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20 ans de Fedora-fr : dernier entretien avec Aurélien membre de l'équipe infrastructure de Fedora

Dans le cadre des 20 ans de Fedora-fr (et du Projet Fedora en lui-même), Charles-Antoine Couret (Renault) et Nicolas Berrehouc (Nicosss) avons souhaité poser des questions à des contributeurs francophones du projet Fedora et de Fedora-fr.

Grâce à la diversité des profils, cela permet de voir le fonctionnement du projet Fedora sous différents angles pour voir le projet au-delà de la distribution mais aussi comment il est organisé et conçu. Notons que sur certains points, certaines remarques restent d’application pour d’autres distributions.

N’oublions pas que le projet Fedora reste un projet mondial et un travail d’équipe, ce que ces entretiens ne permettent pas forcément de refléter. Mais la communauté francophone a de la chance d’avoir suffisamment de contributeurs et de contributrices de qualité pour permettre d’avoir un aperçu de beaucoup de sous projets de la distribution.

Chaque semaine un nouvel entretien sera publié sur le forum Fedora-fr.org, LinuxFr.org et le blog de Renault.

L’entretien du jour concerne Aurélien Bompard (pseudo abompard), développeur au sein du projet Fedora et employé Red Hat affecté au projet Fedora en particulier dans l’équipe infrastructure.

    Sommaire

    Bonjour Aurélien, peux-tu présenter brièvement ton parcours ?

    Je m’appelle Aurélien, je suis informaticien, et c’est pendant mon école d’ingé que j’ai découvert le logiciel libre, par le biais d’une association étudiante. J’ai vite accroché et j’ai décidé de travailler autant que possible là-dedans quand j’en suis sorti (en 2003).
    J’ai commencé avec Mandrake Linux à l’époque, alors que KDE venait de sortir en version 2.0 (et le kernel en 2.4). Malgré tous les efforts de Mandrakesoft, ce n’était quand même pas évident de tourner sous Linux à l’époque. J’ai mis 2 semaines à faire fonctionner ma carte son (une SoundBlaster pourtant !), il fallait régler les fréquences de rafraîchissement de l’écran soi-même dans le fichier de conf de XFree86, et je n’avais qu’un seul ordinateur ! (et pas de smartphone, lol). Le dual boot et son partitionnement m’a donné quelques sueurs froides, et tout le temps passé sous Linux était du temps coupé du réseau des élèves. Fallait quand même être un peu motivé :-)
    Mais j’ai tenu bon, et j’ai installé des applications libres sous Windows aussi : Phoenix (maintenant Firefox), StarOffice (maintenant LibreOffice), etc. Parce que ce qui m’a attiré c’est la philosophie du logiciel libre, et pas seulement la technicité de Linux.

    En 2003, j’ai fait mon stage de fin d’études chez Mandrakesoft, mais la société était en redressement judiciaire à l’époque, et ça n’offrait pas des perspectives d’embauche intéressantes.
    Après quelques candidatures j’ai été pris à la fin de l’été 2003 dans une SSII en logiciel libre en tant qu’administrateur système pour installer des serveurs Linux chez des PME.
    Le contrat qui avait donné lieu à mon embauche s’est arrêté prématurément, et la société ayant aussi une activité de développement autour de Zope/CPS, on m’a proposé de me former à Python (version 2.2 à l’époque si je me souviens bien). J’ai accepté et suis devenu développeur. C’est à cette époque que j’ai quitté Mandrake Linux pour passer sur Red Hat 9, en me disant que c’était plus pertinent de monter en compétences dessus pour le travail. À l’époque il y avait une petite communauté de packageurs qui publiait des RPM supplémentaires pour Red Hat 9, autour du domaine fedora.us.
    Début 2004, Red Hat a décidé qu’il y avait trop de confusion entre leurs offres commerciales à destination des entreprises et leur distribution Linux gratuite, et ont décidé de scinder leur distribution en Red Hat Enterprise Linux d’un côté, et une distribution Linux communautaire de l’autre. Ils ont embauché le fondateur de fedora.us, rassemblé les contributeurs et lancé la distribution Fedora Linux.

    La communauté a mis pas mal de temps à se former, et c’était passionnant de voir ça en direct. On avait :

    • les contributeurs qui disaient « regarde on n’a jamais été aussi libres de faire ce qu’on veut, c’est bien mieux qu’avant avec RH9 qui était poussée hors des murs de Red Hat sans qu’on puisse rien y faire » ;
    • les utilisateurs des « autres distribs » (kof kof Debian kof kof) qui disaient « vous êtes exploités par une société, ce sera jamais vraiment communautaire, Red Hat se transforme en Microsoft » ;
    • les commerciaux de Red Hat qui disaient « Fedora c’est une version bêta, c’est pas stable, faut surtout pas l’utiliser en entreprise, achetez plutôt RHEL » ;
    • la communication Red Hat qui disait "Si si c'est communautaire j'vous assure" Si vous ne l'avez pas lue et que vous lisez l'anglais, cette fausse conversation IRC a fait rire jaune beaucoup de monde à l'époque.

    Enfin bref, la communauté a fini par grossir significativement, Fedora Core et Fedora Extras on fusionné, etc. Ma dispo pour contribuer au projet a été assez variable au fil des années, mais j'ai toujours utilisé Fedora.
    En 2012, un poste s'est ouvert chez Red Hat dans l'équipe qui s'occupe de l'infrastructure Fedora, j'ai postulé, et j'ai été pris.

    Peux-tu présenter brièvement tes contributions au projet Fedora ?

    Au début j'empaquetais les logiciels que j'avais à dispo dans Mandrake Linux mais qui n'existaient pas dans Fedora Extras, et tous les logiciels sympas que je voyais passer. J'ai aussi fait beaucoup de revues de fichiers .spec pour leur inclusion dans la distrib.
    Après avoir été embauché par Red Hat, j'ai travaillé sur HyperKitty, le logiciel d'archivage / visualisation de Mailman 3. Puis j'ai travaillé sur plein d'autres trucs au sein de l'équipe Fedora Infra, les dernières étant Fedora Messaging, Noggin/FASJSON et FMN. Je suis aujourd'hui responsable technique côté Fedora dans l'équipe (par opposition au côté CentOS) et je travaille surtout sur les applications en tant que dev, beaucoup moins sur la partie sysadmin.

