor se réfère dans l’étude, Terrie Schauer, de l’université Simon Fraser de Vancouver, affirme ceci : « puisque les hommes sont représentés en train de décharger sur le visage, les seins ou les fesses de leur victime — c’est-à-dire sur les espaces corporels qui sont les signifiants de la féminité — on peut dire que l’éjaculation dégrade métaphoriquement la féminité. »
Bien entendu, ce point de vue n’est pas partagé par toutes les femmes, ni par toutes les féministes. Toutefois, ça n’a pas empêché le récit général d’aller dans une certaine direction, à savoir : « les féministes pensent probablement que les cumshots sont dégradants, mais les mecs doivent forcément kiffer ça. » À première vue, les habitudes de consommation du porno semblent confirmer cette idée. Une étude réalisée en 2021 a révélé que 24% des vidéos les plus regardées sur Pornhub comportaient une éjaculation masculine sur le visage d’une femme. Il semble donc que la prolifération des cumshots dans la pornographie répond simplement à une demande masculine.
Or cette étude révèle que ce n’est pas le cas. Interrogés sur leurs préférences, un échantillon représentatif d’hommes et de femmes, hétéro ou non, ont dénoncé la pratique du cumshot – pas uniquement les féministes anti-porno, donc. Shor rapporte que la plupart des personnes interrogées ne s’en soucient pas ou n’ont pas émis de préférence (27%), voire préfèrent que les hommes éjaculent à l’intérieur du vagin de la performeuse (38% de toutes les personnes interrogées et 48% des femmes de l’échantillon). Seuls 9% environ ont déclaré préférer voir une femme se faire éjaculer sur le visage.
Pour quelques personnes interrogées, en particulier des hommes hétérosexuels, il s’agit moins d’une question de goût que d’une question de timing. Liam, un Canadien hétérosexuel de 25 ans, a déclaré lors de l’étude : « Je ne suis pas le genre à regarder jusqu’à la fin, donc je n’ai pas de préférence ». Ivan, 22 ans, étudiant russe hétérosexuel, a tenu des propos similaires : « J’arrive jamais jusque-là, donc je m’en fous ». D’autres ont des opinions plus tranchées sur l’endroit où le type doit décharger. Christine, 19 ans, étudiante bisexuelle française, a déclaré qu’elle préférait l’éjaculation vaginale, « là où je ne la vois pas ». Pour Julian, un Canadien homosexuel de 20 ans, les artistes masculins devraient éjaculer « sur leur propre corps ; juste, gardez ça pour vous ».
Je ne vais pas sauter sur une table et proclamer que cet échantillon de quelques centaines d’individus est la preuve irréfutable que personne n’aime les cumshots, mais il semble justifier l’idée qu’une grande partie du porno se résume à la vie sexuelle d’un garçon de 13 ans qui viendrait d’apprendre tout ce qu’il peut faire avec son zgeg. Jizz ! Boum ! Du sperme ! Du sperme ! Trop chouette ! Maintenant, ferme l’onglet, retourne à ton devoir de maths et ne pense surtout pas à la fille qui est en train de se laver le visage dans le lavabo de la salle de bain. Ou bien c’est juste moi qui suis de la vieille école ?
« Je suis anti-cumshots, je les trouve un peu dégoûtants », déclare Bethany, 28 ans, dont le nom a été modifié pour des raisons de confidentialité, comme d’autres personnes dans cet article. Fiona, 29 ans, va dans le même sens. « Je pense que c’est dégueulasse et je ne veux pas de ça sur mon visage, merci mais non merci. » Et les femmes ne sont pas les seules à partager ces sentiments. « C’est un manque de respect », affirme clairement David, 31 ans. D’autres émettent des critiques plus pratiques. « C’est une contrainte, dit Tom, 34 ans. C’est pas juste d’obliger les femmes à se laver le visage. »
Fiona est d’avis que l’expression « cumshots are hot » est un « mensonge répandu par les hommes », né tout au plus d’une nécessité cinématographique. « Il s’agit plutôt d’un moyen pour montrer visuellement la conclusion dramatique d’un récit pornographique », suggère-t-elle.
