Les Etats-Unis présentés comme une menace pour la sécurité du Danemark
Dans son rapport annuel, le renseignement militaire à Copenhague compare les Etats-Unis à la Russie et à la Chine et met en garde contre le fait que Washington « n’exclut plus le recours à la force militaire même contre [ses] alliés ».
Chaque année, au mois de décembre, les services de renseignements militaires danois (Forsvarets Efterretningstjeneste, FE) publient un rapport détaillé, évaluant les menaces qui pèsent contre la sécurité du royaume. La Chine, la Russie et diverses organisations terroristes figurent dans les dernières éditions. Elles y sont toujours dans le document présenté mercredi 10 décembre. Mais pour la première fois, les Etats-Unis, alliés historiques du Danemark depuis la seconde guerre mondiale, sont aussi ajoutés à la liste.
Intitulé « Udsyn » (« Perspectives »), le rapport décrit un monde où trois grandes puissances se disputent l’influence au détriment des autres pays et où les Etats-Unis « utilisent leur puissance économique, notamment sous la forme de menaces de droits de douane élevés, pour imposer leur volonté et n’excluent plus le recours à la force militaire, même contre leurs alliés ».
L’Arctique fait l’objet d’un chapitre entier. Là encore, les Etats-Unis sont comparés à la Chine et la Russie, sans aucune mention de l’alliance entre Washington et Copenhague, formalisée dans l’accord de défense sur le Groenland signé en 1951, qui permet pourtant à l’armée américaine d’être présente sur l’île. Le rapport se contente de noter « l’intérêt croissant des Etats-Unis pour le Groenland et son importance pour la sécurité nationale américaine », estimant qu’il « augmente la menace d’espionnage, y compris le cyberespionnage, et les tentatives d’influence sur toutes les parties du royaume du Danemark ».
« Incertitudes »
Parmi les menaces, le FE évoque aussi les « incertitudes » qui « planent sur le rôle des Etats-Unis en tant que garant de la sécurité européenne », risquant d’encourager la Russie à « intensifier ses attaques hybrides contre l’OTAN ». A l’avenir, souligne le rapport, Moscou pourrait mener des « provocations » afin de « tester la volonté réelle des Etats-Unis de venir en aide à l’Europe ». La Russie sera aussi « probablement plus encline à affronter les pays européens membres de l’OTAN si les Etats-Unis (…) retirent davantage de leurs troupes d’Europe ».
Sur la chaîne publique DR, le patron des services de renseignements danois, Thomas Ahrenkiel, constate « le dilemme » auxquels font face le Danemark et les autres pays européens : « D’un côté, nous sommes totalement dépendants de la sécurité américaine et de la contribution des Etats-Unis à la sécurité de l’Europe. De l’autre, nous sommes confrontés à des Etats-Unis qui défendent davantage leurs propres intérêts, qui ont une vision du monde différente de celle qu’ils avaient peut-être auparavant et qui utilisent également d’autres moyens pour atteindre leurs objectifs. »
Dans ce contexte, la position du Danemark, défenseur acharné de la coopération transatlantique, a beaucoup évolué. Dès juin 2022, Copenhague s’est rapproché de ses voisins européens, en rejoignant la politique de sécurité et de défense commune. A l’époque, il s’agissait d’une réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Les convoitises de Donald Trump à l’égard du Groenland ont accéléré le réveil. Si les dirigeants danois ont commencé par assurer que les Etats-Unis restaient « le plus proche allié » du Danemark, le ton a changé à mesure que se multipliaient les attaques verbales contre le pays nordique, accusé de « ne pas être un bon allié », par le vice-président américain, J. D. Vance.
Symbole de ce virage : le 12 septembre, le gouvernement danois a annoncé qu’il allait acheter des batteries de missiles sol-air auprès de fournisseurs européens, plutôt que de choisir le système américain Patriot.
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