    Qu'est-ce qui fait que tu es venu sur Fedora et que tu y es resté ?

    J'y suis venu parce que monter en compétences sur une distribution Red Hat me semblait pertinent pour mon métier, en tant que sysadmin Linux.
    J'y suis resté parce que Fedora est pour moi le parfait équilibre entre nouveauté et stabilité, tout en étant très ancré dans la défense du logiciel libre, même au prix de quelques complications (le MP3, les pilotes Nvidia, etc.).

    Pourquoi contribuer à Fedora en particulier ?

    Parce que je l'utilise. Je crois que c'est une constante dans ma vie, c'est rare que je reste uniquement utilisateur/consommateur, je suis souvent amené à contribuer à ce que j'utilise ou aux associations dont je fais partie.

    Contribues-tu à d'autres Logiciels Libres ? Si oui, lesquels et comment ?

    J'ai été amené à développer sur mon temps libre quelques logiciels pour des associations auxquelles je participe, et c'est toujours en logiciel libre. Le dernier en date c'est Speaking List (licence AGPL).

    Est-ce que tes contributions dans Fedora se font entièrement dans le cadre de ton travail ? Si non, pourquoi ?

    Avant non, parce que je packageais des outils que j'utilisais personnellement (Grisbi, Amarok, etc.). Maintenant oui :-)

    Est-ce que être employé Red Hat te donne d'autres droits ou opportunités au sein du projet Fedora ?

    Oui, j'aimerais que ce ne soit pas le cas mais c'est sûr que je suis plus près des prises de décisions, j'ai des accès plus directs aux personnes influentes et aux évolutions. Ce n'est pas un "droit" au sens strict, qui me serait attribué non pas sur la base de mes contributions mais sur celle de mon employeur, heureusement. Mais disons que je baigne toute la journée dedans, je pense que ça ouvre plus d'opportunités que quand j'étais contributeur "externe".

    Tu as été membre de Fedora Infrastructure, peux-tu nous expliquer sur l'importance de cette équipe pour la distribution ? Quels services maintenais-tu ?

    Cette équipe est totalement indispensable. Il y a en permanence des problèmes qui apparaissent dans la distrib, des choses qui tombent en panne, de nouveaux services à intégrer, d'anciennes applis qui ne marchent plus sur les nouvelles distributions ou les nouveaux services et qu'il faut porter, etc.
    J'ai commencé sur Mailman / HyperKitty mais je me suis diversifié depuis, je dirais qu'aujourd'hui je me concentre sur l'aspect applicatif : maintenance de nos applis, portages, adaptations, évolutions, etc. Les dernières applis sur lesquelles j'ai travaillé sont Fedora Messaging, Noggin/IPA (authentification), Datanommer/Datagrepper, FMN (notifications), MirrorManager, et plus récemment Badges.

    Tu as notamment beaucoup contribué à mailman et hypperkitty pour les listes de diffusion du projet. Qu'est-ce que tu as fait ? La migration a-t-elle été difficile ? Quelle importance ont encore les listes de diffusion aujourd'hui au sein du projet Fedora ?

    C'était mon premier travail lorsque j'ai été embauché par Red Hat, oui. J'ai fait le développement de HyperKitty, en suivant les travaux de conception d'interface réalisés par Mo Duffy. J'ai travaillé aussi sur Mailman 3 lui-même quand c'était son développement qui me bloquait pour HyperKitty ou pour le déploiement du tout. J'ai écrit un script de migration qui a pas trop mal marché je pense, quand on prend en compte la longue historique des listes de diffusion du projet. Il fait partie de HyperKitty et va maintenant être utilisé pour la migration des listes de CentOS.

    Le sujet des listes de diffusion a presque toujours été assez conflictuel chez Fedora. Il y a une quinzaine d'années, avant que je sois embauché pour travailler sur HyperKitty, notre communauté était déjà fractionnée entre les contributeurs plutôt réguliers qui utilisaient les listes, et les utilisateurs et contributeurs occasionnels qui étaient plutôt sur des forums web. En effet, utiliser une liste de diffusion est plus engageant qu'un forum, il faut s'y abonner, mettre en place des filtres dans sa messagerie, gérer l'espace de son compte mail en conséquence, c'est impossible de répondre à un message envoyé avant qu'on s'y abonne, on ne peut pas éditer ses messages, etc. Quand on veut juste poser une question rapidement ou répondre rapidement à quelque chose, les forums peuvent être plus pratiques et plus intuitifs. L'utilisation des listes de diffusion peut être intimidant et contre-intuitif : combien de personnes ont envoyé "unsubscribe" à une liste en voulant se désinscrire ?

    La promesse d'HyperKitty était d'offrir une interface de type forum aux listes de diffusion, pour faire le pont entre les deux communautés, et permettre plus facilement la conversion d'utilisateurs en contributeurs tout en permettant aux contributeurs d'être plus facilement confrontés aux problèmes rencontrés par les utilisateurs. Ça n'a pas bien fonctionné, mais c'est un sujet qui reste d'actualité aujourd'hui avec l'intégration de Discourse dans le projet. Je crois que le projet essaie de migrer de plus en plus de processus depuis les listes de diffusion vers Discourse, pour que ça atteigne le maximum d'utilisateurs et de contributeurs.

    Puis également sur le compte unique au sein du projet Fedora (nommé FAS), quelle est l'importance de ce projet et ce que tu y as fait ?

    C'est un projet qu'on a gardé longtemps dans les cartons, peut-être trop longtemps même. L'idée était de remplacer FAS (Fedora Account System), une base de donnée des utilisateurs avec une API maison, par FreeIPA, une intégration de LDAP et Kerberos pour gérer les comptes utilisateurs en entreprise. On utilisait en fait déjà IPA pour la partie Kerberos dans l'infra, mais la base de référence des comptes était FAS. Or, FAS n'était plus maintenu, et sa ré-écriture par un membre de la communauté (un français ! petit clin d'œil à Xavier au passage) prenait un peu trop de temps. FAS tournait sur EL6 et la fin de vie approchait.
    Migrer la base de comptes sur IPA a été assez complexe parce que beaucoup d'applications s'intégraient avec, il a donc fallu tout convertir vers le nouveau système. IPA étant prévu pour des entreprises à la base, il n'y a pas de système d'auto-enregistrement et de gestion avancée de son propre compte. Nous avons donc dû développer cette interface, qui s'appelle Noggin. Nous avons aussi écrit une API REST pour IPA, appelée FASJSON. Enfin, il a fallu personnaliser IPA pour qu'il stocke les données dont nous avions besoin dans l'annuaire LDAP.
    J'ai été développeur et responsable technique sur ce projet, donc je me suis surtout concentré sur la conception et les points d'implémentation délicats.

