Julia De Funès, un cocktail de « sens » et d’une philosophie singulière… au travail !
Julia de Funès : « Remettre de l’humain dans l’entreprise, c’est de la flûte, du pipo. »
La force de Julia de Funès est sa capacité à naviguer entre les concepts, ses références philosophiques, ses exemples extrêmes qu’elles tempèrent rapidement pour vous laisser respirer. Elle excelle également dans le démontage des formules tendances. « Tout le monde utilise le mot talent dans les entreprises. Ils ont tous du talent ! C’est faux, certains salariés sont fainéants, d’autres hypocrites, certains plus performants… tout le monde n’a pas du talent ! En plus, en terme étymologique, le talent est une somme d’argent. Je trouve cela très mercantile.»
Le terme « bienveillance », certes utilisé à toutes les sauces, l’insupporte également au plus haut point. « J’appelle cela la bienveillance du non-dit, cela devient de la complaisance. Un responsable, un manager n’ose plus formuler une seule critique. Il faut surtout ne pas froisser un salarié. »
Enfin, un troisième terme la dérange en terme de rapport humains dans l’entreprise. « Le bien-être est devenu un objet managérial. Non, l’entreprise n’ira pas mieux en jouant au babyfoot. L’argument du bien est parfois le pire. Remettre de l’humain dans l’entreprise, c’est de la flûte, du pipo. » Non, pour la conférencière, trois moteurs constituent la base d’une entreprise attractive, l’autonomie du salarié, sa reconnaissance, et la rémunération.
Bien sûr, les médias ne sont pas épargnés où « l’avis est une analyse, une opinion devient une réflexion, un débat toujours un combat. On confond l’identité et les idées. J’ai un avis sur la guerre en Ukraine, mais je suis pas qualifiée pour vous faire une analyse ! »
Le process, l’ennemi intime de Julia de Funès !
Dans un monde normé, corseté par le poids administratif où l’itération des cases à cocher afin d’arriver au bout du process est insondable, nous cherchons tous la lumière. Dans cette optique, Julia de Funès considère que le process en lui même réduit l’individu, la technicité débouche sur une version rabougrie de l’homme. Nous devons donc faire autrement : « Nous n’avons pas le choix. Sinon, l’IA nous dépassera et nous serons remplacés dans nos métiers. Pour l’éviter, il faut de l’action qui vous différencie d’une IA bas de gamme, du sens dans votre travail, mais également une confiance en soi. La confiance est une décision (au final), elle améliore l’humain. Ces trois piliers peuvent nous distinguer de la machine. »
« La réalité impose une autre réalité », Julia de Funès !
Ensuite, elle décrit à travers l’histoire les progrès de l’humanité, les bonds spectaculaires de notre organisation sociale : « Nous n’avons jamais vu de progrès majeurs sans période de crise qui la précède. La réalité impose une autre réalité. La crise est une contrainte pour l’esprit ! Je suis donc une optimiste de la réalité. »
Le sens nous permet de suivre un autre chemin
Sur le sens donné à une mission : « Elon Musk est hyper brutal dans son management, mais il dit… nous allons coloniser Mars et tout le monde veut travailler pour lui. » Elle n’hésite pas une seconde sur les références afin de planter son raisonnement philosophique. « Le général SS Adolf Eichmann (exécutant zélé de la solution finale) s’est justifié devant le tribunal de la manière suivante- J’ai suivi tout le process, toute la technique de la procédure. J’étais un bon soldat – Concrètement, il justifie ces actes, car il ne voyait plus le sens derrière la technicité de ces actes. Une philosophe présente à ce procès a nommé cette argumentation comme -la banalité du mal- ! »
En résumé, le pire peut se cacher derrière un protocole, un process, un cahier des charges ou un algorithme hostile… si vous ne prenez pas un minimum de recul !
« Donnons le sens que l’on veut à l’IA », Julia de Funès
Autre sujet incontournable pour la philosophe, l’émergence de l’intelligence artificielle constitue, pour Julia de Funès, une opportunité. Sur cet item, elle est incontestablement ambitieuse et veut que l’homme maîtrise son destin. Cette nouvelle technologie pourrait permettre à l’homme de dépasser les actions répétitives, de laisser la technique et de (re)donner du sens à son travail. La philosophe promeut l’innovation tous azimuts comme pour mettre face à face l’IA bas de gamme et une intelligence humaine modernisée : « La technique, c’est le moyen ; le sens est sa finalité. Donnons le sens que l’on veut à l’IA. »
Elle conclut son propos par une belle citation du philosophe Alain : « Ne décidant jamais, nous dirigeons toujours ! » En effet, pour Julia De Funès, cette phrase met en lumière un état de fait : « On ne décide quasi de rien, restons humbles sur les prévisions et lucides sur le présent. »
Une philosophe challengée par la table ronde !
Aymeric Robin, Président de la CAPH, le responsable RH de Stellantis Valenciennes, le patron de GSK sur Saint-Amand-les-Eaux, et l’entrepreneur du Groupe Delquignies, ont débattu avec la philosophe en pointant des réalités sur le terrain peu compatibles avec sa démonstration. A aucun moment, elle ne se laisse démonter et remet une couche de sens, elle voltige entre les références, parfois contradictoires, mais retrouve toujours le fil de sa pensée. On valide ou on réfute, mais la contradiction était présente à chaque minute au sein de la salle Léaud pour ces RDV Made In Hainaut. C’est aussi cela la démocratie, l’échange !
Daniel Carlier
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