Ça nous ramène au cœur du problème, car le fait que vous aimiez ou détestiez les cumshots dans votre propre lit n’est pas très important dans le grand schéma des choses (après tout, vous faites ce que vous voulez chez vous). Ce qui est intéressant, c’est de savoir pourquoi le porno donne l’impression que le sexe doit se terminer par, eh bien, un final façon cumshot.
« La prévalence des cumshots dans la pornographie grand public soulève une question intrigante », explique à VICE Eldin Hasa, neuroscientifique et expert en comportement humain. « Si seule une minorité de spectateurs exprime une préférence pour cet acte, pourquoi ces éjaculations sont-elles si courantes dans l’industrie ? »
L’une des explications possibles, selon lui, est que l’industrie porno « répond à certaines notions préconçues de ce qui est attendu, en perpétuant l’idée que l’éjaculation masculine sur le visage ou dans la bouche d’une femme est un élément standard des rapports sexuels ».
C’est un cercle vicieux, ajoute-t-il. « La prévalence des cumshots dans les vidéos pornos a le potentiel de façonner les perceptions et les attentes des spectateurs concernant les rapports sexuels réels, déclare Hasa. D’un point de vue de l’éducation sexuelle, il est essentiel d’évaluer de manière critique la représentation des actes sexuels dans la pornographie et de rectifier toute désinformation ou attente irréaliste qu’elle pourrait véhiculer. »
Selon l’éducatrice sexuelle Emilie Lavinia, le véritable problème réside dans le fonctionnement des sites pornographiques gratuits. « La pornographie sur les sites de tubes suit des schémas algorithmiques, explique-t-elle, donc plus vous voyez quelque chose, plus vous y serez exposé. C’est pourquoi une page d’accueil sur un site gratuit qui propose des vidéos de cumshots générera plus de clics et augmentera la demande pour ce type de vidéos. » Mais d’après elle, il s’agit d’une « fausse économie ». Lavinia revient à l’étude récente pour étayer son argument. « L’étude montre que si le groupe démographique de l’échantillon ne cherche généralement pas ce type de contenu érotique, il lui est quand même proposé sur les sites pornographiques gratuits. »
« Un aspect crucial de toute cette discussion est de savoir si l’éjaculation masculine peut être jouée et filmée d’une manière qui ne serait pas considérée comme dégradante pour les femmes », déclare Hasa. Pour Lavinia, cela dépend de l’intention et du langage de la scène. « Si la scène se veut humiliante et que le sperme est présenté comme étant sale, vous pourriez supposer que la personne qui reçoit ce cumshot est censée en être humiliée », dit-elle. En revanche, si le destinataire est consentant et semble excité par la perspective, « il s’agit probablement d’un scénario beaucoup moins dégradant ».