    Tu fais parti des gros contributeurs du composant Bodhi et même l'infrastructure de la compilation des paquets en général, là encore quel a été ton rôle là dedans et en quoi ces composants sont importants pour le projet ?

    Bodhi est vraiment au cœur du cycle de vie d'un paquet RPM dans Fedora. C'est aussi une des seules applications de l'infra qui soit significativement maintenue par un membre de la communauté qui n'est pas un employé de Red Hat (Mattia). Elle permet de proposer une mise à jour des paquets, s'intègre avec les composants de tests de paquets, et permet de commenter une mise à jour.
    J'ai travaillé dessus de manière sommaire seulement, depuis le départ de Randy (bowlofeggs) qui la maintenait auparavant. J'ai converti le système d'authentification version OIDC, j'ai écrit les tests d'intégration, j'ai travaillé un peu sur l'intégration continue, mais c'est tout.

    Peux-tu expliquer rapidement l'architecture derrière cette mécanique ?

    Et bien, disons qu'en résumé quand un packageur veut proposer une mise à jour, il met à jour son fichier spec dans son dépôt, lance une construction du paquet avec fedpkg dans Koji, et doit ensuite déclarer et donner les détails de sa mise à jour dans Bodhi. C'est là que les tests d'intégration des paquets se déclenchent, et au bout d'un certain temps (ou d'un certain nombre de commentaires positifs) la mise à jour arrive sur les miroirs.

    Tu as aussi beaucoup travaillé sur Fedora-Hubs, peux-tu revenir sur les ambitions de ce projet ? Pourquoi il n'a finalement pas été adopté et concrétisé comme prévu ?

    L'objectif de Fedora Hubs était de centraliser l'information venant de différentes applications Fedora sur une même page, avec une interface qui explique clairement ce que ça veut dire et quelles sont les étapes suivantes. Une sorte de tableau de bord pour contributeur, et pas seulement pour packageur, un peu dans l'esprit de ce que fait aujourd'hui https://packager-dashboard.fedoraproject.org/.
    Malheureusement la proposition a été faite à un moment où il y avait d'autres priorités plus urgentes, et vu que c'était quand même pas mal de boulot on a laissé tomber pour s'occuper du reste.

    Est-ce qu'il y a des collaborations concernant l'infrastructure entre les projets RHEL, CentOS et Fedora ou même d'autres entités externes ?

    Oui, on essaye de partager le maximum ! Le système d'authentification est commun entre CentOS et Fedora, par exemple. On essaie d'échanger sur nos rôles Ansible, sur la surveillance de l'infra, etc.

    Si tu avais la possibilité de changer quelque chose dans la distribution Fedora ou dans sa manière de fonctionner, qu'est-ce que ce serait ?

    J'adorerais qu'il y ait plus de contributeurs qui participent aussi à l'infrastructure, et notamment à nos applications. À vrai dire je cherche en ce moment des moyens de motiver les gens à venir y mettre les mains. C'est super intéressant, et vous pouvez directement affecter la vie des milliers de contributeurs au projet ! Je suis même prêt à mettre de l'énergie là-dedans si besoin, sous forme de présentations, ateliers, questions/réponses, etc. Et je pose donc la question à tout le monde : si Fedora vous intéresse, si le développement vous intéresse, qu'est-ce qui vous freine pour contribuer aux applis de l'infra ?

    À l'inverse, est-ce qu'il y a quelque chose que tu souhaiterais conserver à tout prix dans la distribution ou le projet en lui même ?

    Je crois que c'est notre capacité à innover, à proposer les dernières nouveautés du logiciel libre :-)

    Que penses-tu de la communauté Fedora-fr que ce soit son évolution et sa situation actuelle ? Qu'est-ce que tu améliorerais si tu en avais la possibilité ?

    À vrai dire je n'ai pas suivi de près les évolutions de la communauté française. Mon boulot m'amène à communiquer quasi-exclusivement en anglais, donc j'interagis plus avec la communauté anglophone.

    Quelque chose à ajouter ?

    Non, rien de spécial, à part revenir sur ma question : si vous avez eu envie d'améliorer l'infra et/ou les applis de l'infra de Fedora, qu'est-ce qui vous a freiné ? Qu'est-ce qui vous freine aujourd'hui ? N'hésitez pas à me contacter sur Matrix (abompard@fedora.im) et sur Discourse.

    Merci pour ta contribution !

    Merci à vous, et joyeux anniversaire à Fedora-Fr !

    Conclusion

    Nous espérons que cet entretien vous a permis d'en découvrir un peu plus sur l'infrastructure du projet Fedora.

    Si vous avez des questions ou que vous souhaitez participer au projet Fedora ou Fedora-fr, ou simplement l'utiliser et l'installer sur votre machine, n'hésitez pas à en discuter avec nous en commentaire ou sur le forum Fedora-fr.

    Et ainsi s'achève notre série d'entretiens. On espère que cela vous aura plus et peut être à dans quelques années pour savoir ce qui a changé. :)

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    20 ans de Fedora-fr : neuvième entretien avec Nicolas président de Borsalinux-fr

    23 juin 2025 à 05:48

    Dans le cadre des 20 ans de Fedora-fr (et du projet Fedora en lui-même), Charles-Antoine Couret (Renault) et Nicolas Berrehouc (Nicosss) avons souhaité poser des questions à des contributeurs francophones du Projet Fedora et de Fedora-fr.

    Grâce à la diversité des profils, cela permet de voir le fonctionnement du projet Fedora sous différents angles pour voir le projet au-delà de la distribution mais aussi comment il est organisé et conçu. Notons que sur certains points, certaines remarques restent d’application pour d’autres distributions.

    N’oublions pas que le projet Fedora reste un projet mondial et un travail d’équipe ce que ces entretiens ne permettent pas forcément de refléter. Mais la communauté francophone a de la chance d’avoir suffisamment de contributeurs et des contributrices de qualité pour permettre d’avoir un aperçu de beaucoup de sous projets de la distribution.

