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Reçu aujourd’hui — 11 juin 2025LinuxFr.org : les dépêches

20 ans de Fedora-fr : huitième entretien avec Jean-Baptiste mainteneur de la traduction française

Dans le cadre des 20 ans de Fedora-fr (et du Projet Fedora en lui-même), Charles-Antoine Couret (Renault) et Nicolas Berrehouc (Nicosss) avons souhaité poser des questions à des contributeurs francophones du Projet Fedora et de Fedora-fr.

Grâce à la diversité des profils, cela permet de voir le fonctionnement du Projet Fedora sous différents angles pour voir le projet au-delà de la distribution mais aussi comment il est organisé et conçu. Notons que sur certains points, certaines remarques restent d’application pour d’autres distributions.

N’oublions pas que le Projet Fedora reste un projet mondial et un travail d’équipe ce que ces entretiens ne permettent pas forcément de refléter. Mais la communauté francophone a de la chance d’avoir suffisamment de contributeurs et des contributrices de qualité pour permettre d’avoir un aperçu de beaucoup de sous projets de la distribution.

Chaque semaine un nouvel entretien sera publié sur le forum Fedora-fr.org, LinuxFr.org et le blog de Renault.

L’entretien du jour concerne Jean-Baptiste Holcroft, un des mainteneurs de la traduction française de Fedora.

    Sommaire

    Bonjour Jean-Baptiste, peux-tu présenter brièvement tes contributions au projet Fedora ?

    Gêné par des traductions partielles de logiciels que je trouve super, j’ai aidé d’abords en signalant des problèmes, puis en traduisant, et ne voyant pas les traductions arriver, à fluidifier le processus de traduction.

    Ayant compris le fonctionnement, grâce à la communauté, j’ai voulu aider cette communauté à être plus efficace, en migrant sur la très bonne plateforme de traduction Weblate, en permettant la traduction de la totalité de la documentation de Fedora (on parle ici de 3,5 millions de mots, de milliers de pages).

    Transifex, la plateforme précédente, ne permettait pas un travail collectif efficace (entre les traducteurices et entre traducteurices-projets de développement).

    Avec l’expérience, j’ai constaté que la communauté du logiciel libre propose une expérience désastreuse pour les traducteurs, le coût de traduction vs l’effort nécessaire pour traduire tout un système d’exploitation est monstrueux, j’ai maintenant voulu rendre cela perceptible et accessible à tous (ce site est moche, sa valeur est la mesure de traduction transverse).

    Qu’est-ce qui fait que tu es venu sur Fedora et que tu y es resté ?

    Ses valeurs en tant que communauté m’ont intéressées.

    Fedora accueille les contributeurs, leur permet de gagner en responsabilité, de financer des initiatives et de grandir en tant que personne. Si mon implication varie dans le temps, ce n’est qu’une question de temps disponible.

    Pourquoi contribuer à Fedora en particulier ?

    La ligne est claire, au plus proche des créateurs de logiciels libre, en collaboration, que du logiciel libre et très fiable.
    C’est une mentalité que je trouve excellente et dans laquelle je me sens à l’aise.

    Contribues-tu à d’autres Logiciels Libres ? Si oui, lesquels et comment ?

    J’ai contribué pendant quelque temps au projet YunoHost sur les thèmes de la traduction, de l’internationalisation et de l’empaquetage de logiciels.
    Ce projet est mature et autonome sur ces deux sujets, ayant moins de temps, j’ai arrêté d’y contribuer.
    Je continue à l’utiliser au quotidien, car je le considère aussi stable que Fedora pour gérer mon serveur personnel avec mes courriels, mes fichiers, mes contacts, etc.
    Aujourd’hui, je m’intéresse plutôt à notre efficacité collective plutôt qu’un projet en particulier.

    Est-ce que tes contributions à Fedora sont un atout direct ou indirect dans ta vie professionnelle ? Si oui, de quelle façon ?

    Toute la culture technique gagnée en lisant l’actualité des projets, en contribuant via des rapports de bugs, des traductions, des développements m’ont aidé pour obtenir mon emploi actuel, et pour mon travail au quotidien.

    Le logiciel libre et le fait d’y contribuer, même modestement est un lien réel, concret et palpable, très loin de l’informatique fantasmée qui ne fait le bonheur que du porte-monnaie et du pouvoir des puissants.

    Dans le travail, qu’il soit lucratif, amical ou militant, je veux du concret qui nous aide à avancer, et c’est une valeur très forte du logiciel libre.

    Tu as maintenu la traduction française de Fedora pendant des années, peux-tu nous expliquer l’importance de la traduction et même de l’internationalisation dans ce genre de projets ?

