Ils remercient le ciel d’être tombés malades
Cher(e) ami(e) de la Santé,
Quel aveu du Pr. David Khayat, ancien chef du plus grand service de cancérologie de France :
« Pendant de nombreuses années, je dois le reconnaître, j’ai été assez réfractaire à l’idée que le stress, le malheur, la tristesse puissent être à l’origine du cancer. Mais aujourd’hui, j’ai changé d’avis »[1].
Il était temps que la médecine prenne en compte les émotions.
Aujourd’hui, même les scientifiques les plus matérialistes reconnaissent que les pensées négatives peuvent nous rendre malade.
Des chercheurs ont par exemple montré que le lendemain de la perte d’un être cher, vous avez 21 fois plus de risques d’avoir une crise cardiaque[2].
À l’inverse, on observe que les émotions positives renforcent les mécanismes réparateurs de notre organisme.
Ce qui reste toujours très polémique, en revanche, c’est la question du sens des maladies.
Pourquoi moi ? Pourquoi cette maladie ?
Qu’on le veuille ou non, c’est un problème qui tenaille énormément de patients.
Lorsqu’il arrive un grand malheur, notre premier réflexe est de refuser d’y croire (« pas moi », « non », « c’est impossible »).
Puis, notre second mouvement, éminemment humain, est de ressentir de la colère et de l’incompréhension : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu ? », disait-on autrefois. « Pourquoi ? » « Pourquoi moi ? », dit-on plutôt aujourd’hui.
Tous ceux qui ont eu le terrible malheur de perdre un enfant se sont posé la question du « pourquoi » – même si leur enfant est mort dans un « banal » accident de la route.
Cette question du sens est aussi très fréquente à l’annonce d’une terrible maladie. Un patient ordinaire, Bruno, explique bien ce qu’il a ressenti :
« Quand l’annonce du cancer de la gorge est tombée, ma première réaction a été : “Pourquoi moi, pourquoi ça ?”. Ce qui m’arrivait n’avait pas de sens. Or, j’ai besoin de mettre du sens pour m’approprier les choses. L’hôpital ne m’apportait aucune explication cohérente, on me proposait seulement de m’immobiliser dans une machine pour subir une radiothérapie[3]. »
Personnellement, je suis convaincu que cette quête de sens ne doit surtout pas être balayée d’un revers de main.
Donner du sens aux malheurs qui nous arrivent n’est pas seulement un besoin chez la plupart des gens.
La maladie est aussi le moment ou jamais pour faire le point sur notre existence – et de voir ce que nous pouvons changer pour mieux vivre !
« Mon infarctus a été un cadeau de la vie »
Les maladies sont une occasion de changer en profondeur car elles donnent le temps propice à la réflexion, à la définition de nos priorités.
Prenez le cas de René, cadre à la retraite :
« Avec le recul, je considère mon infarctus comme un cadeau de la vie. J’ai passé ma vie à me battre contre la vie. Il fallait agir, produire, créer, réaliser ; toujours plus, toujours plus vite. Deux fois par an, épuisé, je prenais des vacances. Puis je reprenais le cours infernal de mon existence, en déclarant que c’était de la folie, que j’allais y laisser ma peau, mais qu’il n’était pas possible de faire autrement. Lorsque la pression était difficile à supporter, je disais assurer ma retraite, je prétendais préparer un futur plus doux, je me promettais un repos bien mérité ; toujours plus tard. Jusqu’au jour où j’ai ressenti une horrible douleur dans la poitrine. J’ai cru mourir. Il s’en est fallu de peu. Aujourd’hui, je réalise que ma peur et mes croyances dirigeaient mon existence. Si ma santé ne m’y avait pas obligé, je n’aurais sans doute jamais adopté un autre mode de vie. Mon cœur m’a rappelé à l’ordre. »
La maladie de Sophie, par exemple, lui fait toucher du doigt un décalage entre la vie qu’elle menait et ses aspirations profondes :
« Depuis que j’ai la sclérose en plaques, j’éprouve le besoin de me ressourcer dans la nature. J’avais oublié à quel point la nature est importante pour moi. Enfant, je vivais à la campagne. J’étais heureuse. Puis je suis allée vivre à Paris. Je croyais y être heureuse. Je réalise que j’y étais simplement contente. Ce n’est pas si mal me direz-vous. Je vous répondrai que ce n’est pas assez. J’ai besoin de la nature, de sa simplicité, de sa paix, de sa violence aussi, de son équilibre, de sa beauté. J’ignore si ma maladie provient d’un « manque de nature », mais je sais que ma guérison ne sera possible que grâce à un « apport de nature ». Et même si cet apport ne me permet pas de me débarrasser définitivement de ma sclérose en plaques, au moins je me serai reconnectée à ce qui est essentiel pour moi[4]. »
Alors n’hésitez pas à faire le point sur votre vie, à chercher le sens (sans attendre la maladie, d’ailleurs !).
Écouter la maladie
Mon conseil, toutefois, est de ne pas forcément chercher à tout prix le sens de votre maladie dans un « manuel » ou dans une théorie « toute faite ».
Guy Corneau décédé en 2017, quelques années après avoir surmonté victorieusement son cancer, l’a exprimé avec sagesse :
« Il importe de se mettre à l’écoute du sens de ce qui nous arrive, car ce sens aide à vivre. Toutefois, si vous êtes malade et cherchez le sens de ce qui vous arrive, ne vous acharnez pas pour savoir si c’est « exactement » ce que la maladie a voulu vous signifier, comme j’ai vu plusieurs personnes le faire, demeurant ainsi prisonnières d’une opération mentale. Je dirais qu’il n’est pas nécessaire que ce sens soit absolument juste ou relativement juste. L’important est d’en trouver un qui réponde à nos tripes, d’en découvrir un que nous sentons pertinent au plus profond de nous-mêmes. »
L’avantage est de ressentir que vous êtes bien aux commandes de votre vie – et non pas malmené par des événements sur lesquels vous n’avez aucun contrôle.
C’est aussi l’occasion de vous poser des questions sur votre mode de vie – stress, alimentation, polluants – et d’essayer de retrouver l’équilibre que votre santé réclame.
Il ne faut pas ressentir de la culpabilité – c’est pire que tout. Mais il est primordial de reconnaître une part de responsabilité dans ce qui nous arrive.
Au total, la maladie n’est pas seulement un « adversaire à abattre ». C’est aussi un messager à écouter.
C’est ce qu’exprime très bien Thierry Janssen, auteur de l’excellent livre La maladie a-t-elle un sens, à qui je voudrais laisser les derniers mots :
« Si nous considérons la maladie comme l’ennemi de la bonne santé, inévitablement nous nous sentons impuissants face au danger, nous nous positionnons en victimes, et nous dépensons tous nos efforts à trouver des moyens de nous défendre ou de nous battre.
En revanche, si nous acceptons l’idée que la maladie est une manifestation de la santé, automatiquement nous comprenons qu’elle n’est pas inévitable, nous sommes obligés d’assumer notre responsabilité dans les processus qui l’ont créée, et nous pouvons tenter de prévenir son apparition.
De la « maladie ennemie » à la « maladie amie ». De la « maladie à soigner » à la « maladie à écouter ». De la « maladie à subir » à la « maladie à prévenir ».
Bonne santé,
Xavier Bazin