    Chaque semaine un nouvel entretien sera publié sur le forum Fedora-fr.org, LinuxFr.org et le blog de Renault.

    L’entretien du jour concerne Nicolas Berrehouc (pseudo Nicosss), contributeur de Fedora-fr et mainteneur de sa documentation. Devenu président de l’association Borsalinux-fr en avril 2025.

      Sommaire

      Bonjour Nicolas, peux-tu présenter brièvement ton parcours ?

      Je me nomme donc Nicolas, je ne suis pas informaticien de métier malgré ce que certaines personnes pourraient croire et je ne travaille pas pour Red Hat non plus. Je suis plus issu d’une formation automatisme, micro-contrôleur et électronique donc malgré tout un monde technique. Mon activité professionnelle actuelle n’est d’ailleurs pas en lien avec l’informatique ni à proprement dit avec ma formation. Je suis un touche-à-tout autodidacte qui aime apprendre et partager 🙂

      Peux-tu présenter brièvement tes contributions au projet Fedora ?

      Mes contributions directes au projet Fedora se limitent uniquement aux journées de tests ainsi que tout ce qui va toucher aux validations des correctifs apportés via testing suite à des rapports de bugs, que j’aurais initiés ou non, avant que ce ne soit poussé en stable. D’ailleurs, je rapporte soit sur le bugzilla Red Hat, soit directement upstream aussi.
      Il y a aussi Anitya que j’ai pas mal renseigné à sa sortie, car j’ai vraiment trouvé que c’était un super projet.
      De ce fait, mon poste de travail est tout le temps en testing et en général je bascule vers la Bêta dès qu’elle est disponible. Voilà le plus gros de mes contributions au projet Fedora.

      J’ai par ailleurs fait le choix de ne pas faire partie de groupes directement au sein du projet Fedora par manque de temps.

      Qu’est-ce qui fait que tu es venu sur Fedora et que tu y es resté ?

      J’ai découvert le monde GNU/Linux avec Slackware fin des années 90 (oui l’autre siècle 😉) mais ça a été une grosse douche froide à l’époque, donc stand-by avant de goûter à Mandrake qui proposait une utilisation plus abordable. Puis j’ai découvert Fedora Core à sa sortie que j’ai commencé à utiliser en parallèle d’un Windows, car c’était encore difficile de se défaire de ses habitudes avec certains logiciels. Mais la bascule s’est faite finalement très rapidement par la suite malgré tout et depuis pas mal d’années maintenant je n’utilise plus que Fedora Linux, tant en poste de travail que serveur d’ailleurs.

      J’y voyais aussi la possibilité de faire passer des utilisateurs Windows au monde GNU/Linux juste par le fait de donner une seconde vie à leurs ordinateurs car bien souvent les utilisatrices et utilisateurs ont une utilisation basique de leurs ordinateurs.

      Le Projet Fedora proposait une vision qui me correspondait assez avec l’idée d’être novatrice, s’orienter vraiment vers le Logiciel Libre et surtout une gestion communautaire, donc il était possible de ne pas rester un simple consommateur dans son coin. À l’époque Ubuntu avait pignon sur rue et était LA distribution mais malgré une grosse communauté francophone enjouée à l’époque le principe de fonctionnement ne me plaisait pas vraiment.

      Pourquoi contribuer à Fedora en particulier ?

      En fait, tous les champs sont quasi possibles pour contribuer. Il y a énormément d’outils disponibles pour faciliter les contributions à travers son compte FAS désormais en plus. Par ailleurs il y a une bonne dynamique et des gens passionnés donc ça donne d’autant plus envie de participer.
      Fedora intègre beaucoup de technologies et d’innovations que l’on retrouvera par la suite dans les autres distributions, alors pourquoi attendre 🙂 Ça reste ma philosophie personnelle donc ça colle avec Fedora.

      Contribues-tu à d’autres Logiciels Libres ? Si oui, lesquels et comment ?

      N’étant pas développeur, il m’arrive tout de même de rapporter des bugs upstream sur certains logiciels que j’utilise lorsque ce n’est pas déjà fait. En général les différents projets sont assez réactifs et ça permet toujours de faire avancer les choses. Mais sinon pas de vraies contributions à un projet particulier en tant que tel.

      Utilises-tu Fedora dans un contexte professionnel ? Et pourquoi ?

      Absolument pas, mon entreprise propose uniquement des postes sous Windows 10 assez verrouillés ; donc souvent quelques moments de solitude avec des réflexes propres à mon utilisation quotidienne de GNOME 😂
      Après, en contexte « semi-professionnel » dirons-nous, j’ai des serveurs auto-hébergés sous Fedora Linux aussi proposant des services pour un cercle restreint comme des outils Web, Cloud, XMPP, Mail. Pour ce point c’est arrivé assez rapidement aussi car cela faisait partie d’un apprentissage que je souhaitais réaliser afin d’avoir une compréhension et une indépendance sur la gestion de mes données personnelles. Un grand merci au monde du Logiciel Libre qui permet de faire ça !

      Est-ce que tes contributions à Fedora sont un atout direct ou indirect dans ta vie professionnelle ? Si oui, de quelle façon ?

      Je dirais que ça a plus un aspect indirect, comme pouvoir parler technique avec des personnes qui sont plus côté informatique ou informatique industrielle et donc faciliter des résolutions de problèmes.

      Tu participes essentiellement à la communauté francophone : maintenance du site web, documentation, répondre au forum, suivi de l’association, pour quelles raisons tu y contribues ? Pourquoi se focaliser sur la communauté francophone dans ton cas ?

      Oui, j’ai décidé assez tôt de plus me focaliser sur la communauté francophone car malgré ce que l’on peut croire il y a une énorme demande et je pense que pour que les personnes passent le cap en France il faut un support accessible en français pour les accompagner au mieux.
      J’avais regardé côté projet Fedora, mais je n’avais pas vraiment trouvé quelque chose qui pouvait avoir une portée surtout pour l’utilisateur final, car je voyais du potentiel dans l’utilisation de Fedora Linux en remplacement d’un Windows pour une utilisation dite courante. Je sais que la priorité du Projet est d’avoir des contributeurs, mais il faut des utilisateurs aussi et compter sur le fait qu’un faible pourcentage passera le cap vers la contribution.
      Il y a eu beaucoup de choses de faites côté documentation en français par le projet Fedora, mais je trouve que nous avons encore très largement notre place, car les pionniers de Fedora-fr avaient déjà répondu bien avant à ce manque.

