Philippe Rio : « Le bonheur est dans le local »
Le premier point de rendez-vous Ă©tait emblĂ©matique dâune rĂ©silience dâun territoire, lĂ oĂč lâancien site minier de Wallers Arenberg sâest transformĂ© hier, aujourdâhui encore, sans omettre les projets en cours pour demain. Sur cette distinction gratifiante pour un maire, the best in the world, Philippe Rio ne sâĂ©tale pas trop sur le sujet : « Ce titre est remis depuis le dĂ©but du XXIĂšme siĂšcle par une Fondation plutĂŽt progressiste, basĂ©e Ă Londres. En 2021, 32 communes sur lâensemble du globe ont Ă©tĂ© retenues sur la thĂ©matique choisie pour cette Ă©lection, diffĂ©rente Ă chaque fois, la lutte contre la pauvretĂ© pendant La Covid. A la fin, jâai fini ex aequo avec le maire de Rotterdam. Bien sĂ»r, cette distinction est dâabord une rĂ©compense dâĂ©quipe. Je nâai pas distribuĂ© 230 000 masques ou livrĂ© 500 colis repas par jour tout seul, câest un travail collectif ! Le bonheur est dans le local. »
Aujourdâhui, le meilleur maire du monde honoraire, car cette distinction est remise tous les deux ans, apprĂ©cie cette rĂ©compense « et la mise en lumiĂšre positive de sa commune, ses solidaritĂ©s. » Câest dâailleurs cette expĂ©rience croisĂ©e que Philipe Rio est venue partager avec Aymeric Robin et une petite surprise Ă la clĂ© : « En 1999, jâai fait un stage de 10 mois Ă lâEPF (Etablissement Public Foncier) du Nord Pas de Calais oĂč jâai dĂ©couvert un autre environnement urbain, plus horizontal. Je connais donc cette rĂ©gion oĂč jâai pas mal voyagĂ© dans le cadre de cette mission. »
Pour sa part, le maire de Raismes souligne « une approche similaire de la gestion municipale, notamment dans les quartiers, souvent lâangle mort de la rĂ©publique. Dâailleurs, la pĂ©riode de la Covid mâa poussĂ© dans la mise en oeuvre dâune souverainetĂ© alimentaire locale. Ensuite, nous menons des actions de dĂ©mocratie participative. Bien sĂ»r, les moyens financiers sont de plus en plus rĂ©duits. »
« Le Hainaut⊠trÚs en avance sur le renouvellement urbain », Philippe Rio
DĂ©jĂ Ă lâĂ©poque, lâancienne rĂ©gion et particuliĂšrement le Valenciennois faisait office de laboratoire vivant des initiatives sociales. « Jâai constatĂ© que le Hainaut Ă©tait trĂšs en avance sur le renouvellement urbain », indique le maire de Grigny.
Pour autant, entre 1999 et 2025, seulement un 1/4 de siĂšcle, mais une Ă©volution sociale, sociĂ©tale, technologique, et financiĂšre au delĂ de lâimaginable Ă lâaube de ce siĂšcle. En 2025, une dĂ©fiance existe Ă lâendroit de nos Ă©lus, un corpus sociĂ©tal ulcĂ©rĂ© vis Ă vis de lâHomme politique et plus encore de son exĂ©cution in fine ! La citoyenne, le citoyen, refuse cette grĂ©garitĂ©, ce conformisme oĂč lâĂ©lecteur devrait fermer les yeux sur des pratiques trĂšs Ă©loignĂ©es de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. « Nous connaissons une crise aiguĂ« de la politique », dĂ©clare Philippe Rio et Aymeric Robin appuie ce propos en craignant une vague de dĂ©fection des maires Ă moins dâun an des municipales. « Les incivilitĂ©s, les agressions physiques et verbales, nous allons connaĂźtre une crise de lâengagement des femmes et des hommes en politique. Quand nous voyons lâagression dâun maire dans la rĂ©gion de Bordeaux suite Ă un rodĂ©o urbain⊠», dĂ©clare Aymeric Robin. Pour lâĂ©lection municipale programmĂ©e en mars 2026, la constitution dâune liste pour les sortants, comme pour les nouveaux prĂ©tendants, sera un vĂ©ritable dĂ©fi Ă un niveau jamais atteint.
NĂ©anmoins, lâĂ©dile conserve une popularitĂ© inĂ©galĂ©e en France. « 2/3 des Français juge positif lâaction de leur maire, il est assez rassurant ! », commente Philippe Rio. Effectivement, cet Ă©lu au coin de la rue, un peu ignorĂ© depuis 2017 malgrĂ© les Gilets Jaunes et un Grand DĂ©bat national, est revenu dans la lumiĂšre. Et oui, la COVID est passĂ©e par lĂ et lâEtat dans toute sa verticalitĂ© a (re)dĂ©couvert toutes les vertus dâun Ă©lu(e) les yeux dans les yeux. « Nous sommes Ă portĂ©e de baffes, dâengueulade, mais aussi de bisous. La mairie est un espace refuge ! », indique Philippe Rio.