Mais évidemment, le porno est une mise en scène. « Une grande partie du problème de compréhension de l’intention réside dans le fait de ne pas savoir d’où provient le porno que vous regardez et de n’avoir aucune idée du bien-être des acteur·ices-performeur·ses », explique Lavinia. « C’est pourquoi je maintiens qu’il est préférable de payer pour son porno et de ne pas utiliser les sites gratuits. »
Pour en revenir aux cumshots, il y a d’autres raisons d’être sceptique quant à l’idée que tout éjaculat sur le visage, la poitrine ou la bouche est intrinsèquement dégradant pour les femmes. « Il ne faut pas oublier que ce type de final est également présent dans le porno LGBTQ+ », explique Lavinia. T6X87 se décrit comme « un homme gay qui regarde beaucoup de porno et qui fait aussi du porno » (T6X87 est son nom de scène). « Il y a des raisons pour lesquelles une personne pourrait préférer ne pas recevoir de sperme en elle, explique-t-il. La principale étant qu’il y a un risque plus élevé d’attraper une IST si les fluides sont échangés de cette manière. »
Si l’on regarde la pornographie des années 1980 et 1990, pendant la crise du sida, T6X87 souligne que « les acteurs avaient souvent l’air vraiment effrayés par le sperme – il était projeté sur leurs visages et leurs corps et ils gardaient la bouche fermée tout en essayant de ne pas en avoir dans les yeux ». Ça a évidemment beaucoup changé depuis, mais le fait qu’on puisse maintenant filmer des scènes de cumshot sans aucune crainte est encore « assez nouveau et excitant », explique-t-il. « Pour beaucoup d’entre nous, ça revient à célébrer le fait qu’on a atteint un point dans l’épidémie où celles et ceux qui ont la chance d’avoir accès à la PrEP, etc. peuvent désormais avoir des relations sexuelles sans stresser. »
En fin de compte, l’important n’est peut-être pas l’éjaculation elle-même, mais ce que l’on en fait. « Ce qui est misogyne à mon avis, c’est le fait d’être amusé de voir une personne couverte de sperme pour ensuite la qualifier de salope ou de pute parce qu’elle a reçu une décharge », affirme Lavinia, pointant du doigt le langage de « slut-shaming » utilisé dans les titres de référencement, les commentaires et les sites de vidéos en ligne. Finalement, la meilleure chose à faire est de prendre toutes les vidéos pornographiques avec un peu de recul.
« Ce sont les réals qui décident de ce que les gens voient à l’écran et il est important de se rappeler que le groupe qu’ils représentent est très petit par rapport à la taille des audiences, souligne T6X87. Certains peuvent avoir une sorte de vision artistique, mais la plupart du temps, ils font ce qu’ils pensent pouvoir vendre. » En résumé, la prochaine fois que vous matez un film porno, gardez en tête que l’élément le plus déterminant d’un money shot, eh bien c’est l’argent.
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Après quelques secondes d’hésitation, Jérémie l’affirme sans détour : « Si tout était à refaire, je le referais. » Surprise. Aucun regret ne pèse sur les épaules de ce cinquantenaire pourtant « revenu des enfers », après s’être arraché, depuis deux ans maintenant, aux griffes d’une « spirale autodestructrice ». Celle de longues années passées à frayer dans le milieu gay du chemsex, associé au barebacking – une pratique traduisible par « chevaucher à cru », qui vise à se passer sciemment de préservatif. Au souvenir de ses soirées partouze, et depuis le siège qu’il occupe derrière son écran d’ordinateur, ce chef de structure évoque des « nuits mortifères ». À cause d’une consommation intensive de drogues, oui. Mais aussi de la « fétichisation » du risque de transmission du VIH dont il était porteur. « Dans notre microcosme, on parlait de “plombage” », précise le Montpelliérain.
Un levier érotique a minima contre-intuitif, par le biais duquel des séro-divergents entretiennent un rapport impliquant un négatif (neg, dans le jargon) souhaitant être contaminé par son partenaire positif (poz). Inquantifiable tant il est ultra marginal – et tabou –, ce fantasme avait été révélé au grand public au gré d’expositions médiatiques retentissantes, comme en 2003 avec un article du Rolling Stones. Décrié comme sensationnaliste et mensonger – le journaliste impliqué rapportait que 25% des nouvelles infections chez les personnes gays étaient intentionnelles, selon un docteur ayant, post-publication, démenti ce chiffre choc –, le papier avait provoqué une avalanche de réactions, certain·es affirmant que le « plombage » n’était qu’une légende urbaine, tandis que les voix les plus conservatrices saisissaient l’opportunité de brosser, pour la énième fois, le tableau infamant d’une communauté aux mœurs aussi perverses que débridées, bien responsable, au fond, du fléau du sida qui l’avait si durement frappée. Une lecture homophobe au regard de Jérémie, pour qui le « plombage » représentait avant tout un moyen précieux – vital, même – de « reprendre la main » sur le virus qui l’habitait. En mettant en scène sa transmission lors de moments de « partage » qui, aussi « morbides » furent-ils à ses yeux, ouvraient l’horizon d’une « communion fraternelle ».
