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Reçu aujourd’hui — 10 décembre 2025

Brigitte Macron, les «sales connes» et toujours la culture du viol, par Giulia Foïs – Libération

10 décembre 2025 à 15:53
Parfait.

> Les féministes ont l’habitude d’être insultées. Dans les années 70, quand elles manifestaient pour le droit à l’IVG, on les traitait de «salopes» - et peut-être même que Claude Pompidou l’a fait. Personne ne devrait s’en étonner, mais personne ne pourra le prouver : à l’époque, on ne filmait pas. Et les réseaux sociaux n’existaient pas. La différence est là : nous avons, aujourd’hui, sous les yeux, dans les oreilles, la preuve incontestable que le pays des droits de l’homme n’est toujours pas celui des femmes, et qu’au plus haut sommet de l’Etat, le patriarcat, en fait, ça nous va.

[...]

> On en appellera aux anciennes, dont on pense aujourd’hui le plus grand bien. Bientôt, les figures tutélaires de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi surgiront des tiroirs, et ce qu’on oubliera, c’est que, de leur vivant, on les a insultées – sans doute à cause de leur radicalité. Aussi sûr qu’on viole, partout, tout le temps, et depuis la nuit des temps, les bonnes féministes ont toujours été des féministes mortes. Celles qui ont fini par la boucler. Définitivement. Alors oui, décidément, tout est en ordre dans cette séquence…

[...]

> Entre les deux, Brigitte Macron a choisi son camp, et elle veut qu’on le sache. Devant les caméras, c’est Ary Abittan qu’elle est venue soutenir, pas celle qui a eu le coccyx abîmé par une nuit avec lui. Ce qui choque, ce qui rassemble aujourd’hui, c’est qu’on ne puisse plus le nier : grande cause toujours, le couple présidentiel n’a jamais pris le parti des victimes. Et si le patriarcat a les reins aussi solides, c’est parce que ceux qui en profitent serrent les rangs.

> Main dans la main, ils ont le pouvoir, ils y tiennent - et on va voir qui c’est qui commande. Or, pour l’instant, celui qui commande, c’est le mari de madame. Celui qui soutient Depardieu, en pleine procédure pour viol. Celui qui nomme Darmanin, deux fois accusé de viol, à l’Intérieur, puis à la Justice. Les candidats étaient nombreux, les ministères plus encore, mais Emmanuel Macron a choisi, lui aussi. Et quand Samuel Paty est mort, il a lâché : «La République est bonne fille, elle ne se laissera pas violer.» A croire que toutes les autres sont des sales connes.
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Brigitte Macron, les «sales connes» et toujours la culture du viol, par Giulia Foïs – Libération

10 décembre 2025 à 15:53
Parfait.

> Les féministes ont l’habitude d’être insultées. Dans les années 70, quand elles manifestaient pour le droit à l’IVG, on les traitait de «salopes» - et peut-être même que Claude Pompidou l’a fait. Personne ne devrait s’en étonner, mais personne ne pourra le prouver : à l’époque, on ne filmait pas. Et les réseaux sociaux n’existaient pas. La différence est là : nous avons, aujourd’hui, sous les yeux, dans les oreilles, la preuve incontestable que le pays des droits de l’homme n’est toujours pas celui des femmes, et qu’au plus haut sommet de l’Etat, le patriarcat, en fait, ça nous va.

[...]

> On en appellera aux anciennes, dont on pense aujourd’hui le plus grand bien. Bientôt, les figures tutélaires de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi surgiront des tiroirs, et ce qu’on oubliera, c’est que, de leur vivant, on les a insultées – sans doute à cause de leur radicalité. Aussi sûr qu’on viole, partout, tout le temps, et depuis la nuit des temps, les bonnes féministes ont toujours été des féministes mortes. Celles qui ont fini par la boucler. Définitivement. Alors oui, décidément, tout est en ordre dans cette séquence…

[...]

> Entre les deux, Brigitte Macron a choisi son camp, et elle veut qu’on le sache. Devant les caméras, c’est Ary Abittan qu’elle est venue soutenir, pas celle qui a eu le coccyx abîmé par une nuit avec lui. Ce qui choque, ce qui rassemble aujourd’hui, c’est qu’on ne puisse plus le nier : grande cause toujours, le couple présidentiel n’a jamais pris le parti des victimes. Et si le patriarcat a les reins aussi solides, c’est parce que ceux qui en profitent serrent les rangs.

