Nora Taalba (Label Vie) : « Il faut sacraliser l’humain dans l’aide à domicile »
Comment vieillir demain en France ?
La thématique de la prise en charge des personnes vulnérables, et notamment les personnes âgées, a connu plusieurs vies en France. En effet, face à ce besoin, les collectivités locales françaises ont choisi de créer des structures dédiées sous conditions de ressources, ou pas, et cahin-caha a traversé le siècle. Le bras armé de cette politique est le fameux CCAS mise sur les fonts baptismaux en 1986, mais il n’est que le reflet d’une humanité envers les plus démunis née sous la Révolution française, l’historique bureau de bienfaisance instauré en 1796.
Puis, avec ses travers dans la gestion au quotidien, le Ministre bouillonnant Jean-Louis Borloo a choisi de renverser la table. En effet, il lance le « Plan Borloo » en 2004 où il fait entrer le service à la personne dans le secteur marchand. C’est la 2ème révolution du métier.
L’impact du Plan Borloo
Clairement, un cahier des charges relatif à la qualité de la prestation de service a accompagné ce transfert détonnant. D’un coté, des entreprises ont émergé comme Label Vie https://www.labelvieservices.fr/, avec un service de repas à domicile, ménage et toilettes des personnes fragiles, située Bd Watteau à Valenciennes, et de l’autre les associations subventionnées, voire des services communaux en régie, ont essayé de s’adapter à ce nouveau paysage professionnel.
« Le Plan Borloo a permis une montée en gamme de la qualité du service à la personne, mais également de décloisonner l’aide à domicile », commente Nora Taalba. Dans cette optique, les deux véhicules de ce service de maintien à domicile ont poursuivi leur vie avec une problématique de taille, le coût unitaire de la prestation à domicile et son modèle économique indispensable. Il serait injuste de dire que le Plan Borloo a exonéré la puissance publique de toute responsabilité en la matière, c’est le sujet de l’entreprise privée et vogue le navire. Non, l’arrivée en force du privée en coexistence des structures publiques, associatives ou pas, a tiré vers le haut les métiers où vous devez être diplômé pour réaliser la toilette, mais surtout travailler (dans l’idéal) avec une réelle appétence pour le métier. « Si vous n’avez pas d’empathie pour les personnes… Là, nous connaissons un problème sur la durabilité, la pénibilité, et la compétence des candidates, car il faudrait aussi masculiniser la profession. Certes, la digitalisation facilite la gestion du quotidien pour les intervenants, tout le volet administratif est plus facile, mais il faut sacraliser l’humain dans l’aide aux personnes fragiles. Le numérique ne fera pas la toilette, IA comprise, à la place d’une intervenante à domicile ! », commente Nora Taalba.
Des « Assisses de l’aide à domicile «
Concrètement, Said Benoussad présente l’équation sur la table : « Les structures associatives appliquent encore un coût établi 25 ans plus tôt. Il n’y a plus aucune rentabilité, d’où des conflits sociaux nombreux (comme sur des structures sur la ville de Valenciennes). En face, quels sont les moyens alloués par la puissance publique pour prendre en charge les personnes vulnérables ? » Certes, ils sont existants à travers le Conseil départemental et l’allocation APA (allocation personnalisée d’autonomie), mais le soutien financier vers le bénéficiaire ou les acteurs du marché est insuffisant face à la recrudescence de personnes âgées à prendre en charge.
En résumé, un nouveau plan est attendu par l’ensemble de la profession avec gourmandise et fébrilité. « Nous avons écrit un manifeste pour que tous les acteurs se mettent autour de la table. C’est pourquoi, nous souhaitons rapidement des Assisses de l’aide à domicile », ajoute Nora Taalba.
Le Big Bang Post Covid
Ensuite, une 3ème révolution est arrivée comme un ouragan dans le monde de la prise en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, elle a pris la forme d’une pandémie mondiale, la COVID.
Suite à cette période improbable, le focus sur les EPHAD s’est fait jour avec un courageux et célèbre livre « Les Fossoyeurs » dont le résultat a été une série de contrôles dans les 7 500 EPHAD françaises. Les résultats ont été révélé ce mardi 25 mars, 55 établissements ont écopé de »sanctions graves » et une kyrielle de recommandations, voire d’injonctions, à progresser dans ladite activité.
A coté de cette activité en établissement, l’aide à domicile a pris la vague avec une problématique de recrutement très très sérieuse. « Il y a de moins en moins de personnes avec la vocation, ils sont plutôt là pour la rémunération, mais il faut avoir envie de pratiquer ce métier », explique Manon, une collaboratrice dédiée au recrutement au sein de l’entreprise Label Vie. « Aujourd’hui, nous avons 3 salariés en charge du recrutement. Au début des années 2000, nous recevions des CV à profusion avec des compétences. Aujourd’hui, il y a un véritable problème de capacité à…, d’empathie envers les personnes âgées ou en situation de handicap. Enfin, compte tenu que les salaires (revalorisés post COVID) sont faibles, vous avez des salariés en précarité au contact de personnes en situation de précarité. Néanmoins, chez Label Vie, nous préservons absolument la qualité de service et les valeurs humaines. C’est la base de notre recrutement », explique Nora Taalba.
Nous sommes dans le champ des « métiers de l’humain. Aujourd’hui, vous avez une génération qui revendique, ni politiquement, ni syndicalement, une meilleure prise en compte de la pénibilité du travail », conclut Said Benoussad. Dans ce cadre, il faut des réponses urgentes face à l’ampleur de la mission et d’une hausse exponentielle des bénéficiaires , car ce sujet est une bombe sociétale à retardement.
Avec 120 salariés (85 ETP), l’entreprise « Label Vie » évolue sur le Valenciennois, le Cambrésis, et le Douaisis, et pour son 20ème anniversaire, elle va aller au contact de ses partenaires, certains bénéficiaires, pour une restitution finale en juin 2025. Enfin, elle compte bien participer à toute avancée sur cette thématique, car il n’est plus urgent d’attendre, mais il est essentiel d’agir vite !
Daniel Carlier
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