Avant d’endosser son rôle assumé de « plombeur », il a d’abord fallu que Jérémie encaisse le séisme du diagnostic. « J’ai appris la nouvelle en 1999, à 27 ans », se remémore-t-il. Avant de contextualiser : « Lorsqu’on passe son temps à courir les saunas, les lieux de cul, on sait que quelque chose peut tomber. » Pour faire face, celui qui bosse alors dans les médias se souvient de sa jeunesse, passée au chevet d’une mère atteinte d’un cancer. « Je me suis dit qu’il ne s’agissait “que” du VIH, et qu’il fallait le voir comme une maladie chronique, rien de plus. » Résilient, Jérémie débute sa trithérapie, un traitement apparu en 1996, dont les antirétroviraux réduisent la charge virale du virus, pour l’empêcher d’évoluer vers sa phase terminale, le sida. Grâce à ces avancées médicales, l’espérance de vie des personnes touchées avoisine celle des séronégatifs. Chaque jour, Jérémie gobe les 17 cachets prescrits (pour seulement de deux à cinq de nos jours), puis consigne dans son journal intime l’affre de sa cohabitation avec celui qu’il baptise « l’Intrus ». « C’était un étranger indésirable. Mais il était là, tout proche ; on était condamnés à la cohabitation. Alors je suis devenu machiavélique avec lui. » Pour ne plus être simplement victime de sa séropositivité, Jérémie transforme son virus en support érotique : il fantasme de le transmettre.
Cette idée, obsédante, le pousse à poser son premier pied dans les plans « bareback ». Une pratique à risque qui, selon les sociologues Daniel Welzer-Lang et Jean-Yves Le Tallec, cités dans le Journal du sida, « existe sans doute depuis le début de l’épidémie de VIH/sida » – soit l’orée des années 1980 –, puis se serait cultivée de manière confidentielle, avant d’être visibilisée par l’avènement d’internet et la floraison de sites dédiés qui l’ont accompagné. De fait, il suffit de pitonner « bareback rencontre » sur Google pour tomber sur une flopée d’entre eux. Sur un site gratuit dédié aux plans cul, un internaute affiche être en quête d’hommes « bien chargés viralement » pour accomplir sa « séroconversion », et côté Grindr des utilisateurs spécifiant vouloir « être plombé » se manifestent aussi ouvertement – bref, il n’y a pas à creuser bien loin. Afin de rencontrer ces profils, Jérémie navigue entre Bbackzone et Recon, puis se familiarise avec une terminologie propre : d’un côté les gift givers, prêts à « offrir » leurs IST, et de l’autre les bugs chasers, qui les « chassent ». Mais dans quel but, au juste ?
La question se pose spontanément, tant cette course à l’infection paraît déroutante. Surtout lorsqu’elle concerne le VIH – un virus à la prise en charge médicale parfois exorbitante, et dont l’exposition était criminalisée dans 92 pays en 2020 selon l’ONUSIDA. Sans même parler des 142 décès qui y étaient liés dans l’Hexagone en 2021, pour 630 000 à l’échelle mondiale l’année suivante, d’après les chiffres de Sida Info Service. Alors : pourquoi ? Croisé sur le forum fétichiste Fetlife, Joyboy831 explique adhérer au barebacking – lors de rapports hétéros – par « goût du risque de faire tomber une partenaire enceinte, et de contracter une maladie ». Voilà deux ans que ce quarantenaire cherche à contracter le VIH auprès de femmes séropos afin « de ne plus flipper de l’attraper plus tard » – et surtout de « recevoir », à l’intérieur de lui, « une bombe ». Un vocable de la dévastation dans lequel se reconnaît Jérémie : « Chacun emploie les mots qu’il veut, mais dans le milieu, on a tous l’autodestruction en tête. » C’est cette même « pulsion de mort » qui avait poussé notre interlocuteur à faire un bond vertigineux dans le chemsex.
