Desserrer l’étau… fiscal et budgétaire à Saint-Saulve
(Visuel du site O’Centr’Halle dont le chantier s’achève)
Saint-Saulve, symbole de la précarité budgétaire d’une collectivité locale !
En propos liminaire, Yves Dusart évoque un retard de livraison du chantier Groupe scolaire du Bas Marais. « Nous ne pourrons pas faire la rentrée en septembre 2025 compte tenu des intempéries en début de chantier 2024 (forte pluviométrie). Ensuite, nous n’avons jamais pu rattraper le retard, sans oublier la liquidation judiciaire d’une entreprise (en charge des charpentes métalliques, bois, ossature) ce qui nous amène à décaler cette rentrée scolaire (sur site) au mois de janvier 2026. L’équipement sera livré fin octobre 2025 », commente le maire. Une discussion s’est engagée avec l’opposition sur le montant de l’investissement dédié à ce projet, nous y reviendrons dans le débat budgétaire !
Ensuite, l’édile évoque la visite du Nouveau Sous-Préfet de Valenciennes dont l’expertise financière ne sera pas inutile sur le Valenciennois : « Il est très abordable et hyper pointu sur les finances publiques. Il a parfaitement ciblé nos problématiques. » Pour autant, les paramètres d’un potentiel fiscal trop élevé colle à la peau de cette commune comme la peste bubonique. Cette donnée financière conduit, année après année, à la réduction des dotations d’Etat : « Personne ne vient en aide à Saint-Saulve ! C’est pourquoi, nous allons relancer une campagne de communication à l’instar de celle pour le Groupe scolaire du Bas Marais. A l’époque, nous avions obtenu 52 % de fonds publics pour cette construction scolaire et je remercie d’ailleurs Valenciennes Métropole pour son soutien d’un million d’euros, non prévu dans le projet initial », commente Yves Dusart.
Excédent de fonctionnement 2024
Avant l’examen de tout budget primitif, l’excédent (ou pas) budgétaire de la section de fonctionnement et/ou d’investissement de l’année précédente est obligatoire. En l’espèce, le solde positif 2024 de 5 928 493 euros en section de fonctionnement sera reporté dans ladite section en 2025. Ensuite, le solde excédentaire dans la section d’investissement de 2 945 871 euros est fléché vers les recettes d’investissement sur le BP 2025. « Cette donnée s’explique par le décalage du chantier du Groupe scolaire du Bas Marais », précise Jean-Marie Dubois. Pour rappel, le BP 2024 avait ciblé les investissements sur le site « Ô Centr’Halle », le Groupe scolaire Bas Marais, et l’eco-village dont l’objectif est de muscler le logement de 250 logements supplémentaires sur la ville. « Nous avons tout fait pour ne pas descendre en dessous du seuil des 10 000 habitants ce qui eut été une catastrophe pour Saint-Saulve », ajoute Yves Dusart.
Pas directement lié, mais tout de même, l’édile a donné des nouvelles du Centre pénitentiaire et de ses futurs 750 habitants (environ) permanents : « Le projet est toujours actif pour le nouveau Garde des Sceaux. L’APIJ, en charge des réalisations de bâtiments pénitentiaires, poursuit son travail sur le calendrier des travaux. »
Fiscalité locale 2025
Comme de nombreuses collectivités locales, la commune ne va pas toucher aux taux de la taxe foncière, ni celle de la TF non bâtie, ni de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Pour autant, Sheerazad Aouadi commente une hausse récente : « Vous avez failli à votre promesse de campagne électorale en augmentant dès le début du mandat la taxe foncière. Il y avait d’autres options, l’éclairage public, la piscine, les services à la population. Vous n’êtes pas le seul à avoir des idées. » Yves Dusart répond immédiatement : « Ce n’est pas au début du mandat, mais au budget 2022. De plus, c’est sur ordre du Préfet du Nord et de toute façon, nous n’aurions pas pu équilibrer notre budget sans celle-ci. D’ailleurs, vous l’avez voté à l’époque. Enfin, indiquez officiellement que vous voulez réduire les services à la population. »
La collecte 2025 s’annonce plus réduite pour la commune, 8 774 678 € contre 8 857 724 euros en 2024. A ce titre, Jean-Marie Dubois commente une faible hausse de la futur taxe foncière, 0,74%, et par suite « une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des Saint-Saulviens ! », selon Sheerazad Aouadi.
Quand on se compare, on se rassure…, mais pas à Saint-Saulve !
Les premiers mots de Jean-Marie Dubois, adjoint aux finances, sont à la mesure de l’aridité du sujet : « Nous voici devant ce Budget Primitif 2025 tant redouté. Pour rappel, cette construction démarre dès le 01 octobre de l’année précédente. D’ailleurs, je regrette que l’opposition n’assiste jamais à ces commissions financières. Ensuite, nous avons traversé durant ce mandat, la Covid, la crise énergétique et la dette publique (d’Etat). » Rappelons le discours des années précédentes avec une réelle interrogation sur la faisabilité d’un budget en 2025 à Saint-Saulve… !
