Quand Pékin traque ses dissidents avec de la tech made in Silicon Valley
Vous pensiez que les technologies de surveillance chinoises étaient 100% chinoises ? Hé bien pas du tout. Une enquête passionnante d’AP vient de révéler que le gouvernement chinois utilise massivement des logiciels américains pour traquer ses propres citoyens, y compris ceux qui ont fui aux États-Unis.
L’histoire de Li Chuanliang est assez flippante. Cet ancien fonctionnaire chinois était en convalescence d’un cancer sur une île coréenne quand il a reçu un appel urgent lui disant de ne surtout pas rentrer en Chine. Quelques jours plus tard, un inconnu le prend en photo dans un café. Terrorisé à l’idée que la Corée du Sud le renvoie chez lui, Li s’enfuit aux États-Unis avec un visa touristique et demande l’asile.
Mais même là-bas, à New York, en Californie, au fin fond du désert texan, le gouvernement chinois a continué à le traquer. Ses communications ont été surveillées, ses biens saisis, ses déplacements suivis dans des bases de données policières. Et le pire, c’est que plus de 40 de ses proches ont été identifiés et détenus, y compris sa fille enceinte. Comment est-ce qu’ils ont fait ? Hé bien via différente méthodes, donc une qui consiste à remonter toutes les interactions humaines jusqu’aux chauffeurs de taxi grâce à la reconnaissance faciale.
Et c’est là que ça devient vraiment dingue car la techno utilisée pour contrôler les fonctionnaires chinois à l’étranger depuis une décennie vient en grande partie de la Silicon Valley. Des boîtes comme IBM, Oracle et Microsoft ont vendu leurs logiciels au Bureau d’Investigation des Crimes Économiques chinois.
IBM a notamment vendu son logiciel de surveillance i2 à cette division et des emails qui ont fuité montrent que ce même logiciel a été copié par Landasoft, un ancien partenaire d’IBM, puis revendu aux commissions disciplinaires chinoises. Le truc incluait des fonctions comme la “gestion des personnes associées” et le tracking des réservations d’hôtel.
Et les chiffres donnent le vertige car rien que l’année dernière, cette techno a permis d’identifier et de “punir” près de 900 000 fonctionnaires en Chine, soit presque 5 fois plus qu’en 2012. Et à l’international, plus de 14 000 personnes, dont environ 3 000 fonctionnaires, ont été ramenées de force en Chine depuis plus de 120 pays via les opérations “ Fox Hunt ” et “ Sky Net ”.
IBM a bien précisé qu’ils ont revendu cette division en 2022 et qu’ils ont des “processus robustes” pour garantir une utilisation responsable mais bon, oausi c’est un peu tard les gars.
Maintenant, pour Li, l’avenir est incertain car l’administration Trump a gelé toutes les demandes d’asile. Du coup, s’il ne rentre pas en Chine, il risque un procès par contumace et s’il est condamné et expulsé, c’est la prison à vie qui l’attend.
Bref, la prochaine fois qu’on vous parle de surveillance chinoise, n’oubliez pas d’où viennent les outils.