      Par conséquent, je suis assez actif dans l’ensemble des domaines cités afin d’essayer de relancer une dynamique, car je sais que les personnes sont en place depuis un long moment maintenant. J’espère aussi que ça permettra à d’autres de se lancer dans l’aventure au travers de l’Association. N’hésitez pas à vous faire connaitre lors des réunions du 1ᵉʳ lundi de chaque mois !

      Nous avons fourni il y a quelques années un gros effort pour moderniser la documentation, peux-tu revenir sur cet épisode et la nécessité d’une telle action ?

      Oui en effet, nous avons réalisé un très très très gros travail qu’il faudrait arriver à poursuivre d’ailleurs et j’en appelle à toutes les bonnes volontés à se faire connaître.
      Quoi dire sur toutes ces soirées de travail 🙂 Nous avons décidé d’une organisation pour identifier les articles obsolètes (quasi tous 😂) ainsi que les priorités par rapport aux demandes. Puis nous nous sommes répartis les articles pour la mise à jour et nous effectuions les relectures croisées. Pas sûr que ce soit à jour mais voilà ce qui a servi de support de travail. Toutes les semaines nous faisions des points via un canal IRC pour aborder des questionnements et lever des doutes dans notre travail.

      Aujourd’hui l’idée est de pouvoir fournir ou améliorer des articles autour des questions récurrentes sur le Forum afin de faciliter la transition vers Fedora Linux et éviter les multiples répétitions via le Forum.

      Quels manques identifies-tu au niveau de la documentation ?

      Le plus gros manque est le maintien à jour de tout ce qui est disponible 🙂

      Aujourd’hui il y a des articles très sollicités (comme les pilotes propriétaires Nvidia ; quelle idée d’avoir un GPU de cette marque aussi) qui mériteraient d’avoir plus de suivi mais sinon aujourd’hui l’accent est vraiment porté sur le fait de pouvoir fournir une documentation pour les questions les plus récurrentes sur le Forum afin d’éviter les redites ou recherches sur celui-ci et devoir renvoyer vers des discussions similaires.
      Bien évidemment toute autre contribution pour un nouvel article est bienvenue, car nous sommes vraiment dans l’idée de partager les connaissances et c’est aussi le meilleur moyen pour découvrir d’autres choses.

      Quelle importance il y a d’avoir un forum en français à propos de Fedora ? Est-ce un bon médium pour résoudre les problèmes des gens en général ?

      L’anglais n’est pas vraiment une maîtrise forte en France, et c’est difficile de faire quitter Windows à des personnes en leurs annonçant que le package contient aussi la surprise de devoir se mettre à l’anglais. Il existe des traducteurs en ligne désormais mais les utilisateurs Fedora Linux francophones nous montrent bien que ce forum a son importance, car il y a régulièrement des questions et il est très consulté.
      Il n’y a évidemment aucun concours avec le forum officiel en anglais du projet Fedora. D’ailleurs avant de migrer toute l’infrastructure de Fedora-fr, il s’était aussi posé la question de rejoindre le forum officiel du projet via la section non anglaise mais finalement nous avons voulu continuer à offrir tout un écosystème francophone pour continuer dans nos objectifs au niveau de l’association Borsalinux-fr.

      Pourquoi penses-tu que la fréquentation du site a baissé depuis 2011 qui est le pic historique d’activité ?

      Pour moi les gens sont de plus en plus devenus de simples consommateurs courant après les effets de mode ou cherchant uniquement du divertissement. Ce sont bien souvent des personnes hyper connectées mais qui ne comprennent absolument rien au fonctionnement de leurs outils et applications, ce qui est vraiment dommage. Beaucoup de personnes se sont désintéressées des ordinateurs et se concentrent uniquement sur des ordiphones ou tablettes avec pour OS Android Google ou Apple, ce qui limite les besoins de se tourner vers une distribution GNU/Linux.

      D’un autre côté la distribution Fedora Linux, malgré l’intégration de nouveautés, a vraiment perfectionné tout son process et son assurance qualité donnant ainsi une distribution vraiment stable et performante. Par conséquent qui dit stabilité dit aussi moins de problèmes à régler 🙂

      Au niveau des Logiciels Libres il y a aussi eu beaucoup de travail de fond pour proposer une concurrence de haut-niveau face à des logiciels propriétaires. C’est vraiment un point à souligner car beaucoup de monde ne sait même pas, bien souvent, qu’il utilise du Logiciel Libre.
      Tout cet écosystème qui a gagné en stabilité et performance engendre forcément moins de demandes aussi.

      Il faudrait avoir de vraies statistiques sur le nombre d’utilisateurs en fait. En ce moment il y a des articles concernant l’augmentation de la part de marché des distributions GNU/Linux mais ça reste à suivre.

      Tu as participé avec Guillaume à la dernière mise à jour du site alors que tu n’es pas webmestre de métier, qu’as-tu apporté dans la procédure ?

      Alors en fait ça a porté plus largement que sur le site en lui-même. Guillaume était un peu seul dans le cadre de cette nécessité de migration de toute l’infrastructure qui devenait un très gros frein pour maintenir et faire évoluer tous les outils déployés. Ça a été l’occasion de pouvoir lui redonner de la motivation puis d’intégrer ce projet pour déclencher tout ce que nous connaissons aujourd’hui.

      La migration a malgré tout été très précipitée, car il y avait tout à faire et en très peu de temps.

      Effectivement je ne suis pas webmestre de métier et il a fallu s’approprier très rapidement WordPress afin de proposer à minima un équivalent de ce que nous avions avant avec fedora-fr.org donc ça a été un enchainement de journées très chargées. Et comme vous pouvez le constater nous ne sommes pas des designers dans l’âme non plus 😂 Donc tout aide est la bienvenue aussi ; même si le forum est plus le point de chute.

      L’idée en parallèle était d’en profiter pour rédiger de la documentation partagée sur notre Nextcloud à propos de toute notre infrastructure ainsi que notre fonctionnement interne au niveau de l’association. Ce travail est d’ailleurs toujours en cours.