Au fil des ans, celui qui admet, d’un ton placide et avec son franc-parler caractéristique, s’être toujours « sévèrement emmerdé » dans un « coït classique », multiplie les expériences. Exhibitionnisme, BDSM, abattage… et fisting. Dans ce milieu « aux codes identitaires propres » où la consommation de drogues de synthèse est « monnaie courante », Jérémie s’essaye à la « décharge d’excitation et de désinhibition » qu’est la cathinone. D’abord par voie orale puis, dès 2010, en slam – c’est-à-dire par injection intraveineuse – lors de sex parties. « C’étaient des fêtes qui pouvaient s’étaler sur trois jours, dans des appartements privés. Avec de la musique, des pornos projetés sur les murs, de l’alcool », rejoue-t-il, l’air lointain. Dans l’intimité de ces soirées, on s’échange les sextoys, on utilise les seringues usagées d’inconnus, on enchaîne les sessions de fist sans protection – parfois jusqu’à se faire saigner intentionnellement, pour favoriser la circulation des IST, auprès de partenaires qui ne sont pas sous PReP, un traitement destiné aux séronégatifs, empêchant la contraction du VIH.
Afin d’expliquer l’attraction aphrodisiaque de ces prises de risque Gwen Ecalle, sexologue et présidente de l’association Les Sexosophes, avance plusieurs hypothèses. « Le slam en lui-même peut porter une charge érotique, avec la ritualisation de la préparation des seringues, puis l’injection », avance-t-elle. Une approche « quasi cérémonielle » dont elle atteste l’existence, aussi, dans les rangs du libertinage. « Qu’il s’agisse de cet écosystème-ci, ou des pratiques extrêmes gays, on peut aussi supposer une fétichisation des liquides. » D’un côté, le sang renverrait « au kink du vampirisme ou au fantasme, très ancré dans l’enfance, de devenir “frères de sang”. » Et d’autre part, l’absence de préservatif laisserait libre cours à « une circulation des fluides, pour léguer une trace de soi en l’autre, par-delà le rapport sexuel ». Avec comme perspective, éventuellement teintée BDSM, « d’apposer sa marque dans la chair d’un partenaire ». En allant, parfois, jusqu’à la transmission de virus.
De manière plus générale, notre experte rappelle aussi cet adage, bien connu, selon lequel « l’érotisme se nourrit des interdits ». Dans le cas du « plombage », il y a violation du principe de prévention – en l’occurrence strictement symbolique, puisqu’en France, aucune loi ne punit la transmission volontaire du VIH si l’acte est librement consenti. « Bug chasers comme gift givers décuplent leur plaisir lorsqu’ils se jouent des frontières entre le permis et le répréhensible, et entre la vie et la mort, en s’autorisant, dans un geste de liberté individuelle, à faire ce qu’ils ne “devraient pas” », résume Gwen. Ce qui fournit aussi l’occasion, pour les concernés homosexuels, de se « réapproprier » un narratif partagé. « Érotiser le VIH, c’est aussi refuser cette image, très ancrée dans l’imaginaire commun, d’une personne séropositive mourant du sida dans la honte et la solitude. » En lui substituant « des scénarios fantasmagoriques vecteurs de plaisirs et de partage qui soudent, plutôt qu’ils n’isolent. »
« Il y avait toujours quelque chose de l’ordre de la communion, dans mon rapport au “plombage”. Comme si on se tressait une promesse : “Mon frère, je suis prêt à te rejoindre, jusque dans la maladie.” », abonde Jérémie. De sorte que les relations qu’il cultive avec les bug chasers n’ont rien de « one shot superficiels ». « On était unis par le sexe, et le sexe seul. Ce qui n’empêchait pas de nouer des rapports étroits. Avec de longues discussions autour des infections de chacun, de profonds échanges de regards, une sensualité au moment des rapports… Toute une poésie. » Née d’un penchant romantique ? « Un romantisme très noir, oui – enfin c’était mon approche. À mes yeux, rien n’était plus beau que de partager l’intimité d’un échange de virus. »