Un mandat de crise
AssurĂ©ment, le mandat 2020/2026 restera dans lâhistoire comme celui de tous les chamboulements. Certes, les Ă©diles Ă chaque guerre mondiale sur notre sol ont vĂ©cu des temps innommables, mais les maires Ă©lu(e)s en 2020 auront connu une suite de crises improbables. Son Ă©numĂ©ration pourrait naĂźtre dâun mauvais rĂȘve, une pandĂ©mie mondiale, une crise Ă©nergĂ©tique avec une consĂ©quence budgĂ©taire directe sur les budgets locaux, une inflation des matĂ©riaux plombant les chantiers en cours et reportant les autres, une hausse des produits alimentaires, et par suite une forte augmentation de la prĂ©caritĂ©. Le pauvre est encore plus pauvre et les familles sur le seuil de la prĂ©caritĂ© ont franchi la marche.
Bien sĂ»r, il faut toujours trouver un responsable. « Pour le prochain budget de lâEtat, mĂȘme si nous ne sommes pas responsables de cette dette publique, on demanderait (encore) aux collectivitĂ©s publiques 8 milliards dâeuros », commente Philippe Rio.
Ville nouvelle et territoire de mémoire
Cette convergence dans lâaction au quotidien se dĂ©ploie sur deux communes trĂšs diffĂ©rentes. « Grigny est une commune passĂ©e de 3 000 habitants Ă 20 000 en 5 ans, aujourdâhui 30 000, câest une ville nouvelle. Elle est trĂšs verticale et nous travaillons sur des solidaritĂ©s dans les quartiers », explique son maire. Son regard extĂ©rieur est intĂ©ressant : « Je suis toujours Ă©patĂ© par la richesse culturelle sur vos territoires. Chez nous, en dehors des grandes salles, il ne se passe pas grand chose au niveau culturel ! » Lâabondance du tissu associatif dans le dĂ©partement du Nord explique aussi cette appĂ©tence pour le collectif.
De lâautre, la collectivitĂ© locale de Raismes, ex citĂ© miniĂšre, oĂč « nous agissons pour le vivre ensemble, le partage de notre patrimoine mĂ©moriel comme sur les citĂ©s-jardins (https://www.va-infos.fr/2024/09/30/promenade-associative-dans-les-cites-jardins-pour-les-sauver/) », commente Aymeric Robin.
De maniĂšre incontournable, vivre dans un habitat digne demeure la principale revendication de la population. La liste dâattente est interminable partout en France. Câest pourquoi, lâANRU initiĂ© par Jean-Louis Borloo a Ă©tĂ© lancĂ© au dĂ©but du XXIĂšme siĂšcle, mais il existait un trou dans la raquette sur les logements en diffus. Les fameux corons miniers ont Ă©tĂ© pris en compte (enfin) Ă travers le dispositif ERBM (Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier), signĂ© en 2017 pour dix ans. « En juin prochain, lâANRU va rĂ©flĂ©chir sur la poursuite de cette agence, mais Ă©galement son Ă©largissement du pĂ©rimĂštre dâintervention urbain », explique Philippe Rio.
Une thĂ©matique est au coeur de lâaction locale sur Grigny et Raismes, la transition Ă©cologique, mais « nous parlons dâune Ă©cologie populaire avec des solutions populaires », assĂšne Philippe Rio. En filigrane, câest une critique sans filtres face Ă un mouvement vert plus radical oĂč beaucoup de citoyens sont impuissants.
Sur la commune de Raismes, le travail sur la mobilitĂ© douce afin de dĂ©carboner les territoires Ă travers une politique des petits pas⊠paye, « comme le Colibri, une goutte dâeau Ă la fois ». Dâailleurs, lâaddition de ces initiatives publiques et privĂ©es locales sont indispensables pour la survie de notre planĂšte. On ne peut pas se plaindre tout le temps de la verticalitĂ© du pouvoir et tout attendre de lui afin de rĂ©soudre le rĂ©chauffement climatique⊠!
VoilĂ un bref tour dâhorizon dâune expĂ©rience croisĂ©e, outre le partage dâune Ă©tiquette politique commune (PCF), par deux maires pour lesquels le vivre ensemble constitue le pilier France de la maison des solidaritĂ©s.
Daniel Carlier
Cet article Philippe Rio : « Le bonheur est dans le local » est apparu en premier sur Va-Infos.fr.