      Quels manques identifies-tu au niveau de la communauté francophone en général ?

      Je pense que c’est ce que l’on peut retrouver un peu de partout avec un manque d’appartenance. Aujourd’hui la consommation prime et l’utilisateur ne se considère que comme un consommateur alors qu’il pourrait trouver un épanouissement personnel en participant au sein d’une communauté et de fait s’engager dans une démarche d’échanges et de partages.

      Tu nous as représenté de nombreuses années aux JDLL à Lyon, qu’est-ce qui te plaît ou qui ne te plaît pas dans cet événement ? Quels intérêts trouves-tu à y aller ?

      En effet, j’ai commencé à me rendre aux JDLL à partir de 2005 car j’étais désormais pas loin de Lyon et que le monde du Libre avait commencé à faire son petit bout de chemin dans ma tête, donc j’assistais à pas mal de conférences et pendant les pauses je faisais le tour des stands. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai pu rencontrer des membres de la communauté Fedora-Fr (shaiton entre autres qui était un bon recruteur ;-) ) qui tenaient le stand sur le site universitaire de la Doua à l’époque.
      Puis au fil des années, j’ai passé de plus en plus de temps vers le stand Fedora/Borsalinux-Fr pour finalement me faire embringuer dans l’aventure de la tenue du stand (petit clin d’œil à number80 qui y est pour beaucoup). Depuis quelques années maintenant j’ai hérité des relations avec l’organisation des JDLL pour la tenue du stand pour Fedora/Borsalinux-Fr lors de cet évènement.

      C’est un moment de l’année où il est possible de rencontrer tout type de population et je trouve ça super intéressant de pouvoir échanger avec autant de monde. Ça permet aussi de pouvoir se remettre en question, car ce n’est pas comme se réunir au sein d’une communauté où tout le monde est d’accord avec les mêmes idées. Bref c’est très enrichissant humainement !

      Quelles sont tes tâches au niveau de l’association ? Qu’est-ce qui doit être amélioré à ton avis ? Et qu’est-ce qui fonctionne bien ?

      Nous sommes un effectif très réduit au niveau de l’association, donc je suis multitâche 🙂 mais j’avoue que le temps me manque.
      Si l’on en revient à mes débuts dans l’association j’ai surtout essayé de relancer du dynamisme et de l’animation au sein des réunions hebdomadaires tenues historiquement sur IRC. Je pense que cela est aussi dû aux années écoulées sans renouvellement des membres du bureau et un manque de bénévoles pour assurer une répartition des tâches.
      Ensuite il a été décidé de passer ces réunions au pas mensuel et en visio pour essayer de toucher plus de monde. Il y a quelques passages mais ce n’est pas encore ça derrière. Dans le même temps, nous avons assuré la transparence des informations échangées lors de ces réunions en postant le compte rendu sur le forum qui est l’outil le plus fréquenté par la communauté Fedora-fr.

      Une instance Nextcloud a été déployée sur notre infrastructure, ça a été l’occasion de pouvoir construire de la documentation sur les outils que nous utilisons, des procédures liées à la maintenance ou à la gestion de l’association, etc afin que tout le monde puisse s’y retrouver, voire se projeter un peu plus dans une activité de l’association. L’idée est de pouvoir assurer la continuité de fonctionnement de l’association et ce même après un départ de quelqu’un.

      Nous avons la chance d’avoir encore parmi nous des piliers de l’association qui sont encore investis.
      Pour le moment il y a encore pas mal de travail mais après ça devrait se calmer pour pouvoir se focaliser sur des choses j’espère plus concrètes.

      Si tu avais la possibilité de changer quelque chose dans la distribution Fedora ou dans sa manière de fonctionner, qu’est-ce que ce serait ?

      Côté distribution je n’ai pas vraiment à me plaindre, il y a certes un gros rythme qui peine à tenir les dates de sorties mais le travail est énorme et surtout la qualité du processus est arrivée à un sacré niveau de maturité. Finir l’époque où il fallait allumer des cierges et invoquer les grands esprits avant de se lancer dans une migration 😂
      L’installation peut encore amener certaines questions pour des néophytes mais ensuite tout est tellement fiabilisé que n’importe qui peut s’en servir sans problème.

      À l’inverse, est-ce qu’il y a quelque chose que tu souhaiterais conserver à tout prix dans la distribution ou le projet en lui-même ?

      Le côté vivant et passionné de toutes celles et de tous ceux qui participent à ce projet dans le monde. C’est vraiment quelque chose que l’on retrouve à chaque fois dans les interviews lors des élections Fedora et ça fait plaisir.

      Au niveau de la distribution, qu’elle aille toujours de l’avant et propose toujours autant l’implémentation de nouveautés technologiques.

      Que penses-tu de la communauté Fedora-fr que ce soit son évolution et sa situation actuelle ? Qu’est-ce que tu améliorerais si tu en avais la possibilité ?

      J’ai connu l’époque des communautés Fedora-fr très actives dans différentes grandes villes, puis ça s’est perdu et je pense qu’aujourd’hui ça ne reverra pas le jour. Idem pour d’autres grandes distributions qui avaient leurs communautés Fr.

      Aujourd’hui je pense que la communauté Fedora-Fr (les personnes actives) est une bonne chose car ça répond vraiment à un besoin au niveau francophone, car l’anglais reste un peu la bête noire.
      Ceci permet donc de faciliter la prise en main de Fedora Linux avec un forum de qualité ainsi que de la documentation orientée pour répondre aux débutantes et débutants tout en assurant une base de connaissances collaborative. Et ça ouvre la porte pour contribuer directement au projet Fedora par la suite.

      Malheureusement tout ceci est en train de s’essouffler et je ne sais pas combien de temps cette grande aventure va durer si de nouvelles personnes ne viennent pas apporter un peu de souffle à l’équipe.
      Pour ma part je trouve que c’est sociétal, donc il faudrait peut-être revoir le modèle complet mais dans tous les cas nous aurons besoin de bénévoles.

      Quelque chose à ajouter ?

      Un appel à volontaires 😉 Si vous voulez vous investir dans l’Association que ce soit pour des évènements, de la documentation, du webdesign, du marketing pour des goodies ou d’autres idées alors n’hésitez pas à nous contacter via le site de l’Association, lors d’une réunion mensuelle ou tout autre canal. Nous vous accueillerons avec plaisir !