Si la transmission de son VIH relevait plus du fantasme qu’autre chose et qu’il ne pouvait pas en être certain lors de ses premiers « plans bareback », Jérémie le sait désormais : il n’a « sans doute jamais “plombé” qui que ce soit ». Tout simplement parce que sa trithérapie a un effet préventif, nommé TasP (Treatment as Prevention). « Depuis 2008, et avec un point définitif à la question découlant de l’étude PARTNER dont les résultats sont sortis entre 2016 et 2018, nous savons de source scientifique qu’il n’existe aucun risque de transmission du VIH à partir d’une personne séropositive traitée », pose Michel Ohayon, directeur médical du 190, un centre de sexualité inclusif basé sur Paris. Conséquence de quoi, aux yeux de notre spécialiste, le fantasme du « plombage », « relativement fréquent jusqu’au milieu des années 2000 », est devenu caduc. Au sens où « les gens qui l’évoquent ne le réalisent pas dans les faits ». « Très anecdotique » selon l’expert, le phénomène est aussi parfois taxé de sérophobie dans les cercles qui militent contre la désinformation autour du VIH, dans la mesure, notamment, où le mot « plombage » renverrait à un diagnostic de mort qui n’a plus lieu d’être.
« À mon sens, le fantasme du “plombage” est peut-être à prendre comme un rite de passage, vers une communauté séropositive stigmatisée, et dont le passé traumatique a marqué l’histoire gay », réagit Jérémie, que deux décennies de sexualité « extrême » ont poussé au bord du précipice. « En tant que gift giver, on est toujours aussi bug chaser, puisqu’il est avant tout question de partage. Cette réversibilité des rôles m’a coûté cher : en sex party, mon dernier échange de seringues s’est soldé par la contraction de l’hépatite C. » Une infection douloureuse, qui pousse son mari, inquiet, à le menacer « pour la vingt-cinquième fois » d’un divorce, s’il ne décroche pas. Dos au mur, Jérémie dresse alors un bilan cru. « Je n’avais plus de relations sociales, j’avais connu la brûlure de l’addiction. Mon corps était ruiné, je l’avais violé – donné à violer. Après tant d’années à avoir, plus ou moins consciemment, chercher à élire ma mort, j’ai compris que ma dernière seringue serait la dernière. Et l’instinct de survie a repris le dessus. »
Encore affaibli, il contacte son addictologue pour amorcer un sevrage. Et après trois semaines d’hospitalisation, débute une lente reconstruction grâce au sport, et aux thérapies EMDR. Jérémie reprend peu à peu goût aux choses – la sexualité mise à part. « C’est pas que j’ai fait une croix dessus, mais elle n’est jamais revenue. Et je sais qu’y retourner impliquerait ou bien de me contenter d’une sexualité fade, ou bien de replonger dans mes vieux démons. Aucune des deux options ne me tente », expédie-t-il, l’œil assagi et l’allure gaillarde. Sans regard en arrière, Jérémie fait ses adieux à un passé pour lequel il n’a « pas de regret ». « J’aurais pu avoir la chance de m’épanouir dans une sexualité classique, mais ça n’a pas été le cas. Alors j’ai vécu ce que j’avais besoin de vivre, c’est tout. »
« Pas mal sous l’eau » à la tête de la structure qu’il pilote désormais, Jérémie s’investit aussi dans la prévention autour du chemsex en participant à des podcasts, et des congrès. L’un des plaisirs les plus savoureux de cette nouvelle vie, délestée des hantises d’autrefois ? « Enlacer mon mari en rentrant le soir, simplement ». À croire que le romantisme redéploie ses ailes – mais sous d’autres ciels.
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