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Reçu aujourd’hui — 16 octobre 2025

Machines à cartes au Poker - Quand le système anti-triche permet de tricher

Par :Korben
16 octobre 2025 à 10:12

Vous connaissez peut-être ces machines à mélanger les cartes qu’on trouve dans tous les casinos américains ?

Moi je ne savais même pas que ça existait, mais apparemment, le Deckmate 2, fabriqué par Shufflemaster (devenu depuis Light and Wonder), c’est la Rolls des shufflers. Un shuffler c’est pas un légume dégeu, c’est un mélangeur de cartes et on en trouve notamment au World Series of Poker (La biz à Patrick Bruel ^^), et dans tous les grands poker rooms de Vegas.

Cela permet d’automatiser le mélange pour accélérer le jeu et surtout éviter que ceux qui distribuent les cartes (les dealers) trichent avec de faux mélanges. La machine a même une caméra intégrée qui scanne chaque carte pour détecter si quelqu’un essaie de retirer un as ou d’ajouter un sept de pique.

En septembre 2022, il y a eu un scandale qui a secoué le monde du poker. Au Hustler Casino Live de Los Angeles, une joueuse relativement débutante, Robbi Jade Lew, gagne un pot de 269 000 dollars avec un call complètement fou. Elle avait valet-quatre dépareillés (un truc nul), et son adversaire Garrett Adelstein bluffait avec huit-sept. Techniquement, son call était correct, mais aucun joueur sensé n’aurait misé 109 000 dollars sur une main pareille sans savoir que l’adversaire bluffait… Le casino a donc lancé une enquête et conclu que le shuffler ne pouvait pas être compromis.

Mais même si ce n’était pas le cas pour cette affaire, est ce que c’est vrai ? Est ce qu’un Deckmate 2 peut être hacké ? Pour le chercheur en sécurité, Joseph Tartaro, ça s’est présenté comme un nouveau défi personnel !

Il a donc acheté un Deckmate 2 d’occasion avec deux collègues et a passé des mois à le démonter… pour finalement trouver quelques trucs intéressants, vous allez voir.

Il a découvert que la machine a un port USB accessible sous la table, là où les joueurs posent les genoux. Tartaro a donc créé un mini-ordinateur de la taille d’une clé USB qui, une fois branché, réécrit le firmware de la machine. La seule sécurité qu’il y a, c’est au démarrage, quand la machine vérifie que le code n’a pas changé en comparant son empreinte à une valeur connue.

C’est une simple comparaison de hash et le problème est que Tartaro peut modifier cette valeur de référence aussi… Du coup, le système de vérification contrôle que le code piraté correspond au hash piraté. C’est ballot ^^. Et une fois le firmware modifié, la machine continue à fonctionner normalement sauf qu’elle transmet maintenant l’ordre exact des 52 cartes via Bluetooth vers une app smartphone. Et comme la caméra interne de ce Deckmate 2 scanne déjà toutes les cartes pour détecter les fraudes, il suffit d’exploiter cette fonctionnalité.

Un journaliste de Wired a décidé de mettre ça en pratique dans des conditions réelles et vous allez voir, c’est sympa à voir.

Le truc génial, c’est que même si le dealer coupe le paquet (ce qui est obligatoire), l’app peut recalculer l’ordre final. Il suffit alors de regarder ses deux premières cartes et de les entrer dans l’app pour qu’elle déduise où le paquet a été coupé. À partir de là, vous connaissez toutes les mains de tous les joueurs et les cartes communes qui vont sortir.

Quand Tartaro a présenté ses résultats à Black Hat en 2023, Light and Wonder a réagi en disant que le hack était “non réaliste en conditions de casino”. Puis en 2024, la boîte a affirmé avoir patché le firmware de “virtuellement tous les shufflers” dans le monde.

Mais Tartaro reste quand même sceptique car les machines n’ont pas de connexion internet. Un technicien doit physiquement mettre à jour chaque appareil et même si le port USB est désactivé, le port Ethernet reste exploitable. Et si l’un de ces techniciens de maintenance décide de pirater la machine, aucun patch ne pourra l’en empêcher…

Bref, encore une fois, plus c’est complexe, plus c’est vulnérable.

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