      Merci Nicolas pour ta contribution !

      Conclusion

      Nous espérons que cet entretien vous a permis d’en découvrir un peu plus sur Fedora-fr et sa documentation !

      Si vous avez des questions ou que vous souhaitez participer au Projet Fedora ou Fedora-fr, ou simplement l’utiliser et l’installer sur votre machine, n’hésitez pas à en discuter avec nous en commentaire ou sur le forum Fedora-fr.

      À dans 10 jours pour un entretien avec Kévin Raymond, ancien contributeur de Fedora et de Fedora-fr.org.

      Commentaires : voir le flux Atom ouvrir dans le navigateur

      20 ans de Fedora-fr : huitième entretien avec Jean-Baptiste mainteneur de la traduction française

      Dans le cadre des 20 ans de Fedora-fr (et du Projet Fedora en lui-même), Charles-Antoine Couret (Renault) et Nicolas Berrehouc (Nicosss) avons souhaité poser des questions à des contributeurs francophones du Projet Fedora et de Fedora-fr.

      Grâce à la diversité des profils, cela permet de voir le fonctionnement du Projet Fedora sous différents angles pour voir le projet au-delà de la distribution mais aussi comment il est organisé et conçu. Notons que sur certains points, certaines remarques restent d’application pour d’autres distributions.

      N’oublions pas que le Projet Fedora reste un projet mondial et un travail d’équipe ce que ces entretiens ne permettent pas forcément de refléter. Mais la communauté francophone a de la chance d’avoir suffisamment de contributeurs et des contributrices de qualité pour permettre d’avoir un aperçu de beaucoup de sous projets de la distribution.

      Chaque semaine un nouvel entretien sera publié sur le forum Fedora-fr.org, LinuxFr.org et le blog de Renault.

      L’entretien du jour concerne Jean-Baptiste Holcroft, un des mainteneurs de la traduction française de Fedora.

        Sommaire

        Bonjour Jean-Baptiste, peux-tu présenter brièvement tes contributions au projet Fedora ?

        Gêné par des traductions partielles de logiciels que je trouve super, j’ai aidé d’abords en signalant des problèmes, puis en traduisant, et ne voyant pas les traductions arriver, à fluidifier le processus de traduction.

        Ayant compris le fonctionnement, grâce à la communauté, j’ai voulu aider cette communauté à être plus efficace, en migrant sur la très bonne plateforme de traduction Weblate, en permettant la traduction de la totalité de la documentation de Fedora (on parle ici de 3,5 millions de mots, de milliers de pages).

        Transifex, la plateforme précédente, ne permettait pas un travail collectif efficace (entre les traducteurices et entre traducteurices-projets de développement).

        Avec l’expérience, j’ai constaté que la communauté du logiciel libre propose une expérience désastreuse pour les traducteurs, le coût de traduction vs l’effort nécessaire pour traduire tout un système d’exploitation est monstrueux, j’ai maintenant voulu rendre cela perceptible et accessible à tous (ce site est moche, sa valeur est la mesure de traduction transverse).

        Qu’est-ce qui fait que tu es venu sur Fedora et que tu y es resté ?

        Ses valeurs en tant que communauté m’ont intéressées.

        Fedora accueille les contributeurs, leur permet de gagner en responsabilité, de financer des initiatives et de grandir en tant que personne. Si mon implication varie dans le temps, ce n’est qu’une question de temps disponible.

        Pourquoi contribuer à Fedora en particulier ?

        La ligne est claire, au plus proche des créateurs de logiciels libre, en collaboration, que du logiciel libre et très fiable.
        C’est une mentalité que je trouve excellente et dans laquelle je me sens à l’aise.

        Contribues-tu à d’autres Logiciels Libres ? Si oui, lesquels et comment ?

        J’ai contribué pendant quelque temps au projet YunoHost sur les thèmes de la traduction, de l’internationalisation et de l’empaquetage de logiciels.
        Ce projet est mature et autonome sur ces deux sujets, ayant moins de temps, j’ai arrêté d’y contribuer.
        Je continue à l’utiliser au quotidien, car je le considère aussi stable que Fedora pour gérer mon serveur personnel avec mes courriels, mes fichiers, mes contacts, etc.
        Aujourd’hui, je m’intéresse plutôt à notre efficacité collective plutôt qu’un projet en particulier.

        Est-ce que tes contributions à Fedora sont un atout direct ou indirect dans ta vie professionnelle ? Si oui, de quelle façon ?

        Toute la culture technique gagnée en lisant l’actualité des projets, en contribuant via des rapports de bugs, des traductions, des développements m’ont aidé pour obtenir mon emploi actuel, et pour mon travail au quotidien.

        Le logiciel libre et le fait d’y contribuer, même modestement est un lien réel, concret et palpable, très loin de l’informatique fantasmée qui ne fait le bonheur que du porte-monnaie et du pouvoir des puissants.

        Dans le travail, qu’il soit lucratif, amical ou militant, je veux du concret qui nous aide à avancer, et c’est une valeur très forte du logiciel libre.

        Tu as maintenu la traduction française de Fedora pendant des années, peux-tu nous expliquer l’importance de la traduction et même de l’internationalisation dans ce genre de projets ?

        Le logiciel libre est un outil de lutte contre l’appropriation des communs par une minorité.
        Si on veut qu’il soit un outil d’émancipation des masses, on veut réduire les barrières à l’utilisation, tout en respectant les singularités de ses utilisateurs et utilisatrices.
        Un utilisateur de logiciel ne devrait pas avoir à apprendre une nouvelle langue pour utiliser un outil émancipateur et respectueux, d’où l’intérêt de ces activités.

        Traduire un logiciel est une activité complexe, quelles sont les difficultés rencontrées lors de cette activité ?

        Traduire est la partie facile, ça consomme très peu de temps, ce qui est compliqué c’est :

        • savoir où traduire - trouver quel logiciel affiche la chaîne, trouver où il est hébergé, comprendre quelle version est à traduire, etc
        • demander de pouvoir traduire un logiciel - tout n’est pas traduisible, notre pouvoir pour faire évoluer ça en tant que traducteurice est faible
        • comprendre comment traduire - l’idéal c’est Weblate directement lié au dépôt de logiciel du dépôt, le pire c’est l’ouverture de Pull Request
        • maintenir les traductions dans le temps - pour chaque projet

        Tu as participé à la migration de la plateforme de traduction Zanata vers Weblate, peux-tu revenir sur cette tâche et les motivations derrière cette décision ?