> Main dans la main, ils ont le pouvoir, ils y tiennent - et on va voir qui c’est qui commande. Or, pour l’instant, celui qui commande, c’est le mari de madame. Celui qui soutient Depardieu, en pleine procédure pour viol. Celui qui nomme Darmanin, deux fois accusé de viol, à l’Intérieur, puis à la Justice. Les candidats étaient nombreux, les ministères plus encore, mais Emmanuel Macron a choisi, lui aussi. Et quand Samuel Paty est mort, il a lâché : «La République est bonne fille, elle ne se laissera pas violer.» A croire que toutes les autres sont des sales connes.
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Reçu — 21 août 2025

Ivan Jablonka : «Pour ne plus être drogué culturellement au féminicide, il faut en changer les représentations» – Libération

21 août 2025 à 12:51
> Toutes les violences sexuelles sont adossées à des formes culturelles. Deux sont bien identifiées : la culture du viol et la culture de l’inceste. Le troisième corpus que je propose, cette culture du féminicide, est la pièce manquante qui vient verrouiller le système des violences sexuelles.

> Il m’a semblé nécessaire d’inventer cette notion pour penser des choses qu’on ne voyait pas, ou plus. Ainsi, la culture du féminicide désigne l’ensemble des représentations, des idéologies et des stéréotypes qui racontent et justifient les meurtres de femmes. C’est-à-dire leurs motifs, au double sens du terme : pourquoi on tue les femmes, et comment.

> La culture du féminicide se décline à travers de nombreuses formes, savantes ou populaires. Celles-ci vont de la poésie à la série télé, en passant par la peinture, l’opéra, le music-hall, la chanson et le polar. Mais il est crucial de distinguer le féminicide symbolique de sa représentation réaliste.

> La scène de la douche dans [le film] Psychose est réaliste. A côté de cela se trouve un autre continent, celui des féminicides symboliques, composé des métaphores et allégories qui signifient le meurtre d’une femme. Un exemple entre cent : le tour de magie de la «femme sciée en deux», qui fait florès à partir du XIXe siècle.

[...]

> Cependant, on n’observe pas cette fascination sexo-reproductive pour le corps des hommes. Et puis, il y a d’autres scénarios qui relèvent de la culture du féminicide, comme l’érotisation de la défunte, du corps inanimé, qui n’existe pas davantage vis-à-vis du masculin.

> Le fantasme nécrophile, qu’on retrouve chez Edgar Allan Poe, débouche sur l’affaire Pelicot. Les viols de Mazan relèvent de la culture du féminicide, et cela, à mon avis, n’a pas été suffisamment noté.
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Ivan Jablonka : «Pour ne plus être drogué culturellement au féminicide, il faut en changer les représentations» – Libération

21 août 2025 à 12:51
> Toutes les violences sexuelles sont adossées à des formes culturelles. Deux sont bien identifiées : la culture du viol et la culture de l’inceste. Le troisième corpus que je propose, cette culture du féminicide, est la pièce manquante qui vient verrouiller le système des violences sexuelles.

> Il m’a semblé nécessaire d’inventer cette notion pour penser des choses qu’on ne voyait pas, ou plus. Ainsi, la culture du féminicide désigne l’ensemble des représentations, des idéologies et des stéréotypes qui racontent et justifient les meurtres de femmes. C’est-à-dire leurs motifs, au double sens du terme : pourquoi on tue les femmes, et comment.

> La culture du féminicide se décline à travers de nombreuses formes, savantes ou populaires. Celles-ci vont de la poésie à la série télé, en passant par la peinture, l’opéra, le music-hall, la chanson et le polar. Mais il est crucial de distinguer le féminicide symbolique de sa représentation réaliste.

> La scène de la douche dans [le film] Psychose est réaliste. A côté de cela se trouve un autre continent, celui des féminicides symboliques, composé des métaphores et allégories qui signifient le meurtre d’une femme. Un exemple entre cent : le tour de magie de la «femme sciée en deux», qui fait florès à partir du XIXe siècle.

[...]

> Cependant, on n’observe pas cette fascination sexo-reproductive pour le corps des hommes. Et puis, il y a d’autres scénarios qui relèvent de la culture du féminicide, comme l’érotisation de la défunte, du corps inanimé, qui n’existe pas davantage vis-à-vis du masculin.

> Le fantasme nécrophile, qu’on retrouve chez Edgar Allan Poe, débouche sur l’affaire Pelicot. Les viols de Mazan relèvent de la culture du féminicide, et cela, à mon avis, n’a pas été suffisamment noté.
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