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Libération de Julian Assange: la volte-face américaine interroge - Le Temps

26 juin 2024 à 09:47

JUSTICE Le fondateur de WikiLeaks a quitté sa prison britannique pour se présenter devant un tribunal des îles Mariannes. Selon un accord, il plaidera coupable et devrait être relâché. Plusieurs raisons pourraient sous-tendre cette décision de l'administration Biden

Julian Assange devrait être définitivement libéré ce matin après avoir comparu devant un tribunal fédéral états-unien des îles Mariannes, territoire américain. L'Australien, fondateur de WikiLeaks, a conclu un accord avec la justice américaine par lequel il se reconnaît coupable de « complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale ». La nouvelle constitue une surprise même si nombre d'organisations, dont des médias de renom comme The New York Times, The-Guardian, Le Monde, Der Spiegel et El Pais, avaient exhorté l'administration du démocrate Joe Biden à abandonner les charges contre lui.

Pressions australiennes

Si les procureurs en charge du dossier se disent prêts à limiter la peine à 5 ans de prison, ils précisent aussi que Julian Assange en a déjà passé 5 dans la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres et qu'il pourrait de fait être immédiatement libéré. Un juge doit encore approuver l'accord trouvé entre les deux parties, mais il est probable que le lanceur d'alerte soit en mesure de retourner dans son pays, l'Australie, peu après l'annonce de la sentence.

Difficile de dire à ce stade quelles ont été les raisons profondes ayant amené les Etats-Unis à faire volte-face alors qu'ils ont longtemps martelé l'impérative nécessité de faire extrader Julian Assange. Il avait en effet mis la main sur plus de 700 000 documents diplomatiques et de sécurité nationale couverts par le secret et en avait publié une partie sur sa plateforme Wiki-Leaks. Il y a bien sûr la pression déjà évoquée de nombre d'organisations et de médias. Il y a aussi celle exercée par le gouvernement australien lui même, un allié des Etats-Unis depuis longtemps, en particulier dans le cadre du partenariat AUKUS entre Canberra, Londres et Washington. Il y a aussi les risques que pouvait représenter une extradition vers les Etats-Unis. Un tel cas de figure aurait mis à mal la crédibilité de la justice états-unienne dont la main aurait été trop lourde au vu des charges qui pesaient contre Assange (passible de 175 ans de prison), mais aussi sapé l'assise du sacro-saint Premier Amendement de la Constitution américaine qui garantit la liberté d'expression. En pleine campagne électorale, Joe Biden risquait de fâcher une nouvelle fois l'aile gauche de son parti.

Conditions inhumaines

Sa libération met un terme à des conditions de détention inhumaines que le Suisse Nils Melzer, alors rapporteur spécial des Nations unies, avait qualifié de « torture ». Le prévenu était maintenu en isolement cellulaire 23h/24. Il n'avait droit qu'à une heure pour faire seul de l'exercice dans la cour de la prison.

https://theswissbox.org/2020/09/la-persecution-de-julian-assange-grave-menace-pour-nos-libertes-fondamentales-avec-nils-melzer/

En fin de compte, tant les Etats-Unis que la Grande-Bretagne et bien sûr le fondateur de Wiki-Leaks ont intérêt à ce que ce triste épisode connaisse enfin son épilogue. Ancien ambassadeur au sein de l'administration de Barack Obama et ex-procureur en chef du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Stephen Rapp le souligne: « Je salue la résolution de ce cas qui aurait dû intervenir plus tôt. Le crime commis par Assange ne justifiait pas la prison à vie. »

Demeurent toutefois les zones d'ombre autour de Julian Assange, qui dit vouloir demander un pardon au président américain. Si ce dernier a servi le bien commun en révélant à travers les câbles de WikiLeaks de possibles crimes de guerre commis par les Etats-Unis en Irak, il a joué un rôle beaucoup plus trouble dans la présidentielle américaine de 2016 qui opposait la démocrate Hillary Clinton à Donald Trump. Le rapport établi par le procureur spécial Robert Mueller qui avait enquêté sur l'interférence de la Russie dans la campagne électorale avait clairement établi une collaboration entre WikiLeaks, Roger Stone, un proche du candidat Donald Trump, et la Russie. Le fondateur de WikiLeaks avait même exposé publiquement son dégoût pour Hillary Clinton. Au vu des conséquences que l'élection de Trump a eues sur les Etats-Unis, on peut mesurer les effets néfastes de la publication d'e-mails de la campagne d'Hillary Clinton sur la politique américaine. A ce moment, la campagne de Donald Trump n'avait pas subi la moindre intrusion de la part de WikiLeaks.

« Il fallait caviarder certains documents »

Stephen Rapp ajoute: « Ce qui est le plus problématique avec Assange tient au fait qu'il ne s'est pas soucié de protéger les sources et les témoins contenus dans les câbles de Wiki-Leaks. Certaines personnes ont été mises dans des situations dangereuses. Une partie des documents diffusés par Wiki-Leaks aurait pu être caviardée. En cela, une action en justice contre Assange était justifiée. » Quant au vol d'informations classifiées, rappelle l'ex-ambassadeur, c'est un crime sérieux outre-Atlantique. On le voit avec l'affaire Trump et les documents classifiés qu'il a emportés à Mara-Lago. On l'a vu avec les informations confidentielles qu'avait transmises le général Petraeus à sa maîtresse. « Ce qu'il faut en la circonstance éviter à tout prix, conclut Stephen Rapp, c'est de criminaliser le journalisme. Sans parler d'Assange, on ne peut pas condamner des journalistes parce qu'ils révèlent des vérités dérangeantes pour le pouvoir. »

« Le crime commis par Julian Assange ne justifiait pas la prison à vie »
STEPHEN RAPP, EX-PROCUREUR EN CHEF DU TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LA SIERRA LEONE


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