        Weblate est un outil de traduction performant, qui facilite la vie des créateurices de logiciels et des traducteurices. Cet outil est proche du dépôt de code source et permet beaucoup d’autonomie aux traducteurices pour s’organiser comme iels le souhaitent, tracer les modifications, être notifiés, etc.

        Zanata, ben c’était un objet OK pour traduire, mais c’est tout, tout le reste était déficient.
        À titre d’illustration, pour savoir si une traduction a été modifiée, je devais aller regarder sur chaque phrase l’historique des modifications.
        Sur Weblate, l’historique est transparent et efficace, et permet de filtrer par langue, projet, composants et type de changements. Voici par exemple l'historique des changements de traduction en français sur tous les projets.
        Quand Weblate est arrivé, j’ai activement démontré la pertinence de ce projet et poussé le sujet pour que nous soyons plus efficaces.

        Tu as également participé à obtenir des statistiques de traduction au sein du projet Fedora, quel intérêt à cela et comment cela a été mis en œuvre ?

        C’est un sujet génial, mais c’est légèrement compliqué, voici une simplification :
        Une distribution Linux, c’est l’assemblage de milliers de logiciels, des lignes de code contenues dans les paquets.
        Chaque paquet est disponible au téléchargement sur des miroirs, on y retrouve même les paquets d’il y a plusieurs années (j’arrive à exploiter les données jusqu’à Fedora 7 sortie en mai 2007).

        En suivant de près le fonctionnement de Weblate, je me suis rendu compte que le créateur de Weblate a créé des petits outils pour : avoir des listes de tous les codes de langues connus, et d’auto-détection des fichiers de traduction.

        La mécanique va donc :

        • télécharger chaque paquet existant dans Fedora
        • en extraire le code source
        • lancer l’auto-détection des fichiers de traduction
        • calculer pour chaque fichier le pourcentage d’avancement
        • agréger les résultats par langue grâce aux codes connus
        • puis générer un site web pour afficher les résultats

        Avec mon ordinateur, cela m’a pris plus de dix jours de calcul en continu, et le téléchargement de 2 To de données pour réussir à avoir une vue sur plus de 15 ans de la distribution Fedora. Je n’ai malheureusement pas encore eu le temps d’en faire une rétrospective pertinente dans le cadre d’une conférence, faute de temps pour analyser les données. Pour l’instant, la seule partie visible est le site https://languages.fedoraproject.org. J’espère avancer sur ce sujet pour la rencontre annuelle 2025 du projet Fedora et le FOSDEM 2026.

        La traduction est une activité spécifique pour chaque langue mais tout le monde a des problèmes communs vis-à-vis de l’outillage ou des situations complexes, y a-t-il des collaborations entre les différentes équipes de traduction dans Fedora ?

        D’une façon générale, résoudre un problème pour une langue résous systématiquement un problème pour une autre langue.
        Les traducteurs et traductrices se soutiennent beaucoup notamment pour ces raisons, soutenez-les vous aussi !

        L’absence de centralisation dans cette activité rend la cohérence des traductions dans l’ensemble des logiciels libres très complexe. Peux-tu nous expliquer ces difficultés ? Est-ce qu’il y a une volonté francophone notamment d’essayer de résoudre le problème en collaborant d’une certaine façon sur ces problématiques ?

        Un logiciel est une création, sa communauté peut être plus ou moins inclusive et pointue sur certaines traductions.
        La cohérence vient avec les usages et évolue comme la langue de façon progressive et délocalisée.
        On pourrait imaginer proposer des outils, mais si c’est un sujet très important, ce n’est pour l’instant pas mon combat.
        Je vois ça comme un problème de privilégié, car spécifique aux langues ayant suffisamment de traduction, alors que la quasi-totalité des langues en ont très peu et sont incapables de tenir le rythme exigé par l’évolution de nos logiciels libres.

        Je voudrais d’abord démontrer et faire acter à la communauté du logiciel libre qu’il y a urgence à améliorer notre efficacité avec des changements de processus et de l’outillage. Cet outillage pourrait sûrement permettre d’améliorer la cohérence.

        Fedora n’est sans doute pas le projet le plus avancé sur la question de l’internationalisation malgré ses progrès au fil des ans, qu’est-ce que le projet Fedora pourrait faire à ce sujet pour améliorer la situation ?

        Si on veut faciliter la vie des traducteurices, il faudrait envisager de permettre de traduire à l’échelle de Fedora, de façon distincte des traductions de chaque projet, comme le fait Ubuntu.
        Le problème, c’est qu’Ubuntu utilise des outils médiocres (Launchpad) et n’a pas de moyen automatisé pour renvoyer ce travail aux créateurs de logiciels.
        Fedora pourrait innover sur ce sujet, et réussir à faire les deux avec une bonne plateforme de traduction (Weblate) et beaucoup d’outillage pour partager ce travail avec les différentes communautés, les utilisateurices y gagneraient en confort, les traducteurices en efficacité et les projets en contributions.

        Quelque chose à ajouter ?

        Un grand merci à la communauté francophone de Fedora, à la communauté Fedora et à l’ensemble des communautés qui collaborent tous les jours pour nous permettre d’avoir des outils émancipateurs et qui nous respectent. Le travail réalisé au quotidien est exceptionnellement utile et précieux, merci, merci et merci.

        Gardons à l’esprit que le logiciel n’est qu’un outil au service d’autres luttes dans lesquelles nous devons prendre notre part.

        Merci Jean-Baptiste pour ta contribution !

        Conclusion

        Nous espérons que cet entretien vous a permis d’en découvrir un peu plus sur la traduction de Fedora.

        Si vous avez des questions ou que vous souhaitez participer au Projet Fedora ou Fedora-fr, ou simplement l’utiliser et l’installer sur votre machine, n’hésitez pas à en discuter avec nous en commentaire ou sur le forum Fedora-fr.

        À dans 10 jours pour un entretien avec Nicolas Berrehouc, contributeur de Fedora-fr et mainteneur de sa documentation.

        Commentaires : voir le flux Atom ouvrir dans le navigateur

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