    Le logiciel libre est un outil de lutte contre l’appropriation des communs par une minorité.
    Si on veut qu’il soit un outil d’émancipation des masses, on veut réduire les barrières à l’utilisation, tout en respectant les singularités de ses utilisateurs et utilisatrices.
    Un utilisateur de logiciel ne devrait pas avoir à apprendre une nouvelle langue pour utiliser un outil émancipateur et respectueux, d’où l’intérêt de ces activités.

    Traduire un logiciel est une activité complexe, quelles sont les difficultés rencontrées lors de cette activité ?

    Traduire est la partie facile, ça consomme très peu de temps, ce qui est compliqué c’est :

    • savoir où traduire - trouver quel logiciel affiche la chaîne, trouver où il est hébergé, comprendre quelle version est à traduire, etc
    • demander de pouvoir traduire un logiciel - tout n’est pas traduisible, notre pouvoir pour faire évoluer ça en tant que traducteurice est faible
    • comprendre comment traduire - l’idéal c’est Weblate directement lié au dépôt de logiciel du dépôt, le pire c’est l’ouverture de Pull Request
    • maintenir les traductions dans le temps - pour chaque projet

    Tu as participé à la migration de la plateforme de traduction Zanata vers Weblate, peux-tu revenir sur cette tâche et les motivations derrière cette décision ?

    Weblate est un outil de traduction performant, qui facilite la vie des créateurices de logiciels et des traducteurices. Cet outil est proche du dépôt de code source et permet beaucoup d’autonomie aux traducteurices pour s’organiser comme iels le souhaitent, tracer les modifications, être notifiés, etc.

    Zanata, ben c’était un objet OK pour traduire, mais c’est tout, tout le reste était déficient.
    À titre d’illustration, pour savoir si une traduction a été modifiée, je devais aller regarder sur chaque phrase l’historique des modifications.
    Sur Weblate, l’historique est transparent et efficace, et permet de filtrer par langue, projet, composants et type de changements. Voici par exemple l'historique des changements de traduction en français sur tous les projets.
    Quand Weblate est arrivé, j’ai activement démontré la pertinence de ce projet et poussé le sujet pour que nous soyons plus efficaces.

    Tu as également participé à obtenir des statistiques de traduction au sein du projet Fedora, quel intérêt à cela et comment cela a été mis en œuvre ?

    C’est un sujet génial, mais c’est légèrement compliqué, voici une simplification :
    Une distribution Linux, c’est l’assemblage de milliers de logiciels, des lignes de code contenues dans les paquets.
    Chaque paquet est disponible au téléchargement sur des miroirs, on y retrouve même les paquets d’il y a plusieurs années (j’arrive à exploiter les données jusqu’à Fedora 7 sortie en mai 2007).

    En suivant de près le fonctionnement de Weblate, je me suis rendu compte que le créateur de Weblate a créé des petits outils pour : avoir des listes de tous les codes de langues connus, et d’auto-détection des fichiers de traduction.

    La mécanique va donc :

    • télécharger chaque paquet existant dans Fedora
    • en extraire le code source
    • lancer l’auto-détection des fichiers de traduction
    • calculer pour chaque fichier le pourcentage d’avancement
    • agréger les résultats par langue grâce aux codes connus
    • puis générer un site web pour afficher les résultats

    Avec mon ordinateur, cela m’a pris plus de dix jours de calcul en continu, et le téléchargement de 2 To de données pour réussir à avoir une vue sur plus de 15 ans de la distribution Fedora. Je n’ai malheureusement pas encore eu le temps d’en faire une rétrospective pertinente dans le cadre d’une conférence, faute de temps pour analyser les données. Pour l’instant, la seule partie visible est le site https://languages.fedoraproject.org. J’espère avancer sur ce sujet pour la rencontre annuelle 2025 du projet Fedora et le FOSDEM 2026.

    La traduction est une activité spécifique pour chaque langue mais tout le monde a des problèmes communs vis-à-vis de l’outillage ou des situations complexes, y a-t-il des collaborations entre les différentes équipes de traduction dans Fedora ?

    D’une façon générale, résoudre un problème pour une langue résous systématiquement un problème pour une autre langue.
    Les traducteurs et traductrices se soutiennent beaucoup notamment pour ces raisons, soutenez-les vous aussi !

    L’absence de centralisation dans cette activité rend la cohérence des traductions dans l’ensemble des logiciels libres très complexe. Peux-tu nous expliquer ces difficultés ? Est-ce qu’il y a une volonté francophone notamment d’essayer de résoudre le problème en collaborant d’une certaine façon sur ces problématiques ?