Comme un symbole d’un paquet cadeau empoisonné, le maire explique « que l’AMF* avait calculé notre DGF (Dotation Générale de Fonctionnement) en 2025 à 76 900 euros et au final elle est de 26 091 €. » Dans la foulée, la projection des dotations de l’Etat, tout cumul, DGF, DSU… avec des communes de même strate sur le Valenciennois fait froid dans le dos.. « même si je suis très content pour celles-ci ! », précise le maire. De plus, la commune ne rentre jamais dans les critères de la péréquation, c’est à dire d’un reversement d’une collectivité locale à un fonds commun où des collectivités locales comme Prouvy, Petite-Forêt, voire Hordain abondent des moyens financiers au bénéfice de communes en délicatesse budgétaire.
En résumé, une baisse inexorable des dotations de l’Etat, une péréquation impossible en sa faveur, investissement corseté, réduction mécanique des services à la population, j’en passe et des meilleurs. A un moment donné, comme l’esprit de la loi NOTRe l’a instillé à bas bruit à travers le transfert de compétences à l’EPCI et par suite de la puissance financière territoriale, la volonté de l’Etat in fine n’est-elle pas de supprimer la strate communale au bénéfice d’une seule intercommunalité et de ses élus, puis des techniciens à l’échelon local. On y allait tout droit, sauf que la pandémie a remis en avant l’utilité d’une force politique de proximité et des élus au contact des besoins… de sa population. Finalement, un maire est utile pour se prendre des baffes à la place du pouvoir central !
Le Groupe scolaire du Bas Marais
Pour ce budget primitif 2025, les canons financiers sont les suivants : 4,94% de hausse des dépenses de fonctionnement à caractère général, « et nous sommes à jour de nos factures 2024 (exécutées) », précise l’adjoint aux finances, sur une enveloppe globale concernant la section fonctionnement de 21 891 968 euros. Bien sûr, la masse salariale est une composante majeure dans cette section, celle-ci impacte à 58% ce budget de fonctionnement. Certes, cette donnée est élevée, car le standard d’une pesée raisonnable se calibre plutôt en dessous de 50% pour une collectivité locale, mais avec également beaucoup moins de services à la population que la commune de Saint-Saulve propose, piscine communale, MJC Athéna, etc. Les raisons du poids de la masse salariale sont de fait structurelles sur cette commune et dans la ligne politique de Cécile Gallez très portée sur le service à ses administrés. La hausse de la charge de salaires est de 1,89% pour 2025.
Concernant l’investissement, il est en hausse également de 5,94% à 18.493.000 euros où le Groupe scolaire occupe une place majeure dans celui-ci, 9,2 millions d’euros. A ce titre, Sheerazad Aouadi s’interroge sur le coût de cet équipement scolaire : « C’est 10, 13 ou 18 millions d’euros ? ». Yves Dusart répond tout de go : « La délibération a été validée à 13 millions d’euros TTC et depuis ce montant n’a pas bougé ! » Pour sa part, Bruno Thiollet revient sur ce choix d’un nouveau Groupe Scolaire. « N’avez-vous pas fait des devis sur l’école du centre ? Une rénovation importante, ce n’est pas le même coût que la réalisation d’un nouveau Groupe scolaire (avec 14 classes) ! ». Concernant les travaux, la problématique des sanitaires est centrale pour ce choix d’une nouvelle page scolaire sur Saint-Saulve. « On ne pouvait pas (techniquement) réaliser de nouveaux sanitaires sur cette école. Ensuite, vous avez voté cette délibération sans questions sur ce projet à l’époque ! », répond l’édile.
Concrètement, sur les 13 millions d’euros TTC, 52% sont subventionnés et de fait un emprunt de 6,2 millions d’euros pour le reste à charge de la collectivité locale. Le choix en 2025 de réaliser un nouvel emprunt à hauteur de 2,7 millions d’euros met en lumière deux paramètres ; Saint-Saulve ne peut compter uniquement sur son autofinancement pour investir, ni la FCTVA dont le remboursement intégral 2024 est le dernier, mais de l’autre conserverait une signature de qualité pour emprunter (dans l’attente d’une réponse bancaire) et réaliser des investissements pour sa commune. Au global sur le volet emprunt, la commune doit 12 millions d’euros en capital restant dû et une annuité d’1.080.000 euros à rembourser en 2025.
Entre renoncement et investissement, le dilemme de Saint-Saulve !