    Un logiciel est une création, sa communauté peut être plus ou moins inclusive et pointue sur certaines traductions.
    La cohérence vient avec les usages et évolue comme la langue de façon progressive et délocalisée.
    On pourrait imaginer proposer des outils, mais si c’est un sujet très important, ce n’est pour l’instant pas mon combat.
    Je vois ça comme un problème de privilégié, car spécifique aux langues ayant suffisamment de traduction, alors que la quasi-totalité des langues en ont très peu et sont incapables de tenir le rythme exigé par l’évolution de nos logiciels libres.

    Je voudrais d’abord démontrer et faire acter à la communauté du logiciel libre qu’il y a urgence à améliorer notre efficacité avec des changements de processus et de l’outillage. Cet outillage pourrait sûrement permettre d’améliorer la cohérence.

    Fedora n’est sans doute pas le projet le plus avancé sur la question de l’internationalisation malgré ses progrès au fil des ans, qu’est-ce que le projet Fedora pourrait faire à ce sujet pour améliorer la situation ?

    Si on veut faciliter la vie des traducteurices, il faudrait envisager de permettre de traduire à l’échelle de Fedora, de façon distincte des traductions de chaque projet, comme le fait Ubuntu.
    Le problème, c’est qu’Ubuntu utilise des outils médiocres (Launchpad) et n’a pas de moyen automatisé pour renvoyer ce travail aux créateurs de logiciels.
    Fedora pourrait innover sur ce sujet, et réussir à faire les deux avec une bonne plateforme de traduction (Weblate) et beaucoup d’outillage pour partager ce travail avec les différentes communautés, les utilisateurices y gagneraient en confort, les traducteurices en efficacité et les projets en contributions.

    Quelque chose à ajouter ?

    Un grand merci à la communauté francophone de Fedora, à la communauté Fedora et à l’ensemble des communautés qui collaborent tous les jours pour nous permettre d’avoir des outils émancipateurs et qui nous respectent. Le travail réalisé au quotidien est exceptionnellement utile et précieux, merci, merci et merci.

    Gardons à l’esprit que le logiciel n’est qu’un outil au service d’autres luttes dans lesquelles nous devons prendre notre part.

    Merci Jean-Baptiste pour ta contribution !

    Conclusion

    Nous espérons que cet entretien vous a permis d’en découvrir un peu plus sur la traduction de Fedora.

    Si vous avez des questions ou que vous souhaitez participer au Projet Fedora ou Fedora-fr, ou simplement l’utiliser et l’installer sur votre machine, n’hésitez pas à en discuter avec nous en commentaire ou sur le forum Fedora-fr.

    À dans 10 jours pour un entretien avec Nicolas Berrehouc, contributeur de Fedora-fr et mainteneur de sa documentation.

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    🏆 Meilleures contributions LinuxFr.org : les primées de mai 2025

    11 juin 2025 à 08:17

    Nous continuons sur notre lancée de récompenser celles et ceux qui chaque mois contribuent au site LinuxFr.org (dépêches, commentaires, logo, journaux, correctifs, etc.). Vous n’êtes pas sans risquer de gagner un livre des éditions Eyrolles, ENI et D-Booker. Voici les gagnants du mois de mai 2025 :

    Les livres gagnés sont détaillés en seconde partie de la dépêche. N’oubliez pas de contribuer, LinuxFr.org vit pour vous et par vous !

    Les livres 📚 sélectionnés

    Bandeau LinuxFr.org

    Certaines personnes n’ont pas pu être jointes ou n’ont pas répondu. Les lots ont été réattribués automatiquement. N’oubliez pas de mettre une adresse de courriel valable dans votre compte ou lors de la proposition d’une dépêche. En effet, c’est notre seul moyen de vous contacter, que ce soit pour les lots ou des questions sur votre dépêche lors de sa modération. Tous nos remerciements aux contributeurs du site ainsi qu’aux éditions Eyrolles, ENI et D-Booker.

    Logo éditions ENI Logo éditions Eyrolles Logo éditions B-BookeR
         

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    Playlist de musiques libres — « Libre à vous ! » du 3 juin 2025 — Podcasts et références

    249e émission « Libre à vous ! » de l’April. Podcast et programme :

    • sujet principal : playlist de musiques libres
    • chronique de Benjamin Bellamy sur « Wikipédia a monté les marches du Festival de Cannes »
    • chronique de Vincent Calame sur « La guerre de l’information » de David Colon (2e partie)

    Rendez‐vous en direct chaque mardi de 15 h 30 à 17 h sur 93,1 MHz en Île‐de‐France. L’émission est diffusée simultanément sur le site Web de la radio Cause Commune. Vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio : pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur : +33 9 72 51 55 46.

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