Une délibération met en lumière les renoncements et les choix d’investissements. « Nous devons à chaque budget faire des arbitrages très douloureux », souligne Jean-Marie Dubois. En effet, cette enveloppe d’investissement 2025 comprend également un travail sur les abords du futur Groupe scolaire Bas Marais : Parvis et sa végétalisation aux abords du futur Groupe scolaire, création d’un parking public de 105 places de stationnement, création d’un jardin sauvage, d’un cheminement piétonnier, aire de jeux reconfiguré, jardin pour la sensibilisation à la biodiversité. Ces travaux s’évaluent à 3 012 050 euros avec une subvention de 400 000 euros par le Conseil département du Nord, donc un reste à charge local de 2 612 050 euros.
Pour le reste, Yves Dusart souligne les délaissés de l’investissement faute de moyens comme « une aire de jeux petite enfance, un réaménagement du CCAS, une rénovation de l’Avenue de l’Europe, la réhabilitation lourde du Château Fortier (toiture, fenêtre), le panneau d’informations (HS) que nous devons démonter faute de moyens pour le réparer, le plan lumière, les voiries où nous rénovons seulement les plus pourries, car 2 millions par an seraient nécessaire… ! »
Sachant que 70% de l’investissement global est réalisé sur les territoires par les collectivités locales. L’Etat a-t-il tant intérêt que cela à s’arc-bouter derrière des ratios intangibles en limitant de fait la capacité d’une commune à faire travailler des entreprises privées, souvent de sa région, donc de maintenir une activité économique et réaliser des équipements au service de tous ses administrés, les plus démunis comme les plus favorisés ?
Paramètre essentiel dans l’analyse d’un budget local, la fameuse capacité de désendettement reste contenue. En effet, après un passage autour de 10 ans, elle passe à 12 ans en lien avec l’investissement massif sur le Groupe scolaire du Bas Marais. « Nous devons rester absolument en dessous de 15 ans », précise Jean-Marie Dubois. Ce dernier a raison, car même si l’ancienne mise sous tutelle n’existe plus, une saisine préfectorale est possible afin de signaler à la Chambre Régionale des Comptes un souci budgétaire local si le seuil des 15 ans de capacité de désendettement est atteint. C’est tout de même moins coercitif !
« Une pause » de l’investissement s’impose !
Comme démonstration d’une collectivité locale dans une impasse budgétaire en 2025 et sans doute pire encore durant les années suivantes, Yves Dusart présente un graphique avec un montant incontournable : « Nous avons 4 150 000 euros de dépenses incompressibles, fluide, entretien, contrôles…. Donc, notre marge de manoeuvre est possible sur 785 000 euros sur les animations et autres services à la population. D’évidence, les dépenses contraintes vont augmenter en 2026 et les années suivantes. Malgré tout, ma première pensée pour les prochaines années est l’espoir. »
Ensuite, il ne trahit pas un secret d’Etat en indiquant que l’exécutif national va demander encore un effort majuscule aux collectivités territoriales en 2026 et 2027. Dans cette optique, « le prochain mandat fera une pause (en cas de réélection) sur les investissements. »
Toutefois, le premier magistrat se félicite aussi que son équipe a réussi à maintenir sa cohésion, sauf un retrait, malgré des vents budgétaires contraires : « J’assume toutes mes décisions depuis 2020. »
O’Centr’Halle bientôt en piste
La construction de la prochaine halle juste attenante à l’hôtel de ville s’achève. D’ailleurs, l’élue en charge annonce le prochain transfert des deux marchés hebdomadaires (Parvis de la Mairie et Avenue Charles de Gaulle) vers le site « O’Centr’Halle » pour les 08 et 10 juin. « Les redevances ont été validées par la commission des marchés », précise Salvatore Sanno. Dans la foulée, Sheerazad Aouadi demande si « une étude de marché a été réalisée pour ce projet ? ». « Ce dossier a bénéficié d’une subvention (50% du projet) dans le cadre de la redynamisation des centres-villes », précise Salvatore Sanno. Enfin, le maire coupe la conversation puisque « nous ne vendons rien, alors pourquoi une étude de marché ? »
En prenant du recul sur ce dossier, le regroupement des deux marchés au coeur de la cité est un pari gagnant éprouvé dans de nombreuses communes du Valenciennois et bien au delà. L’ouverture aux beaux jours sera idéale pour un lancement d’une activité qui devrait cartonner sur la durée au plus grand bonheur des consommateurs et des commerçants non sédentaires. Ensuite, plus de 50% des communes du Hainaut ont fait construire une halle, directement ou via l’EPCI, comme une tendance de proximité. Seule inconnue, la proposition d’une restauration au coeur du Ô Centr’Halle ne supportera pas la médiocrité tout en restant accessible au plus grand nombre… ! A ce stade, le professionnel idoine n’a pas encore poussé la porte de la mairie.
Daniel Carlier
* Association des Maires de France
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